Édition du 3 décembre 2024

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Le temps de la justice est-il arrivé ?

Les enjeux soulevés par les conclusions du rapport Goldstone et l’impunité israélienne

« Il se peut que nous assistions à la fin de l’ère de l’impunité ». C’est ce qu’a déclaré Nadia Hijab, chercheure de l’Institut d’études palestiniennes de Washington après la publication du rapport de 574 pages de l’enquête de la Commission des Nations Unies sur les agissements de l’armée israélienne contre une population sans défense, lors de l’attaque de Gaza en février dernier.

Traduction : Alexandra Cyr

Cette Commission était dirigée par le très renommé juge Goldstone, ancien juge en chef de la Cour suprême d’Afrique du Sud, ancien procureur des Tribunaux spéciaux internationaux sur la Yougoslavie et le Rwanda.

Mme Hijab n’était pas la seule à faire preuve d’optimisme. D’autres ont été encouragés par l’utilisation d’un langage peu commun à ce genre de rapport. Il ne s’agissait plus des éternelles circonvolutions qui permettent à Israël de toujours s’en tirer sans conséquences légales quelle que soit la violence des actes commis et la valeur de la démonstration.

Le rapport Goldstone a été publié le 15 septembre dernier. Il émet de très importantes recommandations après une enquête minutieuse sur le terrain, conduite à la demande du Conseil des droits humains des Nations Unies en avril dernier.

Une de ces recommandations demande au Conseil de sécurité des Nations Unies de constituer une équipe d’experts pour superviser une enquête qu’Israël devra conduire sur des crimes de guerre commis à Gaza. Si Israël ne se conformait pas, la responsabilité de l’investigation devrait être déférée au procureur du Tribunal pénal international.

Cela soulève certaines questions dont : 1- est-ce que des crimes de guerre ont été commis à Gaza ? 2- Si oui, est-ce qu’Israël est capable de s’acquitter de la tâche de mener une enquête honnête ? Ses conduites antérieures sur ces questions et l’impunité dans laquelle il a su s’installer ne sont pas rassurantes.

Le juge Goldstone a répondu dans une conférence de presse le 16 septembre : notre enquête démontre que des actes perpétrés par les Forces armées israéliennes s’apparentent à des crimes de guerre et pour certains à des crimes contre l’humanité. Il a aussi ajouté que l’enquête conduite par le gouvernement Israélien n’était pas crédible. On peut se demander pourquoi le juge Goldstone, ne pense pas d’emblée, qu’Israël puisse mener une enquête sérieuse et honnête même supervisée par des experts nommés par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

Le juge Goldstone sait bien, comme beaucoup d’entre nous, que cette attaque contre une société appauvrie et assiégée à été décidée au plus haut niveau du gouvernement israélien par les Olmert, Livni et Barak. Résultats : 1,387 morts (certains pensent qu’il s’agit plutôt 1,417, principalement des civils dont plus de 300 enfants), des milliers de blessés, et la destruction des infrastructures (écoles, hôpitaux, postes de police, usines, même des fermes d’élevage de poulets…).

Les Palestiniens ont été punis pour des tirs de roquettes sur le territoire israélien à partir de Gaza assiégé. Bien sûr, M. Goldstone ne pouvait pas applaudir à de telles actions et les approuver. Elles ont quand même tué quatre civils au cours de ces affrontements. De leur côté, quatre des neuf soldats israéliens tués pendants ce temps, l’ont été à cause d’erreurs de leur propres collègues.

La Commission a pu compter sur une totale collaboration de la part de l’Autorité palestinienne et du Hamas. Il n’en n’a pas été autant de la part d’Israël qui est allé jusqu’à lui refuser toute possibilité d’accès à Gaza. Les commissaires ont donc dû trouver d’autres routes à partir du territoire égyptien.

Des représentants officiels du gouvernement israélien ont déclaré que le rapport avait été écrit avant même que l’enquête ne soit menée et donc ne pouvait donc qu’être partial. Pour le rejeter, ils utilisent les mêmes vieilles tactiques de dénigrement, de formules redondantes et de langage déjà bien connu.

Le porte-parole du ministre des Affaires étrangères, M. Levy, a déclaré que le rapport établissait un « amalgame injuste entre un état démocratique et une organisation terroriste » faisant référence au Hamas.

Puis viennent les arguments de type raciste. M. Levy ajoute :nous n’avons honte de rien et n’avons pas de leçons de moralité à recevoir d’un Comité constitué des représentants de la Syrie, du Pakistan, de la Somalie et de la Malaisie. On doit donc comprendre que les gens à la peau sombre du Sud, ne peuvent être ni moraux ni démocratiques. Seul Israël et ses alliés pourraient s’en réclamer. M. Richard Sideman, président du American Jewish Committe, qui a son siège à New-York, déclare lui aussi : le rapport Goldstone établit de nouvelles normes en mettant sur le même pied les comportements des états démocratiques et des organisations terroristes.
Ces arguments utilisés par Mrs Levy et Sideman le sont aussi par beaucoup de représentants gouvernementaux israéliens et leurs alliés en dehors du pays, (curieux que l’on retrouve exactement la même formulation chez les deux….). Tout ce beau monde s’est mis en mode « gestion de crise » aussi tôt le rapport publié.

De quoi devraient-ils s’inquiéter ?

De ce que le rapport Goldstone recommande que l’assemblée générale des Nations Unies crée un fond spécial dans lequel Israël devrait verser des sommes pour compenser les Palestiniens de Gaza ? Il est fort douteux que l’État hébreux accepte de piger dans les montants fournis par les taxes américaines pour de telles frivolités !

De ce que le Conseil sur les droits humains de l’ONU qui se réunit le 29 septembre à Genève pour étudier le rapport et y donner suite, demande son transfert au Conseil de sécurité et même au TPI ?

De ce que les conclusions du rapport ne viennent renforcer le mouvement mondial de boycott des produits israéliens ?

De ce qu’il soit particulièrement difficile d’accuser le juge Goldstone d’anti-sémitisme ou d’être un Juif atteint de haine de sa propre ascendance ?

De ce que toutes ces raisons réunies montreraient que « l’ère de l’impunité » serait du passé ?

Le chroniqueur israélien Gideon Levy à écrit : « Peut-être que la prochaine fois que nous nous engagerons dans une autre de ces guerres inutiles et futiles, nous poserons-nous plus de questions, non seulement sur les pertes que nous sommes capables d’encaisser dans nos propres rangs, mais aussi sur les dommages politiques qu’elles nous infligent. »

Il nous faudra attendre la prochaine de ces guerres futiles, les prochains massacres, pour voir si Israël a compris la leçon. En attendant, des milliers de Palestiniens affamés vivent encore à Gaza sous des tentes improvisées montées sur les débris laissés par la dernière attaque. Ils attendent toujours du ciment pour reconstruire leurs maisons, des vivres et de la justice de la part de la communauté internationale.

Ramzi Baroud, counterpunch.org, 25 sept. 2009,

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