Édition du 3 décembre 2024

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International

Les « grippes » du capitalisme mondialisé

Tract du Mouvement Pour le Socialisme (MPS) suisse

Ce 1er Mai 2009 peut être placé sous le signe de la contagion de crises liées entre elles. La pandémie de la grippe porcine ne peut être séparée de trois problèmes.

1° Les politiques de santé publique ont été affaiblies depuis longtemps. Priorité a été donnée : au secteur privé « rentable » ; aux opérations de charité de multimilliardaires (Fondation Bill-et-Melinda-Gates) ; aux exigences des géants de l’industrie pharmaceutique qui protègent la production de leur médicament et de leurs profits (le Tamiflu de Roche, par exemple).

2° Pour combattre une pandémie, les pouvoirs ont construit des « murs sanitaires » autour des pays riches. Il fallait aider à l’extension d’infrastructures dans les « pays pauvres ». Et la combiner avec une participation active et renseignée de la population à la gestion de sa santé. En saignant la population qui paie une dette illégitime (par des impôts injustes sur la consommation) aux grandes banques impérialistes, les inégalités sociales se sont accrues. Or, les pandémies sélectionnent socialement leurs victimes.

3° Les dominants ont ignoré les mises en garde de scientifiques contre le développement de cette grippe porcine. Il était plus rentable de pratiquer l’élevage industriel de milliers de porcs, traités aux antibiotiques et facilitant ainsi l’apparition de virus mutants. Des élevages contrôlés, en bout de chaîne, pas des géants de l’agro-alimentaire.
D’autres « grippes »

• Sont évidents les traits analogues entre cette pandémie et la contagion qui a frappé – depuis 2007 et mondialement – le secteur financier et industriel avec des centaines de milliers de victimes. Elles ont pour nom : « licenciée » et « sans-emploi ».

• Des régions entières du monde sont soumises : à la déforestation ; à la destruction de leurs ressources minières avec, en prime, des terres infestées de produits mortels durant des générations ; à la destruction des ressources des mers et des océans par des « navires-usines » ruinant des centaines de milliers de petits pêcheurs ; aux effets du réchauffement climatique qui va engloutir des terres agricoles et chasser des populations qui les habitent et les cultivent, déjà avec difficulté.

• La « crise alimentaire » plonge dans les affres de la sous-nutrition – et donc de la fragilité face à des maladies curables – quelque 950 millions d’êtres humains, avant tout des paysans pauvres vivant à la campagne ou contraints de migrer vers des bidonvilles, alors que des terres agricoles sont aujourd’hui massivement achetées. Ces migrant·e·s fournissent au système mondialisé d’exploitation une main-d’œuvre taillable et corvéable à merci. Ils sont aussi la cible de discrimination et de répressions administratives et policières.

Voilà le résultat du fonctionnement d’un système qui soumet à l’impératif du profit privatisé maximum la nature et les êtres humains.

La crise et ses sens

D’un côté, le terme de crise économique signifie : licenciements, fermetures d’usines, chômage, recul de la production et de la consommation suite à un pouvoir d’achat réduit.

De l’autre côté, dans le capitalisme, le terme crise renvoie à ces périodes où les principaux détenteurs réels du pouvoir économique (les grandes firmes transnationales financières, industrielles, de commerce) et leurs représentants politiques réorganisent leurs « instruments » économiques et politiques.
Des « branches mortes » sont coupées et des investissements effectués dans de nouveaux secteurs, avec l’aide directe ou indirecte de l’Etat. Des firmes sont rachetées pour acquérir leurs parts de marché. Autrement dit, les dominants vont concentrer dans leurs mains une richesse et un pouvoir encore plus grands. Ils vont chercher à accroître la productivité (la production d’un bien ou d’un service durant un temps donné) et la profitabilité (le taux de profit).
Toute crise capitaliste ouvre sur une volonté des « élites dirigeantes » d’aménager un système qui a montré ses limites ainsi que sa barbarie ; et cela pour tenter de repousser plus loin « les limites », quitte à en accroître les traits inhumains.

Voilà ce qui se cache derrière ces deux formules à la mode : « faisons un capitalisme vert et moral » et « faisons l’unité nationale parce que nous sommes tous dans le même bateau » ; sans quoi, nous – les capitaines – lancerons par-dessus bord les simples marins qui n’obéissent pas. Une crise est toujours le moment d’un affrontement plus rude du patronat et de son pouvoir politique contre les salarié·e·s.

Une crise violente et durable

Pour se défendre, il est impérieux de comprendre que cette crise est inscrite dans les gènes du système. Le capitalisme connaît des crises régulières (des récessions) et des grandes crises, comme celle qui se répand, aujourd’hui, sur la planète.

Depuis le milieu de l’année 2007 c’était clair. Pourtant, l’ancien économiste de l’Union syndicale suisse (USS), Serge Gaillard – aujourd’hui serviteur zélé (a-t-il changé ?) du Capital aux côtés de la conseillère fédérale Doris Leuthard –, osait affirmer dans le SonntagsBlick du 21 décembre 2008 : « La crise sera violente, mais courte. » Depuis lors, le SECO (Secrétariat d’Etat à l’économie) a dû réviser chaque mois ses « prévisions » sur le chômage et le recul de la production (PIB). La crise est et restera violente. Elle sera durable.

• Le nombre de « demandeurs d’emploi » en Suisse a passé de mars 2008 à mars 2009 de 159,031 à 191,932 : une hausse de 20,6%. Cette plaie s’étendra en 2009 et 2010-2011. Un indice est déjà là : tous les mois, les « places vacantes annoncées » diminuent, de plus de 20% sur un an.
Depuis 1993-1998, sont connus les effets de cette hausse brutale du chômage sur les salaires de ceux et celles qui devront accepter « un travail convenable » (sic), avec souvent des baisses salariales de 20 à 30%. Sans mentionner les jeunes qui ne trouvent pas d’emploi, de places d’apprentissage et doivent accepter des « salaires d’entrée » soldés.

• Or, depuis 1995, les salaires réels (salaire nominal moins l’inflation) ont stagné et même reculé lorsqu’est intégrée l’explosion des primes de l’assurance-maladie (l’indice du coût de la vie l’ignore !) et les cotisations au deuxième pilier (qui subit le choc de la crise boursière, comme cela était prévisible). Le 27 avril 2009, l’Office fédéral de la statistique affirmait que les salaires réels avaient reculé, en 2008, de 0,4%. Et d’ajouter : de 2004 à 2008 ils ont stagné (0% !) dans l’industrie. Pourtant, en utilisant le chômage, le patronat va encore les comprimer.

• Les autorités vantent les mérites de la mise au chômage partiel qui « éviterait les licenciements ». Quatre remarques à ce sujet. 1° Tout d’abord ont déjà été licenciés les salarié·e·s temporaires. Pour être plus « flexibles », des employeurs avaient accru le nombre de temporaires. 2° Ensuite, grâce à l’annualisation du temps de travail, les patrons usent des milliers d’heures supplémentaires qu’ils imposent sous forme de congés, payés à 100% et pas à 125% (comme les heures supplémentaires). 3° Des entreprises se « prêtent » des ouvriers qualifiés pour ne pas perdre « l’investissement en formation ». Cette procédure est un premier pas vers plus de « flexibilité », demain. Un travailleur affirme à juste titre : « Si les 8 personnes prêtées n’avaient pas accepté, elles n’auraient pas été licenciées de toute façon. » 4° Le chômage à temps partiel est payé par les salarié·e·s en tant que cotisants et contribuables (y compris la « part patronale » : car qui crée la richesse ?). De plus, le passé l’a démontré : c’est une étape avant les licenciements, lorsque la crise dure.

• S’ajoute à cela une hausse massive des cotisations à l’assurance-maladie en 2010 et 2011 ; une baisse planifiée des rentes du deuxième pilier à hauteur de 11%, sous l’influence des assureurs ; une attaque contre une assurance-chômage déjà faible.

« Refuser de payer leur crise »

Un thème domine dans les déclarations patronales : « Il faut réduire les salaires, afin de regagner en compétitivité, sans vivre au-dessus de nos moyens. » Traduction : attaquer salaires et budgets sociaux. Parallèlement, les États et leur Banque centrale alimentent en milliards de francs les banquiers qu’un économiste conservateur qualifiait « de profiteurs, de voleurs, de spéculateurs » (Le Monde, 9-10 septembre 2007). Toutefois, ces voleurs jouissent d’une impunité refusée à des grévistes ou à des délégués syndicaux.

Pourquoi cette politique sociale et économique ? Pour faire payer aux salariés-contribuables l’addition des « plans de sauvetage » de banques comme l’UBS. Elle, elle ne paiera pas d’impôts étant donné ses pertes !

Un débat démocratique s’impose non pas sur « les plans de sauvetage » des « voleurs » institutionnels (UBS et autres), mais pour des investissements créateurs d’emplois, dans des secteurs liés à un début de « révolution écologique ». Des investissements soumis au contrôle public et financés par un « pôle bancaire public » qui puisse, aussi, libérer certaines PMI de la dictature des géants donneurs d’ordres.

Avant tout, il s’agit de construire, sur la durée, un mouvement pour un salaire minimum (4000 francs) et pour la défense du salaire social : une vraie sécurité sociale incluant retraite et santé, avec un appui financier pour la formation. En un mot : développer des infrastructures sociales. Voilà la traduction du slogan : « Refuser de payer leur crise ». (1er mai 2009)

(30 avril 2009)

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