Il est grand temps que l’éducation cesse d’être une priorité de façade de nos gouvernements. Nous avons laissé s’installer, au sein du système d’éducation québécois, une ségrégation des élèves qui nous a amenés à mille lieues des idéaux de démocratisation du rapport Parent, constate le sociologue Guy Rocher, coauteur du Rapport Parent. Cette situation nuit très sévèrement à des dizaines de milliers d’élèves québécois, tout en rendant pénible la tâche de tous les personnels scolaires (corps enseignant, professionnels, personnel de soutien).
Le collectif a déjà recueilli l’adhésion de plus de mille personnes, principalement du monde de l’éducation, toutes et tous convaincus de l’urgence d’agir. Dans cette pétition, Debout pour l’école ! réclame le retour à une authentique mixité sociale dans les écoles et les classes, l’amélioration des conditions de travail de tous les personnels scolaires afin que tous les élèves aient les conditions nécessaires à des apprentissages fondamentaux rigoureux. C’est à ce prix que nous pourrons réellement parler de réussite éducative et de lutte contre le décrochage scolaire.
Les membres du collectif s’emploieront, au cours des prochains mois, à diffuser la pétition auprès de la population québécoise dans toutes les régions du Québec et dans le plus grand nombre d’organisations de la société civile, pour obtenir un nombre significatif de signatures de citoyennes et de citoyens. Debout pour l’école ! compte réunir des dizaines de milliers de signatures pour obliger le ministère de l’Éducation à agir dans ce sens. On peut signer le texte de la pétition et lire son argumentaire sur le site du collectif, https://ecole.ca.edu/}
Contacts : info@ecole.ca.edu
Suzanne-G. Chartrand
Pour une école équitable et de qualité
L’éducation est capitale dans une société démocratique. Les politiciens clament que c’est une priorité, mais ne posent pas les gestes nécessaires pour donner à l’école québécoise les moyens de faire ce que l’on attend d’elle. Le collectif Debout pour l’école ! défend une école publique équitable et de qualité pour tous, une école offrant à tous les élèves un milieu de vie propice à des apprentissages rigoureux.L’éducation est capitale dans une société démocratique. Les politiciens clament que c’est une priorité, mais ne posent pas les gestes nécessaires pour donner à l’école québécoise les moyens de faire ce que l’on attend d’elle. Le collectif Debout pour l’école ! défend une école publique équitable et de qualité pour tous, une école offrant à tous les élèves un milieu de vie propice à des apprentissages rigoureux.
Dans ce but, nous demandons au ministre de l’Éducation du Québec, issu du milieu de l’enseignement et récemment entré en poste, de mettre en place de façon prioritaire les mesures ci-dessous pour mieux assurer la qualité de l’enseignement et des apprentissages des élèves au cours de la scolarité préscolaire, primaire et secondaire, tant au secteur des jeunes qu’à celui des adultes. Comme celle-ci est largement tributaire des conditions dans lesquelles œuvrent les personnels scolaires, nous priorisons, dans un premier temps, les revendications qui suivent.
1. Assurer une véritable mixité sociale et culturelle dans les classes et les écoles.
L’école doit pouvoir accomplir sa mission fondamentale d’instruire et d’éduquer tous les élèves afin qu’ils deviennent des citoyen·ne·s responsables. L’objectif d’une éducation équitable et de qualité pour tous ne pourra être atteint que si les classes et les écoles sont des lieux d’une véritable mixité sociale et culturelle. C’est loin d’être le cas actuellement : le Conseil supérieur de l’éducation a lancé à cet égard un avertissement sévère, en 2016 (1 et 2). [1] L’existence d’un réseau d’écoles privèes, conjuguée à la mise en place de projets particuliers sélectifs dans les écoles publiques, a pour effet une ségrégation importante des effectifs scolaires. Nous sommes très loin des objectifs de démocratisation et d’égalité des chances du rapport Parent. Pourtant, de nombreuses recherches montrent les avantages de la mixité scolaire pour les élèves.
Il faut :
• prendre les moyens nécessaires pour assurer une plus grande hétérogénéité dans les écoles et dans les classes, en cessant toute forme de sélection fondée sur le rendement scolaire ou sur la capacité de payer des parents pour que tous les élèves puissent avoir accès aux différents programmes particuliers (arts-études, programme d’éducation internationale, etc.) offerts au primaire et au secondaire dans les écoles publiques.
2. Diminuer les ratios élèves/enseignant·e et élèves/personnel de soutien.
Depuis les années 1990, des dirigeants scolaires et quelques chercheurs en éducation ont proclamé haut et fort que le nombre d’élèves dans une classe n’avait pas d’incidence sur la « réussite scolaire ». Ce qu’ils ne précisent pas, ce sont les critères utilisés pour mesurer cette « réussite scolaire ». Les études à ce sujet sont nombreuses, mais souvent contradictoires ou difficilement interprétables de façon unilatérale, car elles reposent sur des paramètres différents (3, 4 et 5).
Quoi qu’il en soit, toute personne ayant de l’expérience en enseignement sait au contraire qu’au-delà d’un certain nombre d’élèves dans une classe, il est plus difficile d’instaurer un climat sain et propice aux apprentissages. En effet, surtout dans les classes dites régulières, où sont intégrés de trop nombreux élèves en difficulté, un nombre important d’élèves nuit aux apprentissages, car cela exige, entre autres inconvénients, que trop de temps soit consacré à la gestion de la discipline, au détriment de l’enseignement et des apprentissages. De plus, les interactions significatives enseignant·e/élèves diminuent, ce qui ne peut que nuire à la qualité des apprentissages.
Il en est de même pour le personnel de soutien : soit les ratios sont systématiquement dépassés, soit ils sont inexistants, ce qui ne permet pas de donner un soutien efficace au milieu de l’éducation.
Il faut :
• abaisser les ratios élèves/enseignant·e au préscolaire, au primaire et au secondaire (secteur jeunes et adultes) dans toutes les classes, qui devront être plus hétérogènes, évitant ainsi la concentration des élèves ayant des difficultés particulières dans les classes régulières ;
• réduire dans toutes les classes le nombre d’élèves handicapés ou ayant des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage, pour permettre au personnel scolaire de leur offrir un soutien différencié ;
• augmenter, lorsque c’est nécessaire, le nombre de classes d’adaptation scolaire ayant un ratio plus bas que celui des classes régulières ;
• appliquer des ratios élèves/personnel de soutien réalistes en fonction des domaines (service de garde, informatique, etc.) et équivalents dans toutes les écoles.
3. Assurer des ressources professionnelles et de soutien scolaire stables et en nombre suffisant.
Les professionnel·le·s (orthopédagogues, orthophonistes, psychologues, etc.) et le personnel de soutien (techniciens en service de garde, en audiovisuel, surveillants, chargés d’entretien, etc.) sont en nombre insuffisant dans les écoles. Aussi, non seulement les personnels scolaires sont débordés, souvent à bout de souffle, mais les élèves, en particulier ceux qui sont ont des handicaps ou des difficultés particulières, ne reçoivent pas tous les services nécessaires.
Les conditions de travail de nombre de professionnels qui ont la responsabilité d’élèves en difficulté nuisent à la stabilité et à la fréquence des interventions auprès de ces élèves. De plus, il y a un manque de communication entre les réseaux de la santé et de l’éducation. Cela ne facilite pas les demandes d’évaluation diagnostique et augmente le temps d’attente pour que les élèves obtiennent des services auxquels ils ont droit, ce qui fait que les professionnels n’ont pas toujours accès à toute l’information du dossier médical de l’élève. De même, le personnel de soutien ne suffit pas à la tâche.
Il faut :
• aménager différemment la tâche du personnel de soutien et des professionnel·le·s (orthopédagogues, orthophonistes, etc.).
• pour les professionnel·le·s qui interviennent auprès des élèves en difficulté : réduire le nombre d’écoles où ils travaillent ; réduire le nombre d’élèves à soutenir ; diminuer les tâches administratives non imposées par les professions ;
4. Diminuer la précarité du corps enseignant.
Au Québec, plus de 40 % du corps enseignant de l’école obligatoire et près de 70 % à l’enseignement aux adultes n’a pas la permanence : il est à statut précaire. De plus, au moins 20 % de ses membres enseignent au secondaire une discipline pour laquelle ils ne sont pas formés (7).
Il faut :
• réduire le taux et la durée de précarité du corps enseignant, notamment en accélérant l’accès à la permanence.
5. Soutenir les débutant·e·s.
Au cours des cinq premières années d’emploi, selon les données du Ministère, près de 50 % des enseignant·e·s débutant·e·s abandonnent l’enseignement (6). Plusieurs facteurs les y poussent, dont le fait que leurs conditions de travail ne leur permettent pas d’effectuer leur tâche de façon satisfaisante. Depuis longtemps, il est recommandé de mettre en place des dispositifs d’insertion professionnelle (comme le mentorat, par exemple) au cours des cinq premières années. On devrait aussi s’assurer que la tâche des enseignant·e·s débutant·e·s du secondaire soit équilibrée à l’égard de la préparation de cours, notamment.
Il faut :
• soutenir les enseignant·e·s débutant·e·s en leur proposant des tâches adaptées à leur situation d’insertion professionnelle, au cours des cinq premières années.
6. Augmenter la rémunération de tous les personnels scolaires.
Le salaire des personnels scolaires doit refléter l’importance que l’on accorde à l’éducation au Québec : on ne peut prétendre valoriser l’éducation sans valoriser le travail de celles et ceux qui y œuvrent. Pour obtenir le droit d’enseigner, il faut avoir réussi un baccalauréat en enseignement de quatre ans, ce qui porte à 17 ans la scolarité des titulaires de ce baccalauréat. La plupart des professionnel·le·s sont titulaires d’une maîitrise et les psychologues doivent être titulaires d’un doctorat. Si on compare la complexité du travail et le nombre d’années d’études nécessaires pour pouvoir obtenir un emploi, les personnels scolaires sont sous-rémunérés. Mentionnons que le corps enseignant québécois de l’école obligatoire est le moins bien payé au Canada.
Il faut :
• augmenter substantiellement la rémunération de tous les personnels scolaires.
7. Lever toute entrave à la prise de parole publique.
À cause du Code du travail, les personnels scolaires sont soumis à un devoir de loyauté qui entrave leur droit de citoyenne à s’exprimer publiquement dans le respect des lois. Non seulement ils ne sont pas encouragés à prendre la parole publiquement pour illustrer les situations qu’ils vivent, mais ils sont blâmés, voire pénalisés, s’ils le font.
Il faut :
• lever toute restriction du droit de parole des personnels scolaires concernant leur réalité.
Références bibliographiques
1. Conseil supérieur de l’éducation (2016). Remettre le cap sur l’équité. Rapport sur l’État et les besoins de l’éducation 2014-2016. Québec : Gouvernement du Québec.
2. Lessard, C. (2016). « Une école à trois vitesses, forme québécoise de démocratisation ségrégative
Dans L’état du Québec 2016, Montréal : INM/Del Busso.
3. Paret, M.-C. (à paraitre sur notre site). Le ratio élèves/enseignant : quelles incidences pour une scolarité réussie ? Montréal, Debout pour l’ècole ! : www.ecole.ca.edu
4. Schanzenbach, D. W. (2014). Does Class Size Matter ? University of Colorado Boulder : National Education Policy Center : http://nepc.colorado.edu
5. Monso, O. (2014). L’effet d’une réduction de la taille des classes sur la réussite scolaire en France : développements récents. Université de Mons : Éducation et formation, no 85.
6. Létourneau, E. (2012). Démographie et insertion professionnelle : une étude sur le personnel enseignant des commissions scolaires du Québec. MELS, Services des indicateurs et des statistiques.
7. Tardif, M. (2013). La condition enseignante au Québec du XIXe au XXIe siècle. Une histoire cousue de fils rouges : précarité, injustice et déclin de l’école publique. Québec : Presses de l’Université Laval.
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