Édition du 23 avril 2024

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Québec solidaire

Trois défis pour les dix ans de Québec solidaire

La célébration du 10e anniversaire de Québec solidaire Rimouski, le samedi 15 octobre dernier, a été l’occasion de se réjouir du chemin parcouru. Mais elle aura surtout permis de réfléchir à ce qu’il reste à faire. J’aimerais dire que, personnellement, c’est l’espoir et le désir d’aider mes semblables qui m’ont mené vers QS. Mais la vérité, c’est que j’en étais arrivé à un point de ma vie citoyenne où j’avais le choix entre la révolte et la résignation. Et j’ai horreur de la résignation.

Tiré du site du Mouton noir.

On entend de plus en plus de Québécois protester contre les orientations politiques, économiques et idéologiques des dernières décennies. Qu’a-t-on fait de l’héritage de la Révolution tranquille ? Deux partis de l’Assemblée nationale veulent ouvertement le liquider, et un troisième prétend le préserver. Mais seul un « petit parti pas comme les autres » propose de pousser cette révolution encore plus loin, pour répondre aux défis d’aujourd’hui.

Tout d’abord, le pétrole menace à moyen terme l’avenir climatique de l’humanité. Il faut être profondément irresponsable, ou ignorant des données scientifiques, pour vouloir en extraire davantage. Seul QS semble véritablement saisir la gravité de cet enjeu, mais cela n’empêche pas le parti de stagner entre 10 % et 15 % des intentions de vote.

Ensuite, l’austérité est un remède toxique qui ne fait qu’aggraver le problème qu’elle est censée résoudre. Il est paradoxal que le seul parti qui propose une solution de rechange à cette approche des finances publiques soit celui qui se voit accusé de manquer de « crédibilité économique ». Or, si on sort d’une approche étroitement comptable, encore une fois, les données scientifiques donnent raison à QS : couper dans les services publics ne réduit pas la dette de l’État. Cela sert au contraire à affaiblir l’État devant les pressions des entreprises privées. Par exemple, en coupant dans les services assurant un développement économique durable et diversifié en région, le gouvernement pousse les populations et les décideurs à se résigner à accepter les « opportunités » que leur fait miroiter l’industrie pétrolière. Comme quoi tout est dans tout.

Mais pour sortir du pétrole et de l’austérité, le Québec devra détenir l’ensemble de ses pouvoirs. Il est pire qu’illusoire de croire que de tels changements seront un jour possibles au sein du Canada. La gauche canadienne a succombé au mirage néo-libéral depuis belle lurette, et même son Parti vert tergiverse sur le développement pétrolier. Le peuple québécois vit encore sous une constitution qu’il n’a jamais voulu signer. On ne réglera pas cette question en répétant bêtement qu’on ne veut plus en parler.

Sur tous ces enjeux, il existe une communauté de pensée certaine entre la CAQ et le PLQ : ce sont deux partis fédéralistes, néolibéraux et pro-pétrole. Ce n’est pas un hasard s’il y a tant de transfuges entre ces deux partis. Mais ce n’est pas non plus un hasard si ces trois idées viennent ensemble. Elles sont les principales raisons pour lesquelles le Québec va mal.

Les deux principaux partis à proposer une autre voie que cette vision « caquo-libérale » sont le Parti québécois et Québec solidaire. On se fait d’ailleurs souvent demander pourquoi QS ne se fondrait pas dans le PQ. Pour répondre à cette question, il faut regarder l’histoire récente. Tout d’abord, voilà plus de vingt ans que la tiédeur, l’hésitation et l’ambiguïté sont devenues des vertus dans les troupes péquistes en matière de question constitutionnelle. On peut bien sûr critiquer le projet de constituante de QS. Mais on doit au moins reconnaître que Québec solidaire a un projet, un argumentaire et un engagement clairs.

Ensuite, les députés et les militants péquistes sont excellents pour défendre l’État-providence... lorsqu’ils sont dans l’opposition. Pourtant le gouvernement Marois, et celui de Bouchard avant lui, ont mis en place des mesures « austéritaires » que les libéraux et les caquistes n’auraient pas reniées. C’est le danger qu’il y a à vouloir « préserver le modèle québécois » sans pour autant remettre en question le néolibéralisme. Une réflexion dont le PQ est malheureusement incapable. Il en va de même pour le pétrole. Il est surprenant de voir les députés péquistes s’insurger contre le projet de forage à Anticosti alors qu’ils ont eux-mêmes permis l’amorce de ce projet. Ou de les voir tergiverser pendant des lustres sur Énergie Est pour ensuite faire comme s’ils avaient toujours été contre. Le Parti québécois est peut-être, parfois, « moins pire » que la CAQ ou le PLQ, mais le Québec n’a pas besoin d’un gouvernement qui soit « peut-être parfois moins pire ».

Le défi de Québec solidaire est donc double. Il doit non seulement convaincre l’électorat de rejeter la vision austère, pétrolière et « provincialiste » des trois grands partis, mais il doit surtout démontrer qu’il est la seule autre option viable à cette vision mortifère de l’avenir du Québec.

Cette tâche ne sera ni simple ni facile. Mais elle est nécessaire.

Julien Fecteau-Robertson

Auteur pour le journal Le Mouton noir.

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