Ce livre est un grand reportage sur la révolution conservatrice en Amérique du Nord et il décrit en long et en large ses méfaits. L’intégration continentale « qui consiste à effacer la frontière entre le Canada et les États-Unis, écrit Maude Barlow, touchera l’ensemble de notre société : l’économie, la structure sociale, les programmes sociaux, l’environnement. » (p. 12.)
La bourgeoisie canadienne a répondu avec empressement à l’appel du gouvernement américain de mettre en place le libre-échange continental et de s’attaquer aux acquis de la population canadienne tout en ne négligeant pas de s’en prendre aux droits démocratiques des Canadiennes et des Canadiens. Vous voulez des faits. Vous voulez comprendre comment ces réalités se sont mises en place et identifier clairement les acteurs principaux de cette inféodation, le livre de Maude Barlow en fait une description fascinante. Vous croyez que le processus a débuté avec la victoire du Parti conservateur de Stephen Harper. L’auteure affirme au contraire que, déjà, les Libéraux de Paul Martin ou de Jean Chrétien étaient partie prenante de cette funeste entreprise. Et, pour les personnes qui ont besoin d’un peu plus de recul, elle nous décrit comment le Premier ministre Mulroney a été un allié soumis aux volontés de Washington.
Savez-vous ce qu’est « le grand ravissement » pour la droite religieuse ? Maude Barlow nous décrit comment cette vision du monde est importante dans leur évaluation de la situation de la planète. Je ne vous en dirai pas plus. Allez-y voir vous-mêmes ! Ce sera pour vous l’occasion de lire des pages fascinantes.
Maude Barlow fait la démonstration que la politique de Bush, c’est la voracité exploiteuse fière d’elle-même, c’est la culture du copinage où on n’aide que les plus riches. Le chapitre intitulé « Une bande de voyous » est très instructif à cet égard.
Pour ce qui est du rapport à l’environnement, il se résume en une phrase : « après nous, le déluge ». Toute la saga de l’exploitation des sables bitumeux est décrite dans le détail. Maude Barlow démontre que « dans un étonnant abandon de sa souveraineté », le gouvernement du Canada a aboli les taxes à l’exportation sur les ressources énergétiques, a garanti aux Américains, à perpétuité, l’accès aux ressources canadiennes. Aujourd’hui, les multinationales américaines ont mis la main sur le pétrole et ont demandé d’en finir avec les normes environnementales. Le gouvernement canadien a acquiescé à ces demandes. Et les désastres écologiques deviennent une norme qu’il faudrait accepter.
Le livre se termine par un chapitre où elle tente d’esquisser une autre voie pour le Canada. Les orientations d’ensemble sont importantes : contre la prolifération des armes, contre l’appauvrissement et l’injustice généralisés (en particulier dans le tiers monde), contre le terrorisme des fondamentalistes, pour une gestion écologique de la terre particulièrement en ce qui concerne les changements climatiques et les pénuries imminentes d’eau douce et d’énergie.
Pourtant, les conditions politiques essentielles et les rapports de force à créer pour imposer de telles orientations ne sont pas soulevées. La nécessité d’une perspective anticapitaliste et anti-impérialiste pour parvenir à bloquer la spoliation et le chaos dans le domaine de l’environnement n’est nullement mentionnée. C’est une tâche essentielle de la gauche au Canada et au Québec, d’élaborer une stratégie de mobilisation de masse pour en finir avec les désastres qu’ils nous préparent.
Il n’est reste pas moins que le livre de Maude Barlow est une contribution incontournable aux efforts de ceux et celles qui cherchent à tracer des voies vers une transformation sociale en profondeur, transformation dont elle démontre qu’elle est plus urgente que jamais.
Maude Barlow, Dormir avec l’éléphant, Boréal, 2006, 349 pages