Madame, dont je tairai le nom, a 36 ans. Elle sort d’un épisode d’itinérance. Violée à 6 ans, elle a finalement touché une compensation, toute maigre qu’elle soit, en novembre dernier : 6 000$ du programme d’Indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC). Lorsqu’elle va chercher son chèque d’aide sociale en main propre en décembre dernier, elle informe son agent de cette situation et de ses aspirations.
Le montant qu’elle a touché n’équivaut pas à une fortune, on s’entend, mais ça ravive l’espoir de s’en sortir. Elle confie à son agente ses aspirations. Madame vit présentement dans un centre d’aide et de prévention à l’itinérance, mais elle espère pouvoir se relever grâce à ce montant, et se refaire une vie avec ses deux jumeaux de huit ans et demi. Pour cela, elle désire mettre 2500$ à l’abri en attendant la fin de sa réhabilitation, en août prochain.
L’agente lui suggère de mettre cette somme dans un compte de développement individuel (CDI). Cette suggestion aurait été bonne, n’eut été de deux omissions graves. Premièrement, la raison derrière l’épargne de madame ne concorde même pas avec l’objet d’un CDI : acheter une automobile le serait, par exemple. Mais aller vivre avec ses bessons ? Ça non ! Qu’une agente du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité Sociale (MESS) ignore quelque chose d’aussi fondamental à sa profession est incompréhensible.
Deuxièmement, et peut-être même primordialement, jamais l’agente ne lui a mentionné l’existence d’une date limite pour ce faire. Après le 31 décembre, si ses avoirs liquides excèdent 1500$, sa prestation d’aide sociale sera amputée de l’excédent. Or, qu’arrive-t-il quand cet excédent est supérieur au montant de la prestation d’aide sociale ? On vous évacue du programme.
Madame ne touche plus sa prestation depuis. Elle doit vivre de ses maigres avoirs, car elle ne pourra appliquer à l’aide qu’une fois qu’elle aura moins de 887$ en avoirs liquides. Tout ça pour quoi ? À cause de la négligence d’une agente du Ministère. À cause d’une fonctionnaire qui, consciente du projet de madame et du danger auquel elle s’exposait passé le 31 décembre, a gardé le silence. La moindre des choses, face à la menace d’une telle injustice du système, aurait été de l’avertir. Mieux encore, d’aviser son supérieur hiérarchique. Au lieu de cela, le MESS s’en lave les mains, et une citoyenne qui avait espoir de se reprendre en main risque de s’enliser à nouveau dans la misère.
De telles injustices ne doivent pas être passées sous silence. Imaginez-vous bien toutefois que si c’était le seul cas, vous ne liriez pas ces lignes. C’est aussi pour souligner le manque de connaissance et d’application de la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles par ce ministère. C’est déplorable, mais la seule impression que me laissent nos interactions avec le MESS, c’est un certain manque de « solidarité sociale »
Et en attendant que le ministère se réveille, je carbure à l’indignation.
Christian Loupret, Militant salarié à l’ADDS QM