Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Éducation

Droits de scolarité - Le devoir d'agir

Une opinion, aussi forte soit-elle, reste sans la moindre valeur si aucun acte ne vient la concrétiser. L’homme ou la femme qui n’agit pas emprisonne sa pensée dans l’abstrait, abandonne le monde à sa course folle, ne donne à son bon vouloir aucune prise sur le réel. Et il se trouve que la crise actuelle est bien réelle.

La protestation l’est moins, cependant, et c’est là que réside tout le danger. Le Québec entier aurait beau s’opposer au sacrifice (néo-)libéral de l’éducation, si tous se refusaient à signifier de façon concrète le désaccord qui les habite, il resterait sans effet sur la détermination aveugle du gouvernement. Il faut s’opposer. Arborer le carré rouge, signer pétition sur pétition, discuter avec passion de nos convictions partagées, ce n’est malheureusement pas s’opposer. C’est construire ensemble une réflexion essentielle ; c’est jeter les bases d’une action ultérieure qui devra voir le jour pour exprimer vraiment notre volonté ; c’est une première mobilisation qui mènera à l’inévitable, à l’unique solution possible, au véritable acte de citoyenneté : la grève générale.

S’il est essentiel de partager nos idées, il est tout aussi essentiel de les mettre en pratique. Il est vain d’agir sans penser, tout comme il est inconcevable de penser sans agir.

La grève essentielle

La grève est plus forte que tout ; c’est par conséquent la solution ultime. La solution qui reste lorsque toutes ont prouvé leur inefficacité.

Si nous luttons pour une éducation, plus juste, plus « ouvert[e] en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite », c’est fondamentalement parce que nous croyons en la valeur de l’école pour chacun de nous, et surtout pour la société que nous constituons. En conséquence, nous ne pouvons nous réjouir de devoir (car c’est un devoir) abandonner les bancs d’école pour quelques temps. Si nous acceptons ce renoncement temporaire, c’est parce que nous savons que nous pourrons y revenir plus forts ensuite. Si, le temps d’une grève, nous préférons le froid de l’hiver au confort des salles de classe, c’est parce que nous y sommes bien obligés. Nous nous résignons à cette solution radicale, voire extrême, parce que la situation l’est, elle aussi, parce que c’est là que l’obstination des libéraux force le mouvement étudiant à s’aventurer. L’échec des pétitions, des manifestations sporadiques, des actions d’éclat, des campagnes de sensibilisation, l’échec de tout cela nous a menés, ainsi que le gouvernement, au pied d’un mur qu’il nous faudra bien renverser.

Pour que le premier ministre et son cabinet, qui se rient de la voix des étudiants comme de toutes les pressions citoyennes depuis 2003, reviennent sur la fermeture crasse qui caractérise leur irresponsabilité sociale, nous devrons, nous qui croyons à la beauté de l’école, sacrifier un peu de notre confort quotidien pour arracher à ces décideurs déconnectés la victoire que nous espérons et le respect qui nous est dû.

La grève efficace

Ce qui prouve encore davantage la nécessité de la grève, c’est l’obstination, encore aujourd’hui, de M. Charest et de Mme Beauchamp à fermer les yeux sur un mouvement de grève qui compte près de 125 000 personnes. S’ils peuvent faire la sourde oreille à une pression de cette ampleur, on peut aisément imaginer l’impossibilité pour nous de changer les choses par le simple port d’un carré de feutre.

Mais cette fermeture apparente de la part de la classe politique ne vient en aucun cas démontrer l’inutilité d’un mouvement de grève. La grève générale fonctionne, on l’a vu en 1968, en 1974, en 1978, en 1986, en 1996 et en 2005. Les deux seules grèves étudiantes s’étant soldées par un échec sont celles de 1998 et de 1990, le mouvement étudiant n’ayant pas su organiser une mobilisation assez importante pour vraiment faire pression sur le gouvernement.

De là l’importance de l’engagement de tous et chacun dans cette cause qui doit être réellement commune. Le mouvement a besoin de nous, et on ne peut se permettre de laisser la peur gagner cette lutte, surtout lorsque cette peur est injustifiée. On risque au final fort peu : les chances de voir notre session annulée sont quasi-inexistantes, et ce serait une première dans l’histoire du Québec. Le gouvernement devra céder avant nous.

Nous. Pour que nous puissions vaincre, il nous faut la force de tous, une force conjointe et unie qui, elle seule, pourra lutter contre l’oppression d’un gouvernement qui nous ignore quotidiennement, mais plus pour longtemps. C’est en nous rassemblant que nous vaincrons. Parce que nous serons forts, parce que nous serons nombreux, parce que nous serons nous. Si nous acceptons la lutte, la victoire sera belle. Sans quoi, la défaite sera d’une triste laideur, celle de l’abandon.

Ce qu’il y a de plus beau encore que chacun de nous à l’école, ce sont nous tous, ensemble, en grève pour l’école. Choisissons la beauté, choisissons la lutte.

Alexis Ross

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