Tiré de Entre les lignes, entre les mots.
Ces campagnes d’arrestations et de refoulements à chaud, ainsi que les opérations de démantèlement des camps des migrants subsahariens et des expulsions et déplacements massifs vers les frontières ont été organisées durant les mois de juillet et d’août derniers par les forces de l’ordre dans plusieurs villes du Maroc, notamment à Tanger, Tétouan et Nador non seulement en violation des droits fondamentaux des migrants et réfugiés mais aussi en violation des engagements du Maroc et constituent un recul inquiétant par rapport à la politique initiée depuis 2013.
Ces interventions violentes qui ont frappé les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés ont touché aussi bien les femmes que les enfants, et des cas de décès ont été enregistrés, et même les migrants en possession de documents de séjour et les réfugiés reconnus par le HCR n’ont pas échappé à ces interventions.
Le Maroc qui a ratifié les conventions internationales sur les droits humains en général et les droits des migrants en particulier, notamment la convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la convention de Genève sur le statut des réfugiés et son protocole facultatif, et ayant initié une « nouvelle politique migratoire reposant sur la régularisation des migrants et demandeurs d’asile, sur l’intégration et l’assistance humaine, et la réforme du cadre juridique de la migration et de l’asile », mène sur le terrain des actions condamnables en contradiction totale avec les déclarations de ses responsables gouvernementaux et en violations flagrantes des législations internationales et sans respect des procédures administratives et judiciaires stipulées dans la législation nationale, pour se soumettre aux pressions de l’Union Européenne afin de jouer le rôle de gendarme des frontières moyennant une assistance financière, et ce à quelques mois de la tenue à Marrakech les 5, 6 et 7 Décembre 2018 du Forum Mondial de la Migration et le Développement (FMMD).
Dans ce cadre, les autorités espagnoles ont expulsé à chaud un groupe de 116 migrants originaires de l’Afrique subsaharienne, 24 heures après avoir rejoint Ceuta, sans respect des procédures administratives et judiciaires et en contradiction avec le droit international des droits humains et le droit international humanitaire qui interdit l’expulsion collective des personnes et leur renvoi vers un pays ou elles peuvent risquer la détention ou les mauvais traitements. Parmi ces migrants qui ont été renvoyés au Maroc, 17 ont été enfermés dans la prison de Tétouan pour être traduits en justice, inculpés de « séjour et sortie irréguliers … » conformément à la loi 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers, à l’émigration et à l’immigration irrégulières ;
De ce fait, Nous, représentants et représentantes des organisations et réseaux de la société civile, des centrales syndicales, des associations des droits humains et des migrants, des acteurs associatifs sur la migration, des organisations de la diaspora marocaine en Europe et activistes, nous :
1. Condamnons vivement les violations commises par les forces de l’ordre marocaines pour « simple délit de faciès » à l’encontre des immigrés subsahariens, par déportations forcées et expulsions massives causant d’importantes victimes, des morts et blessés ;
2. Refusons catégoriquement le rôle de gendarme par le Maroc envers l’UE et ses états membres en vue de la militarisation de ses frontières ;
3. Exprimons notre solidarité inconditionnelle avec les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile et notre soutien total à travers l’engagement et l’implication dans toutes les actions de revendications légitimes pour faire face aux violations de leurs droits et libertés fondamentales telles que définis par les législations en vigueur ;
4. Interpelons le Gouvernement Marocain sur ces interventions portant atteinte aux droits de l’homme, et l’appelons au respect de ses engagements nationaux et internationaux relatifs à la protection des droits humains ;
5. Appelons le Conseil national des droits de l’homme à prendre ses responsabilités en matière de protection et promotion des droits de l’homme en vertu de la loi n° 76-15 relative à la réorganisation du conseil ;
6. Appelons à cesser toutes les rafles et déportations illégales ainsi que les traitements inhumains et dégradants à l’encontre des migrants, des demandeurs d’asile, diligenter une enquête indépendante et partiale sur les violations graves des droits humains commises et rendre justice aux victimes ;
7. Appelons à réformer la loi 02-03 afin de la rendre conforme à la convention sur les travailleurs migrants et les membres de leurs familles et instaurer un cadre d’asile pour assurer la protection des réfugiés conformément à la convention de Genève ;
8. Dénonçons les politiques migratoires européennes discriminatoires, qui visent l’externalisation du contrôle des frontières et transformant ainsi les pays de la Région en gendarmes.
Un message, un commentaire ?