Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

François Legault et JustinTrudeau, ensemble derrière le projet QCRail

Qu’est-ce donc que le projet QcRail mis de l’avant par Innovation Développement Manicouagan ? Il s’agit d’un projet de construction d’un lien ferroviaire de 370 kilomètres entre Baie-Comeau et Dolbeau-Mitassini au nord du Lac Saint-Jean. C’est un projet évalué à 1,62 milliards de dollars auquel s’ajoutera 414 millions de dollars pour l’aménagement de terminaux. Le projet rencontre le soutien du milieu d’affaires de Baie-Comeau et il veut répondre aux besoins exprimés par de grands industriels de la région désireux de faire de Baie-Comeau un nouveau port d’exportation sur l’Atlantique Nord. Il est nécessaire d’y prêter une grande attention parce que ce projet s’inscrit dans le cadre de la construction de corridors nordiques de commerce [1] qui fait partie des plans du gouvernement Truedau pour, en autres choses, désenclaver le pétrole tiré des sables bitumineux et leur ouvrir l’accès à l’exportation.

En 2019, on en est encore à l’évaluation environnementale, mais la construction devrait commencer en 2022 et la mise en service se faire en 2024. [2]

Le projet QcRail relierait Baie-Comeau à l’Ouest canadien

Le promoteur, ID Manicouagan veut faire de Baie-Comeau, un port en eau profonde, libre de glace à l’année qui pourrait devenir la porte maritime d’un corridor ferroviaire nordique se rendant jusque dans l’Ouest canadien car ce nouveau tronçon pourrait être relié aux voies ferroviaires existantes et rejoindre le centre du Canada sur une distance totale de 2570 kilomètres. [3] Cette ligne ferroviaire permettrait à des marchandises (grains, minéraux, produits forestiers, charbon, pétrole et produits chimiques) d’être exportées plus facilement vers l’Europe, l’Asie et l’Afrique et de contourner les grands centres urbains comme Toronto, Montréal et Québec.

Ce projet permettrait, plus spécifiquement, d’offrir un débouché pour le charbon et le pétrole de l’Ouest. 4,7 millions de tonnes de charbon et 3,9 millions de tonnes d’hydrocarbures pourraient ainsi se rendre jusqu’au port de Baie-Comeau. Cela « pourrait permettre l’exportation de 2,8 millions de barils de pétrole qui pourraient être transportés chaque année jusqu’au parc industriel du secteur de Baie-Comeau par train (équivalent 3425 wagons par année) pour y être stockés dans un parc de réservoirs totalisant plus de 660 000 barils. De là, le pétrole brut pourrait être exporté par navires, et ce, « même en période hivernale ». [4]

Le soutien des gouvernements Trudeau et Legault

De passage à Baie-Comeau à la fin août 2019, Marc Garneau, le ministre des Transports du gouvernement fédéral, a annoncé, 7,4 millions de dollars pour l’étude de faisabilité du projet QcRail. Il a également confirmé que le « gouvernement fédéral cédera, dans les prochains mois, la propriété du port de Baie-Comeau au milieu. » [5] Ces efforts du fédéral s’inscrivent dans le cadre du programme du Fonds national des corridors commerciaux qui a un budget de 10,1 milliards de dollars.

Le Gouvernement Legault soutient ce projet. Il a lui aussi annoncé dans le cadre du dépôt du budget en mars dernier qu’il fournissait 7,5 millions de dollars pour financer une étude de faisabilité. Pour le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonathan Julien, le projet QcRail est un « projet intéressant pour le développement économique de la région. Il est d’ailleurs appuyé par les acteurs régionaux. »  [6]. Le gouvernement Legault démontre, encore une fois, que son vernis vert est pour le moins fort mince. Après avoir soutenu la construction d’un gazoduc qui traversera la province pour rejoindre le Saguenay permettant l’exportation sur le marché international d’un gaz obtenu par fracturation, voilà, qu’il donne également son aval au projet de Qc Rail qui s’inscrit dans les plans de l’État canadien de désenclaver le pétrole albertain. Entre temps, il jette de la poudre aux yeux en agitant les thèmes identitaires tout en nous préparant un plan vert pour continuer son travail de mystification.

Yves François Blanchet, le chef du Bloc québécois et sa candidate sortante de Manicouagan, Marlène Gill, voient dans le projet QcRail un outil de développement souhaitable. Le chef du Bloc, est encore une fois, au diapason des élites économiques. Comme Parti se prétendant défenseur de l’environnement, on a déjà vu mieux. [7]

L’opposition au projet Qcrail qui s’est manifestée jusqu’ici ne se fait pas sur la base de défense de l’environnement. Elle provient des gestionnaires du port de Saguenay qui considèrent que le projet de voie ferrée est complètement irréel et que les trains devraient descendre vers Port Saguenay en parcourant quelques dizaines de kilomètres seulement. [8] Les milieux d’affaires font encore une fois preuve d’un aveuglement total face à l’urgence climatique et à la nécessité d’une rupture claire avec la volonté de l’État canadien de continuer d’appuyer l’expansion de l’industrie des hydrocarbures. Le gouvernement Legault manifeste par ce soutien ses véritables intentions, soit d’offrir des postures d’environnementalistes tout en se faisant le complice de politiques écocidaires.

Le mot d’ordre est clair, pas un seul dollar d’argent public pour faciliter le transport de pétrole ou de gaz sur le territoire québécois. Nos alliés ne font pas partie des élites d’affaires mais se retrouvent dans les secteurs de la population québécoise et canadienne qui ont compris l’urgence de la situation climatique et qui se battent contre la construction de nouveaux pipelines et contre la croissance très rapide du transport des hydrocarbures par trains.


[2Steeve Paradis, Un projet de 1,6 G $ - le projet de train de QCRail se rendra-t-il finalement sur la Côte-Nord ?, Le Soleil, 18 octobre 2018

[3Hélène Baril, Une nouvelle route vers l’Europe, La Presse, 13 mai 2019.

[4Alexandre Shields, Un nouveau projet ferroviaire sur la Côte-Nord faciliterait l’exportation de pétrole de l’Ouest, Le Devoir, 5 avril 2019

[5Steeve Paradis, De gros cadeaux du fédéral pour Baie-Comeau, Le Soleil, 29 août 2019

[6Alexandre Shields, idem

[7Charlotte Paquet, QcRail : levée de boucliers prématurée, selon Marilène Gill, www.lamanic.ca, 12 septembre 2019

[8Stéphane Bouchard, QcRail, un projet insensé, selon Gérald Savard, Le Quotidien, 2 septembre 2019

Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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