Édition du 26 mars 2024

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Asie/Proche-Orient

Les partisans du haut clergé chiite traditionnel auraient remporté plus de 75% des sièges au Parlement iranien

Revue de presse internationale de Thomas Cluzel sur France-culture

Dans un pays où la notion de parti politique , au sens du moins où nous l’entendons habituellement n’existe pas , parler d’élections est évidemment une entreprise a priori difficile ,presque une gageure .
Et si l’on ajoute à cela que tout espoir de changement s’y est brisé depuis longtemps déjà contre le mur de la répression , alors le défi semble tout simplement impossible à relever .Et pourtant , et pourtant ,le scrutin législatif organisé vendredi dernier en Iran constituait un test réellement important pour le pouvoir en place et son président lequel sait sa position aujourd’hui de plus en plus fragile . Alors bien entendu , Mahmoud Ahmadinedjad ne courrait aucun risque face au camp réformateur . Et pour cause : l’opposition était tout simplement absente du scrutin . Assignés à résidence dans un lieu tenu secret , ses deux principaux leaders ont été depuis longtemps réduits au silence précise ce matin la correspondante du journal suisse LE TEMPS . Quant aux « cerveaux » du mouvement réformateur , parmi lesquels de nombreux intellectuels mais aussi des avocats, des journalistes,des professeurs d’université ils se terrent désormais chez eux après avoir subi les pires humiliations : emprisonnement , libération conditionnée au versement de cautions exorbitantes ,interdiction d’exercer leur activité pendant plusieurs années etc etc ... Mais alors qui ? Qui pour inquiéter l’actuel président de la République islamique ? Réponse le clan conservateur . Alors vous me direz :" mais Ahmadinedjad ne fait-il pas lui même parti de ce clan conservateur ?" Oui sauf ... sauf que dans cette bataille électorale tout ce qu’il y a de plus monochrome a priori , deux factions rivales qui n’ont cessé de se déchirer le pouvoir depuis la réélection de l’actuel président étaient en concurrence : non seulement celle du président, mais aussi celle du guide suprême l’ayatollah Khamenei ...

Or selon un décompte quasi définitif ,les partisans du haut clergé chiite traditionnel auraient remporté plus de 75% des sièges au Parlement ne laissant que des miettes au camp du président Ahmadinejad . Alors faut-il s’étonner de ce résultat interroge le journal libanais L’ORIENT LE JOUR ? Probablement pas car dans un régime qui se militarise de jour en jour, le soutien des gardiens de la révolution et des milices islamiques est, quoi qu’il en soit, acquis au guide . Sans compter qu’après la disgrâce de l’ex-président Rafsandjani , les partisans du guide contrôlent désormais toutes les institutions religieuses du pays ...

Reste qu’il s’agissait des premières grandes élections depuis la réélection contestée d’Ahmadinejad en juin 2009 qui avait suscité vous vous en souvenez des manifestations de masse réprimées par le régime des mollahs . Et le bon score des fidèles du guide suprême de la révolution islamique atteste non seulement le fort attachement à la théocratie iranienne analyse de son côté LE DEVOIR de Montréal, mais constitue surtout un terrible revers électoral pour l’actuel président . Symbole de cette crise de popularité , Ahmadinedjad a été battu dans des régions qui lui étaient restées jusqu’ici relativement fidèles . Les régions rurales notamment ,où ses discours populistes et nationalistes ont longtemps séduit de nombreux laissés-pour-compte, ont voté à près de 70% pour la hiérarchie cléricale . Même sa ville d’origine lui a tourné le dos ...

Mais alors pourquoi l’actuel président n’a-t-il plus la cote auprès des siens interroge à nouveau LE TEMPS en Suisse ? Ces dernières années , les tentatives du président de renvoyer d’importants ministres pour les remplacer par des membres de son entourage et sa tendance à contourner le parlement ont vivement déplu . De même que sa gestion hasardeuse de l’économie du pays . On l’accuse notamment d’avoir gaspillé les pétrodollars en privilégiant les aides sociales destinées à sa « base ».Sans compter ses prises de position unilatérales relatives à certaines questions théocratiques. Autant d’initiatives donc qui ont manifestement fait craindre au haut clergé chiite traditionnel une mise en péril de l’autorité suprême d’Ali Khamenei ...

A présent Ahmadinedjad pourrait même être convoqué d’ici à vendredi devant les députés pour s’expliquer sur sa politique économique étrangère . Avec le risque que le parlement choisisse de le destituer si ses explications ne sont pas jugées convaincantes . Alors en réalité, nuance aussitôt le journal , le guide actuellement sous pression de l’Occident n’a pas intérêt à se séparer d’Ahmadinejad pour ne pas donner de signes de faiblesse à la communauté internationale . Et puis , et puis même si le camp réformateur a, lui, été écarté de la vie politique , il continue néanmoins à représenter un danger potentiel pour les conservateurs, refroidis qui plus est par la vague du Printemps arabe qui agite les pays voisins . Autrement dit , et en dépit des résultats des élections de ce week-end , il y a fort à parier que les ultras restent encore fermement unis pour dénigrer tous les partisans du changement ...

Voilà pourquoi estime le journal d’opposition iranien en exil ROOZ , ces élections auront surtout permis de maintenir l’illusion de la démocratie . Le pouvoir iranien est aujourd’hui à 100 % un pouvoir dictatorial renchérit pour sa part le caricaturiste et activiste iranien Kianoush Ramezani ce matin sur le site du Courrier international .Ces élections sont un show ridicule dit-il , car les gens dans les bureaux de vote à qui donnent-ils leur voix , et à quoi ? Quel choix y a-t-il à faire interroge-t-il avant de conclure : Tout ceci n’est qu’un immense show que le régime met en place parce qu’il y a encore le mot "république" dans "république islamique".

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