Alternative socialiste : Pouvez-vous nous faire un résumé de l’état du mouvement ouvrier anglais ?
Rob Williams : Au niveau de la confiance et du niveau de conscience, le mouvement syndical au Royaume-Uni se remet encore aujourd’hui des défaites des années 1980, en particulier de la grève minière de 1984-1985. La récession et l’offensive d’austérité n’ont qu’exacerbé ces sentiments, avec jusqu’à un million d’employé-e-s du secteur public mis à pied. Nous avons par contre vu une forte résistance syndicale face aux coupures du gouvernement. En mars 2011, jusqu’à sept cent cinquante mille (750 000) personnes ont pris part à la manifestation du Trades Union Congress (TUC) à Londres, la plus grande marche dirigée par des travailleurs et travailleuses depuis presque un siècle, et environ 2 millions de travailleurs et travailleuses du secteur public ont fait la grève ensemble lors de l’action du 30 novembre 2011. L’abandon de cette lutte par la direction syndicale de droite a mené à une accalmie. Malgré cela, une série de grèves régionales et sectorielles ont eu lieu au fil des 2 dernières années.
A.S. : La NSSN a été créée en 2006. Comment ce réseau fut-il créé et qui est à l’origine du mouvement ?
R.W. : La NSSN a été mise de l’avant en 2006 par le syndicat des transports, le National Union of Rail, Maritime and Transport Workers (RMT). Depuis, elle est devenue une organisation syndicale indépendante avec le soutien du RMT, du Public and Commercial Services Union (PCS) et de 5 autres syndicats nationaux de gauche. Elle a également attiré des affiliations et du soutien de nombreuses sections syndicales, de comités de travailleurs et de travailleuses et de conseils syndicaux, qui sont les comités locaux de divers syndicats. Le RMT a agi selon le mandat de leur conférence nationale qui appelait à la mise en place de la NSSN. Je pense que c’était un reflet de leur désir que la base mette de la pression sur la direction syndicale, comme le faisait un mouvement des délégué-e-s syndicaux beaucoup plus actif qui a joué un rôle important dans le passé au Royaume-Uni, tel qu’après la Première Guerre mondiale et dans les années 1960-1970.
A.S. : Comment fonctionne le réseau ? Quelles sont les structures de la NSSN ?
R.W. : La NSSN se veut ouverte, flexible et inclusive. Au niveau national, il y a un comité de direction, élu à la conférence annuelle. Il y en a eu 7 jusqu’à présent. Au niveau local, la structure dépend des militant-e-s sur le terrain. Par exemple, certains ont créé des comités régionaux, alors que d’autres sont plus locaux. Il nous fait plaisir que des groupes de travailleurs et travailleuses et des activistes utilisent le NSSN comme bannière pour leur permettre d’intervenir dans des luttes et dans le mouvement syndical s’ils se trouvent bloqué-e-s par la bureaucratie de droite. La NSSN est aussi un moyen de regrouper les travailleurs et travailleuses pour construire un conseil syndical. Je pense qu’il est indispensable de rassembler les travailleurs et travailleuses afin d’apprendre les uns des autres de leurs expériences avec le patron et les dirigeant-e-s syndicaux.
A.S. : Qui peut adhérer à la NSSN ?
R.W. : Ceux et celles qui sont impliqué-e-s dans la NSSN peuvent provenir des syndicats, des milieux de travail ou simplement des luttes contre les coupures. Nos définitions sont assez ouvertes afin de permettre un maximum d’implication. Mais en congrès, il faut avoir un poste syndical reconnu et élu pour participer au comité de direction et pour voter des motions, afin d’assurer que la structure de base syndicale soit maintenue.
A.S. : Comment la NSSN se finance-t-elle ? Les centrales syndicales financent-elles la NSSN ?
R.W. : Oui, des syndicats nationaux et locaux peuvent s’affilier pour 50 £ (livres) par année. Ils peuvent aussi faire un don. Il y a également des militant-e-s individuels qui donnent quelques livres mensuellement. Recueillir assez d’argent pour imprimer nos tracts est une lutte constante !
A.S. : Quelles ont été les grandes actions de la NSSN depuis sa création et quelles sont les perspectives de la NSSN pour le mouvement ouvrier anglais ?
R.W. : Le rôle principal que se donne le NSSN a toujours été de soutenir les travailleurs et travailleuses en lutte, et d’aider à construire la solidarité en allant sur les lignes de piquetage et aux manifestations. Nous publions des critiques sur notre site web, Facebook et Twitter ainsi qu’à travers notre bulletin web hebdomadaire qui rejoint des milliers d’activistes. Mais depuis les mesures d’austérité généralisées menées par le gouvernement arrivé au pouvoir en 2010, la NSSN joue un rôle de levier face à la direction syndicale pour mettre de l’avant des revendications et mobiliser des militant-e-s syndicaux afin de mettre de la pression sur la direction pour qu’elle appelle à une nécessaire mobilisation de masse unitaire. Nous avons fait du lobbying à la conférence du TUC et aux réunions de son conseil général pour les appeler à désigner une date pour tenir une grève générale de 24 heures. Nous nous y remettons dans quelques semaines pour le 8 septembre. À travers cette campagne, avec nos revendications claires, la NSSN a commencé à se forger une réputation chez une couche importante d’activistes et de représentant-e-s syndicaux. La perspective immédiate face au mouvement syndical au Royaume-Uni est que les syndicats de professeur-e-s passent à l’action cet automne, le tout culminant avec une journée nationale de grève, probablement vers la fin novembre. D’autres syndicats comme le PCS sont déjà en lutte, et d’autres la construisent. Nous appelons tous les syndicats à une action coordonnée avec les professeur-e-s. Ceci pourrait mobiliser au total jusqu’à un million de travailleurs et travailleuses. Comme la colère et la frustration se développent dans les masses de la classe ouvrière, et même dans une partie de la classe moyenne, une telle action pourrait avoir un grand impact d’élévation du niveau de confiance et mener à la certitude que le gouvernement peut être confronté.
A.S. : La haute direction syndicale voit-elle d’un bon œil l’action des militant-e-s de la NSSN ? Vous êtes également un militant du Parti Socialiste (Socialist Party). Selon vous, quel est le rôle des militant-e-s socialistes dans le mouvement ouvrier aujourd’hui ?
R.W. : Je pense que les meilleurs (et les plus militants) dirigeant-e-s syndicaux soutiennent le NSSN, ou au moins reconnaissent le rôle positif que nous jouons, alors que les plus conservateurs se méfient car ils savent que la NSSN sait moduler l’humeur des activistes. Le Parti Socialiste pense que les syndicats peuvent être transformés. Nous avons montré au PCS et à NIPSA qu’à travers les bonnes approches et idées, même les syndicats de droite peuvent devenir des organisations combatives. Nous avons aussi des membres sur l’exécutif national de plusieurs syndicats. Certaines tiennent des positions de direction ; à Unison par exemple, nous dirigeons l’opposition de gauche. Mais il n’y a pas de contradiction entre le fait de militer pour la transformation des syndicats et construire des organisations de la base à travers le mouvement ouvrier.
A.S. : Quels conseils donnez-vous aux militant-e-s québécois-e-s qui veulent créer ce type d’organisation au Québec ?
R.W. : Allez-y, faites-le ! Nous sommes optimistes par rapport à la NSSN mais aussi très modestes. Ce n’est qu’un début, mais il faut bien commencer quelque part et je donnerais également ce conseil aux militants et militantes au Québec. Organisez une réunion des militant-e-s syndicaux que vous connaissez et voyez s’il y a un appétit pour une telle organisation. Nous ne nous sommes jamais préoccupés des noms et des étiquettes. Le plus important, c’est ce qui est fait. Mais la NSSN est heureuse d’aider et de donner conseil. Bonne chance, camarades !
La deuxième rencontre aura lieu le 29 septembre à l’UQAM. N’hésitez pas à prendre contact avec nous pour connaître le lieu de la rencontre. Pour nous joindre : info@alternativesocialiste.org .