Nous avons appris que le Consulat de la République Populaire de Chine a dénoué les cordons de la bourse afin d’amener le maximum de supporters. Les associations sportives et culturelles chinoises ont été mises à contribution afin de remplir les autobus. Des gens sont venus d’aussi loin que Sacramento (200 km) et Los Angeles (600 km) afin de permettre aux autorités chinoises de faire une belle photo et de proclamer à la face du monde l’accueil enthousiaste qu’a reçu la flamme à San Francisco.
Pire encore, certains groupes de Chinois pro-Pékin se sont comportés en voyous. Dès qu’un journaliste s’approchait d’un opposant au régime chinois, c’était la stratégie de l’encerclement où la foule criait "menteur, menteur". Clairement, le but était de faire taire toute opposition, en minimiser la visibilité et la faire disparaître de l’espace médiatique. Des collègues à moi étaient sur le trottoir tentant d’obtenir plus d’information d’une femme qui voulait attirer l’attention sur les exactions de la marine chinoise contre les pêcheurs du Vietnam. En moins de 30 secondes, un groupe munis de porte-voix s’est approché et a entouré notre équipe. J’ai cru un instant qu’ils allaient s’en prendre physiquement à notre journaliste et son équipe. L’intimidation était évidente, le but très clair.
Un journaliste du San Francisco Chronicle (le grand quotidien local) a écrit que le gouvernement chinois a voulu submerger la ville avec ses supporters. "Pour cela", écrit-t-il, "je souhaite au gouvernement chinois — et à n’importe qui en cette matière — bonne chance. Après tout, nous sommes ici à San Francisco". Ce commentaire résume assez bien la journée. Les tactiques fascisantes orchestrés par le Consulat de Chine n’ont pas réussi à faire taire les critiques. Pour les oppositions (Tibet, Birmanie, Darfour, Vietnam, Reporter sans frontière), le message a, encore une fois, pu attirer l’attention de la planète entière. Les opposants ont su démontrer une extrême discipline face aux brimades, injures et intimidations chinoises. Le défilé s’est déroulé loin des caméras et de la foule privant les chinois d’un outil de propagande, il n’y a eu aucun accrochage entre la police et les manifestants (3 arrestations au total) et finalement, les gens ont pu faire entendre leur voix : pro-chinois comme opposition.