Édition du 22 avril 2025

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Débats

Le duo Trump-Musk : Un fascisme « nouveau genre » ?

Les spécialistes de l’histoire du nazisme nous préviennent : la situation politique actuelle, à l’échelle internationale, s’apparente, sous maints aspects, à celle qui a précédé l’arrivée au pouvoir du « Parti National-Socialiste des travailleurs » d’Adolphe Hitler dans les années 1930 en Allemagne.

Au delà du salut « hitlérien » d’Elon Musk lors de l’investiture du Président le 20 janvier dernier, qui envoie déjà un signal clair quant à l’idéologie qui sous-tend les intentions du bras droit de Donald Trump, les réactions, les comportements, les attitudes, les décisions de l’élite financière et économique mondiale depuis la victoire du Républicain en novembre 2024, et surtout depuis ses déclarations de guerre commerciale à l’échelle planétaire, sont caractéristiques d’une classe sociale qui sait plus que jamais où se situe son « intérêt ».

Le fascisme ne peut s’installer, s’imposer, prospérer et dominer une société (à l’échelle nationale, régionale ou mondiale) sans l’appui indéfectible des puissances d’argent qui, comme on le sait, ne portent pas de jugement « moral » sur la nature du pouvoir en place tant et aussi longtemps que celui-ci ne nuit pas à la bonne marche des « affaires », qui plus est lorsqu’il se porte garant d’un accroissement de richesses à venir, que ce soit par l’instauration d’une fiscalité « compétitive », d’une priorité donnée aux entreprises nationales, l’accès à une main d’œuvre docile et bon marché (ou qualifiée et loyale, si besoin est), des faibles coûts de production, des prix fixes concomitant à une situation de monopole ou d’oligopole.
L’arrivée d’Adolphe Hitler au Reichstag en 1933 a été une bénédiction pour les capitalistes allemands (exception faite, évidemment, des détenteurs de capitaux d’origine juive) ; les Nazis ont relancé l’économie du pays durement touchée par le Traité de Versailles et le krach boursier de 1929 à Wall Street, interdit les syndicats, emprisonné les communistes (ainsi que les sociaux-démocrates trop critiques envers le capitalisme) et pratiqué un interventionnisme d’État à l’image du New Deal de Roosevelt aux États-Unis, quoique avec des objectifs quelque peu différent ! Avec, en prime, une fois la guerre enclenchée, le recours à une main d’œuvre plus que servile, remplaçable à souhait, reconnaissante de pouvoir offrir gratuitement sa force de travail (du moins, temporairement) plutôt que d’être gazée et finir dans les crématoires des camps de la mort.

Jusqu’au déclenchement de la guerre, Hitler et sa « horde de criminels » faisaient l’admiration d’une bonne partie du gratin du monde occidental (politiciens, aristocrates, hommes d’affaires, intellectuels d’extrême-droite ―― même Staline était impressionné par la capacité du Führer à éliminer aussi efficacement ses opposants) : le Troisième Reich était loué pour sa discipline et son ardeur au travail (« on ne fait pas “grève” en Allemagne ! »), sa capacité à reprendre sa place dans le « Concert des Nations », sa fermeté (voire sa « cruauté ») envers les forces de gauche, menace à la précieuse liberté du monde civilisé, bref, il représentait un rempart contre la montée du communisme, système politique barbare qui ne respecte rien. On a même cru, jusqu’à la dernière minute (Accords de Munich), que le chef d’État allemand était un homme de « paix ». On connaît la suite…

Bien sûr, la situation actuelle est, à bien des égards, différente de celle des années 1930. Nous ne subissons pas les contre-coups d’une crise économique à l’échelle mondiale, propice à l’émergence de solutions radicales portées par des idéologies meurtrières et défendues par des psychopathes œuvrant en groupes organisés, nos institutions légales, juridiques, politiques sont plus fortes, mieux constituées, mieux articulées pour réagir à des phénomènes extrêmes comme celui du nazisme, nous sommes plus éduqués, mieux conscientisés des dangers que représente la prise du pouvoir par l’extrême-droite populiste et nous avons pu constater, à notre corps défendant, jusqu’où peut aller une psychose collective lorsqu’elle s’alimente de ses propres phobies, ne sachant plus distinguer le vrai du faux, le Moral de l’Immoral, l’Humain de l’Inhumain.

Il n’empêche que nous vivons, collectivement, une autre sorte de crise qui génère une forme différenciée de fascisme, adapté à notre époque technologique. Le spectacle un tantinet « surréaliste » offert par la cérémonie d’investiture du Président américain constitue un instantané de la structure politico-économique qui va dominer le Monde à partir du 20 janvier 2025. Que les géants de la « Tech » se soient agglutinés autour du Matador en cette soirée officielle ne relève pas du hasard, pas plus que le geste « symbolique » d’Elon Musk, révélateur des accointances qui vont « naturellement » se nouer dans un avenir rapproché.

En cela, le processus est semblable à celui qui a abouti à la deuxième guerre mondiale, à savoir, le mariage de Raison entre, d’une part, un pouvoir politique xénophobe, liberticide, paranoïaque et, d’autre part, le pouvoir économique le plus à même de soutenir le projet démesuré du « mâle dominant » qui cherche à impressionner par des déclarations à l’emporte-pièce, des provocations récurrentes, une stratégie du chaos assumée. Nous assistons au même scénario que celui élaboré par les Nazis concernant l’Allemagne de l’époque et qui a servi de justificatif pour adopter des politiques extrêmes qui font fi des principes fondamentaux d’une démocratie libérale et du plus élémentaire droit international : les États-Unis sont exploités par le monde entier, victimes de leur généreuse richesse, ils font plus que leur part pour protéger militairement leurs alliés (contre quels ennemis, ça reste à déterminer), leur énorme déficit commercial et leur dette abyssale sont le résultat de pratiques commerciales malveillantes et déloyales de la part des Chinois, des Européens, des Canadiens, des Mexicains et tutti quanti.
Bref, l’Amérique n’a rien à se reprocher, elle n’est pas responsable des délocalisations massives des entreprises américaines vers la Chine, l’Asie, le Mexique, l’Europe de l’Est depuis plus de trente ans et qui sont à l’origine du désert industriel qui recouvre des régions entières des États-Unis, autrefois prospères, gage de leur pouvoir économique et financier, assurant leur main-mise sur les affaires du Monde ; elle n’a rien à voir non plus avec la pauvreté endémique des pays du Sud global dont les ressortissants n’ont d’autres choix que d’émigrer vers le Nord pour améliorer leurs conditions de vie, quitte à travailler illégalement à bas salaire, sans protection sociale, sans assurance-santé, risquant à tout moment d’être expulsés vers le pays qu’ils cherchent à fuir.

Ce complexe de persécution est source de violence dirigée contre tout ce qui n’est pas américain et exacerbe les tensions géo-politiques déjà manifestes dans le monde occidental. Les Allemands ont carburé à cette victimisation à tous crins, les Juifs de Palestine en font de même et, dans tous les cas, cette impression généralisée d’être injustement traités par le reste de l’humanité donne lieu à des comportements belliqueux qui abaissent dangereusement le niveau de tolérance envers les embûches rencontrées en chemin, les contradicteurs, la diversité des points de vue, les visions du monde différentes de celle du leader charismatique. Il faut prendre acte de ce fait et agir en conséquence.

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Mario Charland

De Trois-Rivières.

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