Tiré de La Gauche.
Au même moment se déroulait à l’extérieur une manifestation de plusieurs milliers de citoyens indignés contre ce « coup mafieux contre la démocratie ». Tout cela constituait l’aboutissement de la crise ouverte il y a un mois dans la direction du PS et la fin des 300 jours d’un gouvernement intérimaire.
Vers la pasokisation
Deux jours avant la réunion de la direction large du PSOE (le comité fédéral), la partie critique de l’instance (presque la moitié) a démissionné afin de provoquer automatiquement la chute du secrétaire général très contesté, Pedro Sanchez. Celui-ci aura manœuvré jusqu’au bout pour garder la direction du parti face au secteur de l’appareil dirigé par Susana Díaz, présidente de l’Andalousie (l’un des bastions du parti) et représentante du secteur le plus droitier, centraliste et populiste. Une opération téléguidée par l’ancien président Felipe González avec le soutien du groupe médiatique PRISA (propriétaire d’El País, l’un des plus grands journaux), à son tour porte-voix de l’IBEX 33 (le CAC 40 espagnol).
Le résultat de cette lutte a donc été la démission de Sanchez, après avoir perdu le vote sur sa proposition d’un congrès extraordinaire immédiat, et la création d’une direction provisoire jusqu’à la tenue d’un congrès ordinaire. Ce coup de palais s’est donc opéré contre un secrétaire général « intérimaire » qui s’était un peu trop autonomisé de l’appareil et qui était tout à fait conscient que l’opposition à l’investiture de Rajoy était la clé pour empêcher la pasokisation du PSOE et son déclin irréversible. Mais l’appareil du PSOE a préféré faire passer les intérêts du régime et du capital au-dessus de ceux de la survie à court terme du parti.
Situation instable
Une telle situation ne serait jamais arrivée sans la vague de politisation qu’a suivi le 15M et sans l’existence de Podemos, le défi le plus grave à son hégémonie sur la gauche en 130 ans d’histoire.
Le panique de l’appareil face à la perspective de nouvelles élections les a donc poussés vers l’investiture de Rajoy, approfondissant le divorce croissant avec sa base électorale. Tout cela va permettre à Rajoy de jouer à fond la carte du chantage à de nouvelles élections, afin de discipliner le PS et l’amener à soutenir, notamment au Parlement, les attaques brutales qu’il prépare en lien avec la troïka.
La situation politique qui s’ouvre est donc très instable et montre que la polarisation politique ne cesse de s’accroître et que la crise du régime est loin d’être finie. Les manifestations lycéennes de mercredi dernier contre la loi Wert d’éducation (avec notamment la restauration des examens de l’époque franquiste) montre qu’il y a des symptômes de radicalisation de la jeunesse… Le fond de l’air n’est pas à la résignation.
Retour aux mobilisations…
Dans ce cadre, les responsabilités d’Unidos Podemos sont grandes, car elle reste la seule force politique qui résiste à la « triple alliance » (pour reprendre l’expression d’Iglesias) et contre une offensive centraliste et « austéritaire ». La clé maintenant est de ramener le centre de gravité politique vers les mobilisations extraparlementaires, de lutter pour enraciner Podemos dans les mobilisations sociales. Cela contribuerait à reconstruire le mouvement ouvrier dans un cadre de précarité généralisé et un rapport de forces très dégradé sur le plan social.
Les tâches des anticapitalistes de Podemos sont bien de lutter contre l’adaptation de Podemos aux institutions, d’œuvrer à une remobilisation sociale, de nous enraciner dans la jeunesse scolarisée et dans les conflits sociaux, comme ceux des Kellys (des travailleuses très exploitées des hôtels des villes touristiques qui viennent de lancer une initiative parasyndicale suite à leur abandon par les directions des grands syndicats) ou des opérateurs de télécommunications précaires de Movistar (des salariéEs de la compagnie de portables qui viennent de faire plusieurs jours de grève). Bref de combiner l’intervention dans et hors Podemos et l’autoconstruction d’Anticapitalistas.
De Barcelone, Andreu Coll