Édition du 23 avril 2024

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Asie/Proche-Orient

Iran : Les mobilisations ne faiblissent pas

Les manifestations contre le régime islamique sont entrées dans leur sixième semaine. Elles sont essentiellement composées de femmes, d’étudiantEs, de lycéenNEs, d’enseignantEs, de chômeurs/euses et de précaires.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Dans l’industrie des grèves politiques ponctuelles ont eu lieu. Mais elles ne se sont pas transformées grèves de longue durée, contrairement à ce qui se passe chez les enseignantEs et les étudiantEs.

La première grande grève politique de salariéEs a eu lieu dans trois raffineries du sud du pays. Elle a été suivie par celle de la sucrerie de Haft-Tapeh, malgré une prime surprise de presque deux mois de salaire pour ces derniers, versée la veille !

Depuis, les travailleurs de l’Aciérie Nationale du Khūzestān ont averti qu’ils allaient entrer en grève si la répression des manifestants continuait. Mais nous n’avons pas encore de nouvelles précises à ce sujet, Internet étant coupé ou perturbé, surtout dans ces régions.

Mercredi 25 octobre dans la raffinerie de Téhéran, une des plus importantes d’Iran, les travailleurs sont sortis de leurs ateliers et ont organisé un rassemblement sur le lieu de travail, comme l’atteste une vidéo. Les autorités se sont dépêchées de « démentir » qu’il s’agissait d’une grève. Elles ont expliqué que « ce rassemblement avait pour objet une discussion avec les responsables de l’usine à propos de difficultés existantes » !

Cela montre, une fois de plus, que les dirigeants du régime surveillent les agissements de la classe ouvrière comme du lait sur le feu, et pour cause. Ils ont en mémoire le rôle qu’ont joué les travailleurs de ce secteur pendant la révolution de 1979, et en particulier la grève générale qui a fait tomber le régime monarchique, après 18 mois de mobilisations de rues ainsi que dans les universités.

Une convergence ne s’étant pas toujours réalisée dans le passé

Un décalage a toujours existé en Iran entre le rythme propre du mouvement ouvrier et celui du mouvement d’ensemble.

Au cours de la révolution anti-monarchique de 1979, les salariéEs de l’industrie sont entréEs dans la contestation 14 mois après le début des mobilisations contre le régime du Chah. Cela ne veut pas dire qu’ils/elles n’y participaient pas dès le début à titre individuel au même titre que des jeunes chômeurs/euses ou précaires, des enseignantEs ou des employéEs de l’État. Mais ils/elles n’y participaient pas en tant que travailleurs/euses, en tant que classe. Ce n’est que bien plus tard qu’ils/elles ont eu recours à l’arme de la grève, et que les grèves ont évolué en grève générale.

Au début, les slogans scandés en 1979 ne revendiquaient pas le renversement du régime, mais la libération des prisonniers politiques.

– Sous la présidence de Khatami (1997-2005), les travailleurs/euses n’ont pas bougé.

– En 2009, des grèves et d’autres actions revendicatives massives ont eu lieu au même moment que les manifestations des couches moyennes contre la fraude électorale du président sortant Ahmadinéjad. Deux millions de manifestantEs avaient envahi les rues de Téhéran. Mais ces deux mouvements ne se sont jamais croisés.

L’un était politique et entièrement sous l’influence de l’aile réformatrice du régime, avec des slogans politiques contre Ahmadinéjad et limités à une réforme du régime islamique.

L’autre était un puissant mouvement revendicatif. Le rôle des dirigeants du mouvement réformateur comme Moussavi et Karoubi a été décisif dans cette séparation des deux mouvements. Ils ne voulaient absolument pas qu’une convergence ait lieu.

Des expériences récentes porteuses d’espoir

Ces dernières années, des convergences, ponctuelles ou longues ont eu lieu entre les grèves ouvrières et le monde étudiant, principalement à l’initiative des étudiantEs de gauche. Leur slogan « nous sommes les enfants des ouvriers et restons à leur coté » a souvent résonné dans les grèves et manifestations de rue des salariéEs de l’industrie, par exemple à la sucrerie de Haft-Tapeh, à l’Aciérie Nationale, à Hepco (important fabricant d’engin de chantier) etc. Cela montre le niveau élevé de conscience politique des étudiantEs et leur forte orientation à gauche.

En mai 2021, les salariéEs du complexe de Haft Tapeh, ont imposé la re-nationalisation de leur usine, après deux longues années de lutte et des dizaines d’arrestations et licenciements.

A l’été 2021, certains secteurs de l’industrie pétrolière, ont organisé la plus grande grève de l’histoire de la République Islamique avec plus de 100 000 grévistes répartis dans 15 provinces du sud de l’Iran. En quelques semaines, ce conflit revendicatif s’est transformé en grève politique.

Ces deux exemples montrent la rapidité avec laquelle peuvent évoluer des luttes menées par des salariéEs, aguerriEs lors des longs conflits de ces dernières années.

Cette fois-ci, la possibilité d’une convergence assez rapide des luttes semble tout à fait plausible. Mais pour cela il faut que les mouvements en cours se poursuivent pendant suffisamment de temps.

Behrooz Farahany, 29 Octobre 2022

http://www.iran-echo.com/echo_pdf/29102022.pdf
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article64510
http://alencontre.org/moyenorient/iran/iran-lindispensable-convergence-des-luttes.html

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Behrooz Farahany

Behrooz Farahany, militant de SSTI (Solidarité socialiste avec les travailleurs iraniens [1]

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