Édition du 16 avril 2024

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Rémunération des médecins : un buffet chinois de fonds publics

La rémunération des médecins est complètement hors de contrôle. C’est ce que révélait le rapport de la vérificatrice générale du Québec aujourd’hui. En fait, depuis quelques années, c’est un peu comme si on avait convié les médecins à un buffet chinois de fonds publics All you can eat !

On parle ici de plus de 416 millions de dollars qui n’étaient pas prévus par Québec dans ses projections budgétaires de cette année. Il faut faire attention de ne pas mélanger les pommes et les oranges, mais ce montant correspond aux compressions imposées aux centres de la petite enfance (CPE) depuis 2006.

Plus près du domaine de la santé, 416 millions, c’est plus de 18 fois les compressions imposées dans les services de santé de la Baie-des-Chaleurs dont je vous parlais dans un billet précédent. On peut lier directement les deux histoires. La vérificatrice générale conclut dans son rapport que cette facture surprise a dû être payée à même les fonds des autres programmes du réseau de la santé.

Absence de contrôle dénoncée

Le principal problème dénoncé par la vérificatrice générale est que la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) n’a pas de mécanisme de vérification suffisant pour contrôler les sommes facturées par les médecins. Sur près de 4 milliards de dollars payés aux médecins chaque année, ce montant « imprévu » représente un gaspillage énorme de fonds publics.

En fouillant dans un échantillon de dossiers, la vérificatrice générale a réalisé que dans certains cas, il fallait réduire les montants de 21 % à 100 % par rapport aux montants approuvés ! Même si, comme le rapport le révèle, certains médecins facturent des actes médicaux pour 90 patients par jour ou, encore, qu’ils connaissent des fluctuations de revenus importantes, la RAMQ ne déclenche pas de vérification. En fait, moins de 2 % des cas ont fait l’objet d’une vérification.

Incitatifs bidon

L’entente conclue entre les médecins et le gouvernement prévoyait des mesures incitatives afin que ceux-ci atteignent certains objectifs. Jusque-là, tout va bien. Le hic, c’est que la vérificatrice générale a découvert que ces objectifs étaient déjà atteints avant la mise en place des mesures. On incite à quoi dans ce cas ? De plus, pour la grande majorité de ces mesures incitatives, aucune cible ou aucun indicateur ne permettent d’évaluer leur efficacité. En d’autres mots, on leur a donné des bonis qui n’ont pas eu d’effet sur l’accessibilité aux soins des patients.

Deux poids deux mesures

C’est étonnant quand même parce que les compressions imposées dans le reste du réseau de la santé et des services sociaux, aux CPE, au réseau scolaire, au réseau collégial et dans tous les ministères sont justifiées par des arguments d’efficience et de performance. Où est ce souci de performance en ce qui concerne un poste budgétaire qui représente pas moins de 62 % des dépenses de la RAMQ ? Où est cette « rigueur » que le gouvernement a déployée dans sa réforme proposée de l’aide sociale ?

La rémunération des médecins est à revoir

En même temps, difficile de bien évaluer les coûts lorsque la rémunération des médecins est d’une complexité telle que le Manuel de facturation des médecins omnipraticiens fait 500 pages. En 2014, il y avait 14 000 actes médicaux facturables !

À ce titre, la vérificatrice générale oublie l’éléphant dans la pièce : le mode de rémunération des médecins. Pour atteindre 416 millions de dollars, les erreurs ne sont pas que généralisées, elles sont systémiques. Il serait peut-être temps d’y penser avant d’avoir à nouveau de mauvaises surprises.

Justement, le Commissaire à la santé et au bien-être a annoncé qu’il se pencherait sur la question du mode de rémunération des médecins dans le cadre de ses travaux portant sur la performance du système de santé et de services sociaux québécois. Espérons que le gouvernement libéral saura saisir la balle au bond.

Louise Chabot

Présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) (depuis 2012)

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