Édition du 3 juin 2025

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Comptes rendus de lecture du mardi 8 avril 2025

La stratégie de l’autruche
Omar Aktouf

Omar Aktouf nous a quitté mercredi dernier. Professeur en gestion à l’École des hautes études commerciales de Montréal (HEC Montréal), il était un grand défenseur de la justice sociale et un ardent critique des modèles économiques néolibéraux. Je l’ai découvert à la lecture de son fameux ouvrage « La stratégie de l’autruche », publié en 2002. Il nous y expliquait en somme que « lorsque 3 milliards d’individus — soit la moitié de la planète — vivent avec moins de 3 $ par jour, que 225 milliardaires possèdent l’équivalent de l’avoir de 2 milliards de personnes, que 51 sociétés figurent parmi les 100 premières économies du monde, que l’économie mondiale est à 90% spéculative, que la masse financière (hors actions et obligations) circulant quotidiennement représente 10 fois la valeur des réserves cumulées de toutes les banques centrales du monde… » on était plus loin « du non-sens absolu ». Un bouquin où j’ai beaucoup appris et qui avait à l’époque contribué à nous ouvrir les yeux sur les aspects structurels des iniquités.

Extrait :

Chacun pourrait se demander ce que peut bien apporter un énième livre portant sur la mondialisation, ses conséquences, ses tenants et ses aboutissants lorsque, déjà, le sujet est au bord de la saturation. Ce que, en toute humilité, mais aussi avec une certaine certitude de praticien de première ligne, je prétends apporter avec cet ouvrage, c’est une autre façon d’interroger notre ordre économique dominant : en le mettant en parallèle constant avec son inséparable bras armé, le management. Bras armé devenu tout aussi mondialisé que la cause idéologique et théorique qu’il sert.

L’homme qui aimait les chiens
Leonardo Padura
Traduit de l’espagnol

Ivan, écrivain cubain en devenir miné par les difficultés et le découragement, rencontre sur la plage un singulier personnage qui prétend avoir bien connu Ramòn Mercader, l’assassin de Trotski. Cet homme lui racontera, au fil des rencontres, ce qui deviendra la trame du roman : la perpétuelle fuite de Trotski, traqué à mort par Staline, et le cheminement de son assassin, depuis la guerre d’Espagne jusqu’au tragique événement, et son emprisonnement et son rejet des siens. Un roman historique admirable, qui nous fait pénétrer au coeur du régime stalinien, avec ses purges, ses assassinats, et la peur diffuse, généralisée, qu’il provoque. Des millions de vies brisées, anéanties... Un vif désir de justice sociale, devenu, surtout sous Staline, une monstrueuse dictature.

Extrait :

Pour la première fois, Ramòn devait entendre parler avec insistance de l’opportunisme de Trotski, à l’époque exilé en Turquie, Trotski le plus sournois des ennemis, et ses partisans espagnols, dangereux infiltrés au sein de la classe ouvrière. Mais la véritable passion d’África ressortait quand elle dissertait sur la pensée et la pratique de Joseph Staline, l’homme qui faisait de la révolution bolchevik une forteresse radieuse. Tout à sa dévotion pour África, Ramòn se laissa gagner par sa haine démesurée pour Trotski et par sa vénération pour Staline, sans imaginer jusqu’où le mènerait ces passions.

Jacques Prévert
Yves Courrière

J’ai découvert cette biographie de Jacques Prévert en fouinant dans la bibliothèque de ma belle-sœur Sylvie. J’aime depuis longtemps ce grand poète anarchiste de l’après-guerre, connu d’abord pour son recueil « Paroles ». Cette biographie de 688 pages, écrite dans un style dense, nous fait beaucoup mieux connaître cet homme profondément épris de justice et de liberté.

Extrait :

C’est dans ce contexte que parut « Dîner de têtes », à l’instant où la dépression allait frapper vraiment la France. On mesure mieux l’impact subversif de ce texte quand on connaît la situation du pays au moment de sa publication, même si Commerce et les différentes revues littéraires d’avant-garde qui avaient publié Prévert n’étaient guère susceptibles de parvenir dans les mains ouvrières. L’important était de faire quelque chose au moment ou la misère et le mécontentement grandissaient dans la classe la plus défavorisée, mais aussi dans la classe moyenne. De nombreux citoyens y avaient, comme les ouvriers, de plus en plus de mal à joindre les deux bouts mais, contrairement à la classe ouvrière dont les espoirs allaient vers le parti communiste, ils se tournaient ver l’extrême droite où des ligues, ayant pour objectif de renverser la République, étaient en gestation.

Le pavillon des cancéreux
Alexandre Soljenitsyne
Traduit du russe

C’est l’un des plus connus et des bons romans de ce grand écrivain russe du XXe siècle qu’est Soljenitsyne. Au pavillon des cancéreux, quelques hommes, alités, souffrent d’un mal inexorable que l’on dit incurable. Mais le cancer n’est pas le véritable personnage de ce roman. Il est plutôt l’occasion pour ces hommes en sursis de s’interroger sur le sens de leur vie…

Extrait :

Une rivière qui finit dans les sables ! Une rivière qui ne se jette nulle part, qui distribue généreusement ses meilleures eaux, ses meilleures forces, comme ça, au passage et à l’occasion, à ses amis ! N’est-ce pas l’image de nos vies de bagnards, auxquelles il n’est pas donné de réaliser quoi que ce soit, qui sont vouées à un étouffement sans gloire, et ce que nous avons eu de meilleur, c’est un plan d’eau où nous n’étions pas encore à sec, et tout ce qui reste de nous, c’est ce qu’il tient d’eau dans la paume des deux mains, ce que nous avons mis de nous-mêmes et échangé avec autrui dans une rencontre, une conversation, un secours.

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Bruno Marquis

Bruno Marquis est un lecteur qui s’est impliqué dans plusieurs organismes voués à la protection de l’environnement, à la paix et à l’élimination de la pauvreté chez les enfants au cours des vingt dernières années. Il publie actuellement une chronique sur l’environnement dans le mensuel Ski-se-Dit. Il a aussi tenu régulièrement une chronique dans le webzine tolerance.ca.

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