Cette loi scélérate a même pour effet de mettre un terme à la négociation. Elle décrète les conditions de travail et de rémunération et s’accompagne de lourdes amendes (4000$ par salariéE et 500 000$ pour le syndicat, pour chaque jour d’interruption de service). Le prétexte invoqué par le gouvernement de Doug Ford pour imposer une telle mesure autoritaire et dilatoire est ténu. Il s’agit, pour le ministre de l’Éducation Stephen Lecce, de : « mettre fin à cette perturbation inacceptable pour les élèves ».
L’écart entre les demandes syndicales et les offres gouvernementales est tout simplement abyssal. Le Syndicat canadien de la fonction publique revendique, pour les membres qu’il représente et qui gagnent en moyenne 39 000$ annuellement, une augmentation de 11,7% par année. Le gouvernement Ford décrète que les employéEs syndiquéEs devront se contenter d’augmentations salariales annuelles de 2,5% (pour les salariéEs gagnant moins de 43 000$ par année) et les autres d’un très maigre 1,5%. Ces hausses salariales sont très en dessous de l’Indice des prix à la consommation. Le décret gouvernemental a une durée prévue de quatre ans. À terme, les travailleuses et les travailleurs viséEs auront à subir une substantielle perte de leur pouvoir d’achat.
Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a conversé avec son homologue ontarien. Lors de cet échange, l’occupant du 24 Sussex Drive de la capitale fédérale aurait mentionné que le recours à la clause nonobstant (disposition de dérogation prévue à l’article 33 de la Loi constitutionnelle de 1982) était « malvenu et inapproprié ».
Il est à remarquer que nous ignorons tout de la position du premier ministre canadien concernant la politique salariale que le gouvernement Ford va imposer aux salariéEs syndiquéEs du soutien scolaire ontarien. Se pose donc ici toute une série de questions : qu’est-ce qui dérange tant Justin Trudeau en ce moment ? La fin abrupte des négociations ? L’imposition d’un décret comportant des augmentations salariales très largement en déca de l’inflation ? Ou, plus limitativement, le recours, par le gouvernement Ford, à la clause dérogatoire ?
Justin Trudeau aurait eu des échanges avec des leaders syndicaux au sujet d’une éventuelle contestation judiciaire du projet de loi 28. Quel soutien le gouvernement fédéral apportera-t-il à cette contestation devant les tribunaux ?
Quoi qu’il en soit, il s’agit, du côté du premier ministre Trudeau, d’une démarche très intéressée. Il veut connaître l’opinion des juges de la Cour suprême du Canada au sujet des conditions permettant et balisant davantage l’utilisation de la disposition déclaratoire. Pour ce qui est de la protection constitutionnelle des droits des travailleuses et des travailleurs et de leurs revendications syndicales, nous n’avons encore rien lu à ce sujet… Comment qualifier ce silence ? Là est la question comme dirait l’Autre.
Yvan Perrier
6 novembre 2022
4h30
yvan_perrier@hotmail.com
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1929960/greve-education-cupe-adoption-loi-speciale. Consulté le 6 novembre 2022.
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1929306/greve-travailleurs-soutien-education-ottawa-conseils-scolaires. Consulté le 6 novembre 2022.
Ajout
8 novembre 2022
8h30
La grève des employéEs de soutien du secteur scolaire en Ontario a été levée. Le syndicat a obtenu l’abrogation de la loi spéciale qui avait pour effet d’interdire le recours à la grève et qui décrétait les conditions de travail et de rémunération pour les quatre prochaines années. Il y aura un retour à la négociation en présence d’un médiateur.
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1930821/debrayage-ecoles-ontario-cupe-verdict-illegal. Consulté le 8 novembre 2022.
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