Édition du 13 mai 2025

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Comptes rendus de lecture du mardi 13 mai 2025

Sens dessus dessous
Eduardo Galeano
Traduit de l’espagnol

On ne peut qu’être reconnaissant à Lux Éditeur d’avoir publié au cours des années de nombreux ouvrages de ce grand écrivain uruguayen qu’est Eduardo Galeano. Cet ouvrage nous décrit avec de nombreux exemples et des anecdotes éclairantes le capitalisme et ses manifestations : dévastation de la planète, pullulement des haines sexistes et racistes, exacerbation des injustices et abrutissement généralisé. « Construit comme un manuel scolaire à ne surtout pas suivre, il s’adresse avec une ironie douce-amère aux cancres de l’école de ce monde à l’envers, à ceux qui refusent de devenir les bons élèves d’un système qui promeut le crime, le mensonge, le mépris et l’amnésie. » Un bouquin dont je vous recommande vivement – et très vivement – la lecture !

Extrait :

À la différence de la solidarité, qui est horizontale et s’exerce d’égal à égal, la charité se pratique du haut vers le bas, humilie celui qui la reçoit et n’altère jamais un tant soit peu les relations de pouvoir : dans le meilleur des cas, il y aura un jour une justice, mais en haut au ciel. Ici sur terre, la charité ne perturbe pas l’injustice. Elle se propose seulement de la dissimuler.

Israël, Palestine, États-Unis : le triangle fatidique
Noam Chomsky
Traduit de l’anglais

«  Israël, Palestine, États-Unis : le triangle fatidique  » est l’un des ouvrages les plus ambitieux jamais écrit sur le rôle déterminant des États-Unis dans le conflit entre le sionisme et les Palestiniens. C’est un exposé tenace de la corruption, de l’avidité et de la malhonnêteté intellectuelle. Et c’est un ouvrage d’une importance capitale, qui doit être lu par tous ceux et celles qui se soucient de la chose publique.

Extrait :

La campagne de propagande contre le « fondamentaliste islamique » n’est pas dépourvue d’éléments grotesques — même si l’on met de côté le fait que la culture états-unienne se compare à la culture iranienne par son fondamentalisme religieux. L’État fondamentalisme islamique le plus extrémiste du monde est l’Arabie saoudite, loyal allié des États-Unis — ou plutôt, pour être plus précis, la dictature familiale qui sert de « façade arabe » derrière laquelle les États-Unis contrôlent dans les faits la péninsule arabe, pour reprendre les termes qui caractérisaient le règne colonial britannique. Dans ce cas, l’Occident n’éprouve aucune difficulté avec le fondamentalisme islamique. Or un des groupes fondamentalistes islamiques qui figurent vraisemblablement parmi les plus fanatiques du monde ces dernières années est dirigé par Gulbuddin Hekmatyar, extrémiste qui était l’un des favoris de la CIA et qui était le principal bénéficiaire des 3,3 milliards de dollars d’aide (officielle) des États-Unis aux rebelles afghans (un montant à peu près équivalent étant, dit-on, fourni par l’Arabie saoudite), lui qui a bombardé Kaboul en faisant des milliers de victimes et en chassant des centaines de milliers de personnes hors de la ville (toutes les ambassades occidentales comprises) afin d’arracher le pouvoir par les armes. Certes, ce n’est pas tout à fait la même chose que de vider Phnom Penh comme l’a fait Pol Pot, opération au cours de laquelle l’État à la solde des États-Unis s’est comporté de manière beaucoup plus sanglante.

Pas pleurer
Lydie Salvayre

C’est en lisant une brève biographie de Georges Bernanos que je suis tombé sur ce Goncourt de 2014. « Pas pleurer » nous raconte, à travers la vie d’une vieille dame, la sombre histoire de la guerre civile espagnole. Les souvenirs de cette dame, recueillis par sa fille, nous rappellent l’espoir, et momentanément la joie, puis, comme on le sait, les sombres et massives tueries de Franco avec la bénédiction de l’Église catholique ; elle nous raconte aussi, plus brièvement, l’aveuglement d’une partie de la gauche à l’endroit de Staline. La lecture se fait parallèlement à ce qu’écrivait à l’époque Georges Bernanos sur l’affreuse collaboration de l’Église catholique avec la dictature, dans ce qui allait devenir le merveilleux recueil « Les grands cimetières sous la lune ».

Extrait :

Ma mère s’appelle Montserrat Monclus Arjona, un nom que je suis heureuse de faire vivre et de détourner pour un temps du néant auquel il était promis. Dans le récit que j’entreprends, je ne veux introduire, pour l’instant, aucun personnage inventé. Ma mère est ma mère, Bernanos l’écrivain admiré des Grands cimetières sous la lune et l’Église catholique l’infâme institution qu’elle fut en 36.

Les grands cimetières sous la lune
Georges Bernanos

C’est probablement Georges Bernanos qui m’a amené à la littérature. C’était « Nouvelles histoires de Mouchette » et j’étais adolescent. J’ai beaucoup lu cet auteur par la suite, et bien d’autres aussi. J’ai relu récemment « Les grands cimetières sous la lune », que j’avais lu il y a bien longtemps. Je l’ai relu en même temps que le roman « Pas pleurer » de Lydie Salvayre, dont j’ai parlé il y quelques jours. C’était toujours aussi bon, ces « Grands cimetières sous la lune ». J’aime Bernanos, j’aime son style et j’aime sa rigueur. C’est assurément le plus grand des écrivains catholiques...

Extrait :

Dès lors, chaque nuit, des équipes recrutées par lui opérèrent dans les hameaux et jusque dans les faubourgs de Palma. Où que ces messieurs exerçassent leur zèle, la scène ne changeait guère. C’était le même coup discret frappé à la porte de l’appartement confortable, ou à celle de la chaumière, le même piétinement dans le jardin plein d’ombre, ou sur le palier le même chuchotement funèbre, qu’un misérable écoute de l’autre côté de la muraille, l’oreille collée à la serrure, le cœur crispé d’angoisse. - « Suivez-nous ! » - ... Les mêmes paroles à la femme affolée, les mains qui rassemblent en tremblant les hardes familières, jetées quelques heures plus tôt, et le bruit du moteur qui continue à ronfler, là-bas, dans la rue. « Ne réveillez pas les gosses, à quoi bon ? Vous me menez en prison, n’est-ce pas señor ? - Perfectamente », répond le tueur, qui parfois n’a pas vingt ans. Puis c’est l’escalade du camion où l’on retrouve deux ou trois camarades, aussi sombres, aussi résignés, le regard vague ... Hombre ! La camionnette grince, s’ébranle. Encore un moment d’espoir, aussi longtemps qu’elle n’a pas quitté la grand-route. Mais voilà déjà qu’elle ralentit, s’engage en cahotant au creux d’un chemin de terre. « Descendez ! » Ils descendent, s’alignent, baisent une médaille, ou seulement l’ongle du pouce. Pan ! Pan ! Pan ! - Les cadavres sont rangés au bord du talus, où le fossoyeur les trouvera le lendemain, la tête éclatée, la nuque reposant sur un hideux coussin de sang noir coagulé. Je dis fossoyeur, parce qu’on a pris soin de faire ce qu’il fallait non loin d’un cimetière. L’alcade écrira sur son registre : « Un tel, un tel, un tel, morts de congestion cérébrale. »

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Bruno Marquis

Bruno Marquis est un lecteur qui s’est impliqué dans plusieurs organismes voués à la protection de l’environnement, à la paix et à l’élimination de la pauvreté chez les enfants au cours des vingt dernières années. Il publie actuellement une chronique sur l’environnement dans le mensuel Ski-se-Dit. Il a aussi tenu régulièrement une chronique dans le webzine tolerance.ca.

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