Édition du 7 mai 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

Notre ami Tom

D’ici quelques temps, Tom Mulcair fera face au congrès du NPD. Généralement, ces congrès laissent peu de place à de vrais débats, comme c’est le cas des autres partis fédéraux. On fête, on danse, on mange, et au plus, on se promène avec des ballons et des foulards pour approuver candidats et chefs. Il n’y a pratiquement aucun mécanisme transparent dans le NPD où on peut débattre, juger, évaluer et élaborer les politiques, si ce n’est que dans le caucus des députés.

Même là, c’est minimaliste. Depuis l’intronisation de Mulcair en effet, le principe de fonctionnement imposé aux députés est « oui chef, merci chef ». Non seulement il faut être d’accord, mais il faut glorifier le chef. C’est lamentable, mais il faut le dire, c’est à l’image d’un système politique profondément antidémocratique, héritier du système colonial britannique. Cela me dépasse qu’il y a encore des gens pour penser que c’est cela, la démocratie.

Alors que dire de Tom ? Il a été en bonne partie responsable du misérable échec de la dernière campagne électorale. La « vague orange » s’est révélée un feu de paille, et on est revenus, pratiquement, au statu quo ante, avec un NPD marginal. Une chance que les électeurs progressistes du Québec ont continué de voter pour ce parti, en dépit de Mulcair réellement. Ailleurs dans le ROC, cela n’a pas bougé.

Mulcair et ses spins ont l’explication magique pour ce dur coup. La population a voulu d’abord et avant tout se débarrasser de Harper et a donc voté « utile », en concentrant ses votes vers l’autre parti du 1 %, le Parti Libéral. Il y a du vrai là-dedans, mais ce n’est pas la raison principale à mon avis.

Sous la conduite de Mulcair, le NPD a échoué à apparaître comme une alternative. Souvenons-nous qu’il a placé son parti à droite du PLC, il fallait le faire ! Ceux et celles qui ont été surpris de cela n’auraient pas dû l’être. Mulcair, ni de près ni de loin, n’a jamais été plus social-démocrate que Trudeau par exemple (probablement moins). Il n’avait, et n’a pas, aucune affinité avec les mouvements populaires, écologistes et syndicaux. Il parle, comme tout « bon » politicien canadien, des deux coins de la bouche, tant sur les politiques austéritaires que sur les pipelines. Sur les questions de politique étrangère, il reste un ferme partisan du dispositif impérialiste (pro-Otan, pro Israël, pro-États-Unis, etc.).

Depuis l’arrivée au pouvoir de Justin, Tom est mal à l’aise, réduit à un quasi silence. Et pour cause. Sur le fonds, il est d’accord avec le gouvernement libéral… Il ne peut pas dire honnêtement autre chose puisque, lors de la campagne, il avait mis de l’avant des politiques qui sont même en-deçà de ce qui est très maigrement et timidement avancé par le gouvernement actuel.

Il faudrait vraiment être masochiste pour continuer au NPD avec ce qui est fondamentalement un aventurier politique. Ce n’est pas à sa défense, mais Mulcair n’est pas seul dans cette position totalement surréaliste. On peut penser, par exemple, à un certain PKP…

Au-delà des aventures souvent tristes des partis et de leurs personnalités, je reviens à l’idée que dans un système pourri, on a généralement des personnes et des institutions pourries. De temps en temps, il y a des exceptions, des « anomalies » qui surviennent quand les structures « fondamentales » contrôlées et manipulées par le 1 % flanchent. C’est ce qui est arrivé, par exemple, en novembre 1976 avec l’élection du PQ, qui résultait, plus que de l’intelligence et de la probité de son chef bien-aimé, de l’élan des mouvements populaires.

Au-delà de ces exceptions, le système rond-rond qui préside la « démocratie » made in Canada fonctionne assez bien, avec la fausse alternance, un système de gouvernement opaque, un univers médiatique totalement déformé, et une opposition, y compris celle du NPD historique, incapable de soulever les débats et de faire basculer la situation.

Je souhaite sincèrement bonne chance aux délégué-es qui iront au prochain congrès du NPD qui est déjà « canné » pour éviter les débats. Peut-être qu’ils et elles pourront trouver les failles. Il y a dans ce parti des personnes qui se sont alignées sur les mouvements populaires, comme Alexandre Boulerice, Gui Caron et quelques autres (la plupart de ceux-là avaient tenté de s’opposer à la nomination de Mulcair comme chef à la suite du décès de Jack Layton). Bref, ayons la modestie de ne jamais dire jamais, au cas où un miracle surviendrait dans ce parti.

En attendant cependant, il faut approfondir le procès de ce système pourri, non-réformable qui s’appelle l’État canadien. Cette critique ne prendra aucun sens à moins qu’elle ne soit liée à un très grand mouvement par en bas, comme en voit régulièrement au Québec, mais seulement au Québec.

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