Édition du 22 avril 2025

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Violence faite aux femmes

PL 91 : des amendements demandés en urgence pour protéger les femmes violentées et leurs enfants

MONTRÉAL, le 6 avril 2025 - Quatre organisations œuvrant auprès des femmes violentées et des familles unissent leur voix pour demander une volte-face sur un aspect du projet de loi 91 - Loi instaurant le Tribunal unifié de la famille, qui s’apprête à être adopté.

S’il peut sembler prometteur sur papier, ce projet de loi met en danger les femmes et les enfants victimes de violences. Les groupes réclament des amendements pour instaurer des garde-fous essentiels à leur protection :

 Le retrait du caractère obligatoire de la médiation familiale

 Un dépistage systématique de la violence conjugale par des médiateur.ices formé.es

Malgré les précautions prises par le ministre de la Justice, Monsieur Jolin-Barrette, l’exemption prévue pour les victimes de violence conjugale ne permettra pas de leur garantir un parcours judiciaire sécuritaire, et ne sera pas suffisante pour les tenir éloignées d’un processus dangereux pour elles.

La médiation ne peut pas être obligatoire

Il est largement admis que la médiation doit être volontaire et nécessite une capacité des deux parties de faire valoir leurs droits et leurs besoins. Or les femmes qui ont subi la violence sont déjà en déficit de pouvoir au moment où elles s’engagent dans les procédures en droit de la famille. Il est reconnu depuis longtemps que la médiation est synonyme de danger dans un tel contexte. La rendre obligatoire, même avec une exemption, aura pour effet de pousser des victimes de violence vers la médiation pour diverses raisons : peur des représailles de leur ex-conjoint, manque de moyens financiers, impossibilité d’avoir accès à un.e avocat.e, volonté d’en finir rapidement avec les pressions de l’ex-conjoint, incitation par les professionnel.le.s, etc. Par ailleurs, demander l’exemption (donc dévoiler la violence) les expose à des risques pour leur sécurité au moment où l’ex-conjoint comprendra qu’elles ont invoqué ce motif.

Des conséquences dramatiques

En médiation, certaines femmes victimes de violence conjugale en viennent à renoncer à plusieurs de leurs droits en « échange » d’obtenir la garde exclusive de leurs enfants, dans le but de les protéger. D’autres subissent l’intimidation de leur ex-conjoint durant le processus de médiation, sans que le médiateur ne décèle la dynamique de violence. Certaines femmes ont été manipulées durant des années par leur conjoint, et le croiront s’il leur dit qu’elles n’ont aucun droit, que personne ne les croira, et que la médiation est la seule option possible.

Un dépistage systématique de la violence et du contrôle est essentiel

Trop de femmes violentées ne se reconnaissent pas comme telles ou n’osent pas en parler dans les premières étapes d’un processus judiciaire. C’est pourquoi il est crucial qu’un dépistage du contrôle coercitif soit systématique et réalisé par des acteurs formés, dès l’entrée dans le système de justice familiale. Ce dépistage doit obligatoirement s’accompagner d’une référence vers des ressources spécialisées, comme les maisons d’aide et d’hébergement. C’est le seul moyen de briser l’isolement, de mettre en sécurité les femmes et leurs enfants, et de les accompagner dans des décisions éclairées.

Une réforme de la justice familiale ne peut pas se faire sur le dos des femmes

Nous saluons la volonté du gouvernement d’améliorer le système judiciaire, mais son premier impératif doit être la recherche d’équité et de sécurité pour les femmes et pour leurs enfants. Une réforme qui prétend vouloir aider les familles ne peut pas ignorer les réalités des victimes.

Citations

« Rendre la médiation obligatoire, c’est nier la réalité des femmes qui fuient un ex-partenaire violent. Ce n’est pas seulement inadapté, c’est dangereux », affirme Manon Monastesse, directrice générale de Fédération des maisons d’hébergement pour femmes.

« Le ministre Jolin-Barrette a fait preuve de courage dans les dernières années pour mener un changement de culture dans le système judiciaire ; or les mesures positives permettant de mieux accompagner et protéger les victimes pourraient s’avérer inopérantes si ces mêmes victimes se retrouvent seules en médiation, sans personne pour assurer la défense de leurs droits. » déclare Louise Riendeau, coresponsable des dossiers politiques au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.

« Bien que nous soyons relativement satisfaites de la création d’un Tribunal unifié de la famille, nous appuyons sans réserve nos alliées qui travaillent auprès des femmes victimes de violence conjugale pour réclamer que la médiation familiale ne soit pas obligatoire. » soutient Marie-Pier Riendeau, directrice générale par intérim de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec.

« Il y a des histoires de concessions financières et de violence conjugale postséparation qui perdurent derrière le taux de réussite mis de l’avant pour justifier la mise en place de l’obligation de la médiation. Le gouvernement s’est engagé à protéger les femmes et les enfants victimes de violence conjugale et il doit le faire aussi à travers la mise en place du Tribunal unifié de la famille. » déclare Sabrina Lemeltier, administratrice de l’Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale postséparation.

Organisations signataires

 Fédération des maisons d’hébergement pour femmes

 Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale

 Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale

 Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec

Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale

Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale regroupe 44 maisons d’aide et d’hébergement réparties sur le territoire québécois. Cet organisme a pour but de sensibiliser à la problématique de la violence conjugale, de défendre les droits des femmes et des enfants violentés, de représenter leurs membres auprès des instances publiques et gouvernementales.

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