Édition du 23 avril 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

Catastrophe ou catastrophisme : le devoir de résister

Hollywood et la culture populaire nous assomment avec les mêmes images d’un monde en train de s’écrouler. Une chance qu’il y a toujours un Arnold Schwarzenegger quelque part pour sauver quelques filaments d’humanité. Autrement, nous sommes tous condamnés. Sauve qui peut …

Plus sérieusement, notre monde est en mauvais état. À peu près tout le monde sait cela : les gouvernances à la dérive, l’économie pervertie par les inégalités, sans compter l’éléphant dans le magasin, la détérioration de l’environnement.

Dans l’histoire de l’humanité que l’on connaît, il y a eu plusieurs périodes où de vastes crises ont sévi pour malmener la vie sur terre. Il y a eu également des civilisations carrément détruites, comme les sociétés amérindiennes sous le choc de la conquête européenne. Bref, des catastrophes, il y en a eu et il y en aura encore. Mais c’est autre chose que le catastrophisme, c’est-à-dire une vision du monde qui propose que non seulement la fin approche, mais qu’il n’y a aucune alternative.

Effet de la machine de domination culturelle, ce catastrophisme pénètre notre société. Il y a même des réseaux et des « business » qui en vivent dans un sens. On dit qu’effectivement, « la fin est inéluctable ». « Qu’il restera peut-être de petites poches d’humanité, probablement des « survivants », mis qui seront en lutte les uns contre les autres dans une sauvagerie apocalyptique ». « Il est trop tard »…

Paradoxalement, un certain catastrophisme écologique ressemble à celui d’une gauche qui à l’époque prévoyait elle-aussi la fin du monde, le crash total et absolu, à moins d’une imprévisible révolution tout au moins totale et absolue. Ce faisant, ces secteurs radicalisés ont contribué, probablement sans le vouloir, à créer un sentiment d’impuissance et d’auto-mépris, comme si les luttes quotidiennes, les alternatives avec un petit « A » ne servaient à rien.

Le catastrophisme, qu’il soit écolo ou gauchiste, est une illusion entretenue par un sentiment de désespoir et aussi, oserais-je dire, par une certaine paresse intellectuelle ou en tout cas, une ignorance de l’histoire.

Durant la première moitié du siècle, il était, selon l’image bouleversante de Victor Serge, « minuit dans le siècle ». La barbarie nazie avait amplifié tout ce qu’il y avait de destructeur dans le capitalisme. Les révolutions semblaient battues à plate couture notamment en Union Soviétique où s’était imposée une dictature impitoyable. Des intellectuels de gauche qu’on a connu comme l’ « École de Francfort » voyaient un monde sans issue.

Mais en fin de compte, au-delà de leurs analyses souvent brillantes, ils ont eu tort. Des combattants, avec des armes ou sans, un peu partout dans des mouvements de résistance, ont passé à travers. Ils ont reconstruit le monde.

En réalité, n’y a pas toujours un « happy ending » à la Hollywood, ni non plus de « catastrophe inéluctable ». Les chemins sont escarpés, imprévisibles. Pour s’y retrouver, il faut savoir être patients et créatifs, ne rien prendre pour acquis. Il n’y a pas de problème « insurmontable ». L’imagination humaine, aussi bien scientifique que sociale et politique, n’a pas de limite. Certes, elle peut aussi être captée, détournée, atrophiée, pendant d’assez longues périodes. Et entre-temps, on continue…

Ceux qui luttent, comme le disait Bertolt Brecht, ne sont jamais sûrs de gagner, mais ceux qui ne luttent pas, sont toujours sûrs de perdre.

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