Édition du 16 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Nous appuyons Anne-Marie Roy. Nous avons passé par là

En tant que femmes qui avons déjà occupé des postes élus au sein de nos syndicats étudiants dans des collèges et universités, nous écrivons en toute solidarité avec Anne-Marie Roy, Présidente de la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO). Récemment, Anne-Marie a été la cible d’un échange violent à charactère sexuel entre plusieurs hommes qui occupaient des postes élus dans la communauté étudiante de l’Université d’Ottawa. Plusieurs d’entre eux ont d’abord menacé de poursuivre Anne-Marie si elle ne gardait pas le silence quant à leurs commentaires honteux.

Anne-Marie a courageusement choisi de ne pas laisser place à l’intimidation, de rendre les commentaires publics et d’en parler haut et fort. En tant que femmes qui avons occupé des postes semblables à celui d’Anne-Marie, et qui connaissons trop bien que le sexisme et la misogynie ne sont pas choses du passé, nous savons que nous devons en faire de même.
Les exemples de misogynie et de sexisme auxquels font face les femmes élues dans les syndicats étudiants n’est pas toujours aussi flagrant, mais restent tout de même très présent, peu importe la province, la ville ou le campus. En tant que femmes, nous avons étés critiquées, non seulement pour nos principes et décisions politiques, nos idées et nos actions, mais aissi pour notre image, nos corps, notre habillement ainsi que notre sexualité.
Nous avons dû lutter pour se faire entendre au sein de nos comités exécutifs, de nos conseils d’administration et dans les instances politiques décisionnelles de notre collège et de notre université. Souvent, nous avons étés rabaissées par ceux qui occupaient des postes d’autorité. Souvent, le fait d’exprimer notre opinion avec passion aura eu pour conséquence d’être traitée d’émotionnelle, d’irationnelle et de se faire dire de se calmer. Nos critiques ont souvent opté d’avoir recours à des injures sexistes.
Plusieurs d’entre nous avons été la cible de menaces qui ont été trop souvent sexuelles. Nos adversaires ont parfois eu recours à de l’intimidation physique. Nous nous sommes faites dire de nous taire et, tout comme Anne-Marie, nous avons reçu des lettres d’avocats lorsque nous avons brisé le silence. Tout cela peut souvent être vécu de fançon encore pire quand on y ajoute la discrimination basée sur la race, l’identité Autochtone, la religion, le statut de citoyenneté, la sexualité, l’identité de genre et les handicaps.
Ces conditions ne se limitent pas à la politique étudiante. Elles reflètent les expériences des femmes qui occupent des postes élus à tout niveau au Canada, ainsi que celles qui s’organisent dans leurs campus ou dans leurs communautés. Un contexte qui combine le sexisme et une culture de viol a pour effet de désengager une grande partie des femmes de la vie politique. En effet, il est plus facile se désengager de la vie politique que d’accepter d’être la cible de menaces haineuses et violentes.
La culture du viol est envahissante et n’a pas pour seule et unique cause les jeunes hommes, leurs hormones et l’alcool. Notre société est remplie d’exemples de culture de viol. Prenons par exemple la chanson de Robin Thicke « Blurred Lines », dont les paroles « I know you want it » – sont souvent proférées par les agresseurs (et chantées par plusieurs d’entre nous). Ou encore le fameux exemple où une femme est dite responsable de son propre viol en raison de son habillement ou de sa consommation d’alcool. La culture du viol se manifeste quand on dit aux femmes de ne pas sortir seules le soir, de prendre des cours d’auto-défense et de faire attention à ne pas être violée plutôt que d’apprendre aux hommes à ne pas violer. Le viol n’a rien à voir avec les relations sexuelles, et tout à voir avec le pouvoir et le contrôle : la culture du viol permet de maintenir le pouvoir et le contrôle sur les femmes. C’est particulièrement vrai pour les femmes qui osent défier la dominance des hommes au sein de notre société et de nos institutions politiques. Les cinq hommes à l’Université d’Ottawa s’étaient opposés à la ré-élection d’Anne-Marie et au lieu de critiquer sa plateforme et ses résultats (ce qu’ils auraient fait s’il s’agissait d’un candidat homme), ils ont eu recours à des menaces de violence sexuelle dans le but de la mettre à sa place.
Chacun de nous devons examiner la façon dont nous réagissons face à ce genre d’incident, ceux qui sont lourdement publicisés et ceux qui ne le sont pas, et reconnaître comment nos réactions peuvent renforcer cette culture toxique. Nous devons changer nos comportements et nous engager à changer les systèmes qui perpétuent cette culture.

Nous appuyons Anne-Marie et toutes les femmes qui sont élues présentement ou qui seront candidates pour un poste au sein de leur syndicat étudiant. Le fait de s’engager et d’être élue dans une culture si misogyne et sexiste est un acte de résistance en soi et fait preuve de grande résilience. Nous appuyons ton geste de force et de dénonciation, et nous soutenons ta lutte contre ces formes d’oppression et contre la culture du viol. C’est par l’entremise de gestes comme le tient que nous pouvons combattre ces expressions de misogynie et que nous pouvons rendre la politique, et notre société, un endroit moins menaçant et dégradant pour les femmes. 

En toutes solidarité,

Des femmes ayant occupé des postes élus à l’exécutif de syndicats étudiants d’universités et de collèges canadiens.

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