Le 11 septembre dernier, journée de la Diada, fête nationale catalane, Fête de la Liberté, Barcelone fut le théâtre d’une nouvelle gigantesque manifestation pour l’indépendance. Sous le mot d’ordre Via Lliure a la República Catalana / Voie libre à la République Catalane (pour rappel, l’Espagne est une monarchie), de 1,5 à 2 millions de Catalans (suivant les sources) se sont rassemblés le long des 5 km de la grande avenue Meridiana. Soit 20 à 25% de toute la population de Catalogne, qui en compte 7,5 millions. Le tout dans une ambiance festive, tous milieux sociaux et toutes générations confondues, de manière pacifique et avec une auto-discipline et organisation absolument impressionnantes (il n’y a eu aucun incident ; les très rares forces de l’ordre s’ennuyaient au soleil...).
Cette longue marée humaine a été répartie en 135 emplacements (tronçons) suivant les quartiers et les localités, le chiffre135 étant le nombre de sièges au Parlement catalan ; puis divisée en 10 grands secteurs identifiés chacun par une couleur représentant les différents thèmes/axes de l’indépendance (démocratie, équilibre territorial, solidarité, monde, diversité, soutenabilité, égalité, justice sociale, innovation, culture et éducation). Sur les 5 km de l’avenue Meridiana, dans un couloir au milieu de la foule compacte, un groupe de coureurs portait une flèche géante de couleur jaune (deux ailes en forme de flèche), pointé dans la direction du siège du parlement catalan. Au passage des coureurs, les manifestants levaient chacun des flèches plus petites, en carton, aux couleurs des 10 axes de l’indépendance suivant le secteur, en les pointant dans la même direction. A cette mosaïque s’est ajoutée la couleur blanche des tee-shirts Via Lliure, revêtus par tous les manifestants, avec au dos les 10 axes de la future République catalane indépendante.
C’est la quatrième année consécutive que de telles impressionnantes marées humaines se rassemblent à Barcelone pour la Diada du 11 septembre. En 2012, ils étaient déjà deux millions à affirmer Catalunya, nou estat d’Europa / Catalogne, nouvel état d’Europe. En 2013, une chaîne humaine de 400 km a été formée à travers de la Catalogne par 1.600.000 personnes, dont 500.000 à Barcelone ; chaîne appelée Via Catalana cap a la Independència. En 2014, 1.800.000 de citoyens (données de la police) manifestaient sous le mot d’ordre Ara és l’hora / C’est maintenant le moment, et exigeant l’organisation d’un référendum. Puis, le 9 novembre 2014, 2.300.000 d’électeurs (sur 5.500.000) ont bravé l’interdiction de Madrid et sont allés voter dans un référendum déclaré illégal par le gouvernement de droite de Mariano Rajoy. 81% de votants ont répondu Oui-Oui aux deux questions posées : Voulez-vous que la Catalogne soit un Etat ? Voulez-vous que cet Etat soit indépendant ?
Plusieurs listes et coalitions sont en lice pour le 27 septembre :
– Junts pel Sí / Ensemble pour le Oui (à l’indépendance) – coalition entre la Convergence démocratique de Catalogne (CDC, parti néolibéral de centre-droit), ainsi que des formations indépendantistes de gauche, comme Esquerra Republicana de Catalunya (ERC, Gauche républicaine de Catalogne), Assemblea Nacional Catalana (ANC, vaste mouvement citoyen basé sur des assemblées locales et territoriales) ou l’Òmnium Cultural (plate-forme citoyennne pour la promotion de la culture catalane) ; créditée par les sondages de 60-61 sièges sur 135 ;
– Cidadanos – parti néolibéral centriste, contre la corruption, le référent de Ciudadanos au niveau de l’Etat espagnol, considéré comme une sorte de effet de miroir de Podemos à droite ; contre l’indépendance de la Catalogne ; crédité de 19-20 sièges ;
– Catalunya Sí que es pot / Catalogne Oui nous pouvons – coalition de la gauche radicale regroupant : Esquerra Unida i Alternativa (EUiA), le référent catalan de Izquierda Unida ; Iniciativa per Catalunya Verds (ICV), Podem – le référant catalan de Podemos, ainsi que des écologistes d’Equo ; créditée de 18-19 sièges ; propose entre autres « d’entamer un processus constituant propre, basé sur la pleine souveraineté du peuple catalan en tant que sujet collectif qui peut décider de son avenir ; un processus constituant qui ne soit pas subordonné ou subalterne par rapport à aucun autre cadre. » (voir son programme ci-après) ;
– Parti socialiste catalan (PSC) – le référant catalan du PSOE, contre l’indépendance de la Catalogne ; crédité de 16-17 sièges ;
– Parti populaire (PP) – le référant catalan du Partido Popular de Mariano Rajoy au pouvoir ; contre l’indépendance de la Catalogne ; crédité de 12-13 siéges ;
– Candidatura d’Unitat Popular (CUP) – mouvement de la gauche radicale catalane de type assembléiste, prônant une Catalogne indépendante, socialiste et écologique ; crédité de 8 sièges.
Ce ne sont que quelques informations en vrac ; la situation politique, sociale et électorale en Catalogne est évidemment bien plus riche et complexe. Pour approfondir le sujet, on peut lire : en français, de Jaime Pastor sur notre site : https://www.ensemble-fdg.org/content/etat-espagnol-ahora-en-comun-et-lunite-populaire, et https://www.ensemble-fdg.org/content/etat-espagnol-gros-bouleversements : en castillan, dans Viento Sur 11S : otra impresionante manifestación por la independencia de Martí Caussa http://www.vientosur.info/spip.php?article10468, et de Jaime Pastor Catalunya vs. Estado español o el fracaso de la alternativa federalista http://www.vientosur.info/spip.php?article10473 .
Stéfan Bekier
