Aujourd’hui, près de trente millions d’Afghans sont victimes de cette terrible « gestion ». Ces gens, qui ont su survivre aux pires exactions, résistent. Ils ont maintenant besoin de notre écoute et de notre soutien. Alternatives et le Canada doivent répondre à cet appel. Mais il faut le faire de manière intelligente et efficace. Le développement de l’Afghanistan passe avant tout par le renforcement de l’État de droit et surtout de la société civile. La chasse aux talibans, l’objectif prioritaire des Américains et de l’OTAN, mène à une impasse.
Bref retour historique Dans le sillon de l’invasion soviétique en 1979, l’Afghanistan, l’un des plus pauvres pays de la planète, est précipité dans un très violent conflit grandement déterminé par la guerre froide qui sévit à l’époque entre l’URSS et les États-Unis.
À l’époque, le gouvernement états-unien soutient l’opposition au gouvernement afghan, appuyé par les Soviétiques. Les opposants, les moudjahiddines, constituent une coalition hétéroclite composée de nationalistes opposés à la présence étrangère soviétique, de conservateurs religieux (se réclamant à des degrés divers de l’islam politique) et de factions ethniques. [1] Les moudjahiddines deviennent cependant une force redoutable d’autant plus que la Maison-Blanche cherche à transformer l’Afghanistan en un « Vietnam » de l’Union soviétique. [2] Washington voit trop bien que la crise afghane est potentiellement un foyer de déstabilisation permanent pour Moscou.
Conséquence de cette longue rivalité entre les deux grandes puissances, l’État afghan éclate. Des milliers d’Afghans sont tués ou poussés à l’exil, notamment au Pakistan et en Iran, ce qui régionalise dès lors le conflit. Le 15 février 1989, quand les troupes soviétiques se retirent, les commandants moudjahidines [3] sont incapables de s’entendre sur le partage du pouvoir, malgré les efforts de l’ONU pour encourager la mise en place d’un gouvernement d’unité nationale. Après cet échec, la communauté internationale se désengage. Peu après, le pays est mis encore une fois à feu et à sang. Sans État, sans armée nationale, sans économie, sans aide internationale, l’Afghanistan plonge dans un trou noir.
Les talibans
En 1996, une faction appuyée par le gouvernement pakistanais s’organise sous un nouveau label, les « talibans » [4]. Autoritaires et influencés par une interprétation rigoriste de l’islam (le wahhabisme) et fortement appuyés par deux grands alliés de Washington, le Pakistan et l’Arabie saoudite, les talibans se présentent d’abord comme la seule force capable de ramener l’ordre et la paix dans le pays. Mais rapidement la situation s’envenime. Les talibans se font connaître pour leur hostilité envers les femmes, forcées de se retirer de la fonction publique et des écoles. L’interprétation rigoriste de l’Islam les met en conflit avec une partie importante des classes moyennes urbaines et d’importantes minorités, notamment les Hazaras.
Les Talibans confrontent les voisins de l’Afghanistan en devenant le refuge de factions islamistes qui agissent dans les États surgis de la décomposition de l’Union soviétique, mais aussi au Moyen-Orient et en Afrique. Cette mouvance se réorganise sous l’égide d’Al-Qaïda, et ses dirigeants sont accueillis par les talibans.
Les impacts du 11 septembre 2001
Les attentats du 11 septembre viennent changer la donne. Rapidement, l’administration Bush déclare une guerre « sans fin » au terrorisme en sommant la communauté internationale de se ranger. Devant le refus du gouvernement afghan dominé par les talibans de collaborer, les États-Unis prennent le contrôle du pays lors d’une guerre-éclair menée par les anciennes factions moudjahidines [5], secondés par la couverture aérienne états-unienne. Entre-temps, les chefs talibans prennent le maquis ou fuient vers les pays voisins. Après cette première intervention, les États-Unis déploient leurs troupes dans le sud du pays pour éliminer Al-Qaïda. Plus tard, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la résolution 1386 déléguant à l’OTAN le soin de sécuriser l’Afghanistan par une « Force internationale d’assistance à la sécurité » (FIAS), composée de contingents de pays membres et non membres de l’Alliance et qui sont déployées en août 2003. [6]
L’Afghanistan aujourd’hui
Sept ans après le renversement des talibans, la situation en Afghanistan reste tragique. En dépit de certains progrès [7], le bilan est globalement négatif. La guerre est à l’ordre du jour, même dans la capitale, Kaboul. Par ailleurs, les conditions sociales restent très difficiles pour la majorité des gens.
Aggravation du conflit
On constate en effet que les talibans ont repris pied, ce qui s’explique par plusieurs facteurs : les « bavures » multiples des militaires des forces de la coalition Enduring Freedom et de la FIAS contre la population civile, les luttes intestines au sein des forces progouvernementales, la résurgence du nationalisme pachtoune (la base ethnique des talibans), etc. Selon tous les indicateurs, les troupes de l’OTAN (20 000 soldats) ne contrôlent qu’une partie du territoire. Autre facteur aggravant, l’insurrection afghane se régionalise du côté du Pakistan qui s’engouffre dans une grave crise [8]
L’Afghanistan en bref
Chef du Gouvernement Hamid Karzai Régime République islamique Territoire 648 000 Km2 Capitale Kaboul Population 28,5 millions Composition Pachtounes (40%), Tadjiks (25%), Hazaras (19%), Ouzbeks (8%) Religion Islam (80% sunnite et 20% chiite) PIB annuel 7,1 milliards de dollars Par habitant 165 dollars
Certes, les talibans ne sont pas en mesure d’expulser par les armes les forces de l’OTAN, mais ils peuvent empêcher la stabilisation du pays. Bien des experts affirment maintenant que la stratégie actuelle est vouée à l’échec et qu’il faudrait plutôt engager des négociations avec les talibans.
Une « reconstruction » mal engagée
Entre-temps, la communauté internationale s’est engagée dans un vaste projet de reconstruction. Plusieurs pays, de même que la Banque mondiale et divers organismes de l’ONU, sont sur le terrain. [9]En plus de l’engagement militaire, la communauté internationale prévoit dépenser huit milliards de dollars. Même si ce chiffre peut paraître énorme, l’aide pour l’Afghanistan représente moins de 60 dollars par habitant, ce qui nettement inférieur à ce qui a été versé en Bosnie (760 par habitant) ou au Timor Oriental (223 par habitant).
Le programme actuel d’aide vise à travailler simultanément sur la sécurité, la gouvernance, la règle de droit et les droits de la personne, ainsi que sur le développement économique et social, tout en remettant en place les infrastructures de base ainsi que les services sociaux et éducatifs et en facilitant le redécollage de l’économie, essentiellement à partir du secteur privé.
Le problème, c’est que tout est conçu et coordonné de l’extérieur, avec peu d’implication des Afghans. [10] L’aide est également fragmentée entre plusieurs programmes élaborés pour répondre aux besoins des pays donateurs, beaucoup trop orientée vers les villes, alors que la population est majoritairement rurale, et le plus souvent captée par des gens bénéficiant d’entrées privilégiées auprès des diverses agences et armées étrangères et du gouvernement Afghan [11]
Malgré ces faiblesses, certains programmes ont donné des résultats. Il faut noter des avancées, comme dans le domaine de l’éducation. [12] Mais de manière générale, la population constate que les progrès sont insuffisants. [13]
Dans les villes où la population a énormément augmenté, l’activité économique est réduite au secteur informel et aux emplois pour les agences internationales. Dans les régions rurales, l’agriculture, base économique traditionnelle de la majorité, est désorganisée, ce qui permet aux narco trafiquants de recruter facilement des paysans pour la production de l’opium (en hausse de 49% depuis 2005). [14] D’après l’indice de développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Afghanistan se classe au 169e rang (sur 174 pays dans le monde). 60% de la population dispose de moins d’un dollar par jour pour sa subsistance. [15]
Les droits ne sont pas respecté
Dans plusieurs régions du pays, les milices agissent comme des « États dans l’État » bien que leurs chefs soient formellement membres du gouvernement central. Dans son rapport annuel en 2006, l’organisation de droits humains Human Rights Watch estime que plus de la moitié des membres du nouveau parlement font partie de groupes liés aux seigneurs de guerre. [16]
Or ces groupes tuent, agressent, enlèvent et rançonnent en toute impunité. L’armée et la police nationale sont très peu présentes.
Sous la pression des seigneurs de la guerre, le système judiciaire reste passif. Et les avancées, comme l’approbation d’une nouvelle constitution qui reconnaît les droits humains et l’égalité juridique des femmes, sont niées dans la pratique. [17]
L’engagement du Canada
Environ 2 500 militaires canadiens sont déployés dans la province de Kandahar, centre de l’insurrection talibane. Fait à noter, ces militaires sont sur place pour participer à des opérations de combat et de « nettoyage » contre les talibans [18]. Cette approche est inhabituelle puisque historiquement, les opérations militaires canadiennes à l’extérieur du pays sont effectuées dans le cadre de missions de paix de l’ONU [19]
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Dans une guerre sans fin
Selon le gouvernement canadien, la présence militaire est indispensable pour sécuriser l’Afghanistan et permettre sa reconstruction.
Mais il est aussi admis que le Canada est là pour participer à la « guerre contre le terrorisme » engagée par l’administration Bush. Pour le premier ministre canadien, Stephen Harper, le Canada est menacé par la montée de l’islamisme radical. Les combats contre les talibans font donc partie d’une stratégie pour freiner ce courant idéologique.
L’intervention en Afghanistan a également le mérite, selon le gouvernement canadien, de rapprocher le Canada de son allié états-unien échaudé à la suite du refus canadien à participer à la guerre contre l’Irak.
Le programme d’aide
Parallèlement à l’intervention armée, le gouvernement canadien s’est engagé à fournir, jusqu’en 2011, plus de 100 millions de dollars par année à la reconstruction. Seulement pour l’année fiscale 2006-07, le budget dépensé par l’ACDI a dépassé 139 millions de dollars. C’est un niveau d’engagement unique dans l’histoire de la coopération Canadienne. [20]
Le programme d’aide canadien en Afghanistan se base sur de vastes projets liés au thème prioritaire de la sécurité, notamment la démobilisation des combattants, l’appui à la formation de l’armée et de la police afghane, la lutte contre la culture du pavot, le déminage, etc. Parallèlement, l’Agence canadienne de développement international (ACDI) finance de nombreux projets dans la réforme de la justice, la mise en place des institutions électorales, l’aide aux réfugiés qui reviennent au pays, l’éducation, la sécurité alimentaire, le microcrédit, le soutien aux initiatives des femmes, et le développement communautaire.
Sur la ligne de front
En pratique, le centre de gravité du programme d’aide canadien se situe dans le sud du pays, là où justement les militaires canadiens sont concentrés. Il ne s’agit pas d’un hasard. L’armée et l’ACDI se retrouvent donc engagées ensemble dans une stratégie qui se veut coordonnée et cohérente, principalement à travers les « Équipes de reconstruction provinciales », mieux connues sous leur acronyme anglais, « Provincial Reconstruction Team » (PRT). Ce concept d’abord développé par l’armée américaine consiste essentiellement en des programmes d’aide élaborés en fonction d’objectifs stratégiques. Selon cette optique, les PRT doivent aider à sécuriser des zones de conflits et permettre à l’armée de gagner « les coeurs et les esprits » puisque les populations affectées voient le bénéfice de la présence des soldats étrangers.
Cette approche montre clairement que l’aide est en quelque sorte un instrument de la politique militaire canadienne. Et c’est pour cette raison que ces programmes d’aide ne pourront pas porter leur fruit. L’aide ne doit pas être subordonnée au militaire. C’est plutôt le militaire qui doit être sous l’influence de ceux qui reconstruisent l’Afghanistan.
Loin de protéger l’action humanitaire, la présence de l’armée met en danger l’action des ONG qui estiment que l’aide doit être fondée sur les besoins et les droits des Afghans et doit demeurer indépendante de la stratégie militaire ou politique. Selon Ernie Regehr, spécialiste des interventions humanitaires en période de conflit, il faut détacher les opérations militaires-sécuritaires des projets de développement ou humanitaires. [21] Si l’objectif est d’aider des populations à reconstruire leur pays, il ne faut pas que celles-ci se sentent manipulées par les acteurs du conflit.
L’aide est aussi mal planifiée. Nombre d’écoles construites se retrouvent sans enseignants ni approvisionnements. L’érection trop rapide d’infrastructures, sans connaître les conditions sur le terrain, sans consultation sérieuse avec la population locale, peut avoir des effets pervers. [22] Il arrive aussi que les structures hiérarchiques locales s’emparent de programmes d’aide hâtivement conçus au détriment de groupes marginalisés, les femmes notamment.
Que Faire ? Cinq propositions
La crise afghane est complexe et il n’y a pas de solution « magique » à court terme. Notre action en tant que mouvement de solidarité doit être essentiellement en appui à des organisations afghanes qui se battent pour la paix et la démocratie.
Alternatives propose 5 mesures que devrait suivre le gouvernement canadien pour remettre l’Afghanistan sur la bonne voie.
Le Canada doit premièrement exiger le retrait de l’OTAN au profit de l’ONU pour coordonner l’aide et assurer la sécurité à l’intérieur du pays. Pour que les sommes consacrées à la reconstruction de l’Afghanistan soient bien dépensés, le Canada doit deuxièmement « démilitariser » son aide. Troisièmement, le Canada doit favoriser un dialogue entre le gouvernement afghan, les talibans et des groupes de la société civile. Puis, le Canada doit faire pression sur le gouvernement d’Hamid Karzai pour qu’il respecte ses propres lois et pour qu’il endigue la corruption. Finalement, le Canada, par son attitude et ses gestes doit montrer que ce sont les Afghans qui vont reconstruire l’Afghanistan.
1. Le retrait de l’OTAN au profit de l’ONU
L’OTAN est une organisation militaire qui répond avant tout à des objectifs militaires. L’Afghanistan n’a pas besoin d’un gendarme, et l’histoire montre que les Afghans ne s’en laisseront pas imposer un. De par sa nature même, la mission de l’OTAN est vouée à l’échec, parce que cette organisation veut sécuriser le pays tout en tentant d’éliminer les talibans et des membres d’Al-Quaïda, ce qui destabilise des régions entières comme c’est le cas dans tout le sud autour de Kandahar.
L’Afghanistan souffre d’un problème politique, et ce n’est pas une solution militaire qui va le régler. Par conséquent, l’OTAN est mal placée pour favoriser l’émergence d’un État stable.
Un mandat de paix sous l’égide de l’ONU aurait comme conséquence de mettre la reconstruction de l’Afghanistan comme unique et seule priorité. Contrairement à l’OTAN qui agit dans une logique de « reconstruire pour atteindre des objectifs de sécurité », l’ONU ne voit pas la reconstruction comme un moyen, mais comme une fin en soi.
L’ONU a l’expérience pour agir en Afghanistan parce qu’elle est déjà intervenue avec succès dans plusieurs pays ravagés par la guerre et les divisions., comme ce fut le cas au Mozambique, au Timor oriental et ailleurs. L’ONU pourrait jouer le rôle de médiateur entre les différentes factions de la société afghane, ce que ne peut faire l’OTAN, qui appuie les différents groupes ethniques du nord du pays et le gouvernement d’Hamid Karzai, tout en négligeant les Pachtounes plus conservateurs qui constituent la base des talibans.
L’ONU possède aussi l’expérience militaire nécessaire pour assurer la paix et même conduire des opérations pour endiguer la violence. Le Canada ne devrait donc pas hésiter à mettre ses troupes au service de l’ONU si nécessaire. En attendant, le Canada devrait retirer le contingent militaire de la région de Kandahar où il agit comme supplétif pour les États-Unis.
La présence de l’ONU favoriserait aussi le multilatéralisme, présentement bafoué par l’omniprésence des États-Unis, qui ont comme principal objectif de combattre le terrorisme, et non d’aider la population afghane.
Si l’ONU ne prend pas le relais de l’OTAN, le Canada devrait retirer ses troupes d’Afghanistan.
2. Démilitariser l’aide canadienne
Pour maximiser l’impact de l’appui canadien en Afghanistan, il faut que l’aide soit détachée des objectifs des Forces armées canadiennes. Pour le moment, l’intervention est centrée sur la sécurité avec le recours aux troupes canadiennes. L’argent dépensé par le Canada devrait être avant tout investi dans des projets qui répondent aux besoins exprimés par les populations locales.
En plus de dépenser beaucoup trop pour l’armée et pas assez pour des projets sur le terrain, le gouvernement fédéral commet l’erreur d’avoir recours aux militaires pour distribuer l’aide. Cette façon de faire est nuisible, car les fonds sont versés en fonction des objectifs des Forces armées et non en fonction des besoins de la population.
De plus, cette aide doit être guidée par les besoins exprimés par les populations locales. Pour y arriver, il faut que l’ACDI et les ONG canadiennes établissent des liens et mènent des consultations avec des groupes afghans. L’armée n’a pas les compétences pour mener de telles démarches.
Ces partenariats avec des groupes afghans ont un double avantage : ils permettent de procurer une aide qui répond aux besoins, tout en renforçant la société civile, contrepoids essentiel au pouvoir des chefs de guerre qui empêchent l’émergence d’un État stable.
3. Favoriser un dialogue de paix qui inclut toutes les forces sociales et politiques
Dans le processus d’établissement de la paix, le Canada doit exiger l’inclusion de toutes les organisations sociales et communautaires afghanes, en plus des partis politiques. Cette approche devrait permettre de renforcer la légitimité de l’État afghan et de renforcer la société civile.
De plus, quel que soit le jugement porté sur les talibans, il faut négocier avec ce qui constitue une des factions importantes en Afghanistan. Les talibans ont dirigé l’Afghanistan entre 1996 et 2001, et ils jouissent encore d’une certaine popularité, surtout chez les Pachtounes, le groupe ethnique le plus important d’Afghanistan. Dans ce contexte, le Canada doit s’éloigner de la position américaine qui diabolise les talibans. On l’a vu dans d’autres conflits prolongés, comme au Mozambique et au Salvador, la solution passe par des négociations et des compromis politiques.
4. Pour l’établissement d’un État de droit
Il est inacceptable que le Canada, par sa participation ou son silence, endosse des politiques et des actions qui violent les droits humains, comme cela a été révélé récemment lorsque les troupes canadiennes remettent aux autorités afghanes des prisonniers qui seront par la suite torturés.
Le Canada ne doit pas non plus tolérer sans protester les violations grossières des droits humains et politiques par le gouvernement afghan. Il doit faire pression sur le gouvernement afghan pour qu’il respecte ses propres lois.
Ceci veut aussi dire amener l’État afghan à mettre fin à la corruption qui mine l’appareil d’État et nuit à sa légitimité.
Enfin, Le gouvernement canadien ne peut pas prétendre respecter ses principes s’il ne confronte pas la présence des seigneurs de guerre et des chefs de milice au sein du gouvernement afghan.
Un appui massif aux médias indépendants, aux groupes de défense des droits de la personne, aux associations de femmes, à des syndicats et aux autres entités qui forment la société civile est donc essentiel pour favoriser l’émergence d’un État de droit et réduire l’influence néfaste des talibans et des chefs de guerre souvent engagés dans le trafic de drogue.
5. Une solution afghane aux problèmes afghans
C’est aux Afghans, eux qui connaissent le mieux leur pays, à reconstruire l’Afghanistan. Le rôle du Canada consiste à les appuyer dans leurs démarches pour bâtir un État démocratique, une économie qui profite à tous et une société civile florissante.
Alternatives préconise le renforcement de mouvements sociaux afghans qui vont permettre une meilleure représentation et participation citoyenne.
Alternatives travaille déjà avec des groupes afghans qui oeuvrent sur le terrain. Ces partenariats sont des modèles à suivre pour le Canada. Voici deux exemples.
L’organisation Sanayee oeuvre dans la conciliation et la résolution de conflit. Ce groupe, basé à Kaboul et présent dans la majorité du pays, met sur pied des comités de village chargés de régler des litiges locaux. En cas de disputes entre un village et l’État central, entre deux groupes ethniques ou tout simplement entre deux individus, ces comités représentent un espace de dialogue qui permet aux parties de s’entendre. Sans ce type de structure, les échanges sont souvent impossibles et la loi du plus fort prime malheureusement trop souvent.
La coalition Afghan Peace and Democracy Act (APDA) est aussi une organisation qui montre que les Afghans peuvent développer eux-mêmes leur pays. L’APDA offre des formations en presse écrite et électronique . Des citoyens apprennent notamment à publier un journal ou à faire du montage vidéo.
Ces exemples montrent que les organisations afghanes peuvent faire le travail et ainsi prendre le contrôle de leur destinée.
Elles ont toutefois besoin de soutien. L’ACDI, Alternatives ou d’autres ONG canadiennes sont capables de discuter avec ces groupes pour cerner leurs besoins. En raison de son expertise et de sa structure hiérarchique, l’armée est incapable d’adopter une telle approche.
Conclusion
Le problème en Afghanistan, c’est que le Canada a été enrôlé dans la « guerre sans fin » de Georg Bush et qu’il se trouve englué dans une politique dont on voit les aboutissements non seulement en Afghanistan, mais aussi en Irak, en Palestine et ailleurs. Chacune de ces situations a ses particularités, mais toutes font partie de cet « arc des crises » où Washington entend continuer sa « guerre des civilisations ». Cela sera très difficile, mais il faut dire NON à l’administration américaine.
Par le passé, le Canada s’est distingué des États-Unis, comme ce fut le cas lors du gouvernement conservateur de Brian Mulroney dans la lutte anti-apartheid en Afrique du Sud ou durant la guerre du Vietnam lorsque le Canada hébergeait les objecteurs de conscience américains.
Au lieu de dépenser des millions en aide et des milliards en opérations militaires, le Canada devrait débourser des milliards en aide et des millions pour sécuriser l’Afghanistan.
Pour obtenir d’autres informations :
Alternatives
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Source : http://alternatives-international.net/article1749.html