Édition du 3 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Laïcité

Québec solidaire, un parti féministe et inclusif

Présentation d’Ève Torres à l’AG de QS St-Henri-Ste-Anne le 21 mars dernier

Je ne ferai pas une présentation formelle, ce qui est important pour moi c’est de répondre aux discussions et j’aurais aimé savoir où vous en êtes dans vos réflexions. Avant de parler de l’option B que plusieurs d’entre nous soutiennent, ça fait 20 ans que je suis au Québec maintenant, avant j’étais en France, je n’ai pas connu les années sombres mais des amiEs le vive ou l’ont vécu avec tous les impacts que cela a dans la société française. Mais pour rester au Québec, je veux commencer en répondant à quelques points de Rabah.

Il y a quelque chose qui me dérange quand on dit que forcément avec l’option A on vient répondre à l’inquiétude d’une partie de la population. Il n’y a jamais eu de faits avérés du gouvernement, non plus d’études quelconques de quelque nature que ce soit qui ont avancé des problématiques particulières concernent des personnes portant des signes religieux, particulièrement dans les fonctions qu’on vise actuellement et le fait étant qu’il n’y ait pas ou peu de personnes dans ces fonctions n’est en rien un argument. Le rapport BT a quand même bien mis de l’avant le fait qu’il n’y ait jamais eu de crise des accommodements et ce ne sont pas les seuls.

La commission des droits de la personne et de la jeunesse, lorsqu’il a été question de parler de ça, les demandes d’accommodements religieux étaient extrêmement minimes, on parle de à peine de 1 %. Ce sont surtout des personnes en situation de handicap qui en ont besoin parce que la société n’a pas encore pensé à eux à 100% malheureusement. Donc répondre aux inquiétudes d’une partie de la population c’est un argument qui est difficile à accepter.

Nous sommes Québec solidaire, nous sommes un parti politique, un parti féministe, un parti pour l’inclusion. Nous sommes un des seuls courant de gauche qui veut rester dans cet état d’esprit. Dans le débat qu’on amène aujourd’hui on avance l’idée qu’on est prêtEs à sacrifier une partie de la population, même si c’est restrictif et que soit disant ca ne touche pas beaucoup des monde. CertainEs ont mis de l’avant que si on accepte ça on pourra négocier avec la CAQ le sort des enseignantEs. Mais de quoi parle-t-on ? La vie des gens n’est pas une partie de Pocker ! Nous le savons pertinemment, la CAQ est là pour aller de l’avant, elle est prête à utiliser la clause dérogatoire, à modifier l’application de la charte des droits et libertés. Je suis même convaincue qu’elle est prête à aller plus loin et qu’on est loin de clore le débat.

Pourquoi choisir l’option B ? Parce que moi ce qui me choque c’est qu’on ne pense pas en termes de faire du bien à ces personnes qui en ont besoin mais à faire des gains électoraux. On est prêt à sacrifier du monde pour ne pas déplaire à quelques-unEs. C’est en quelque sorte l’âme de parti qui est en jeux. Nous sommes un parti féministe qui accepterait de discriminer une partie des femmes, de les priver peut-être d’un accès à l’emploi et peut-être d’un revenu même si on ne parle que de certains corps de métiers, de brimer à la base le rêve de notre jeunesse. Parce que là on peut parler de personnes qui rêvent d’être policières, d’être juge. Vous savez que pour le Barreau du Québec, ses positions sont très claires, il y a beaucoup de femmes qui portent le foulard et qui sont avocates actuellement qui aspirent peut-être à être juge également et elles le seront puisque le pouvoir judiciaire à son autonomie. Donc comme parti féministe et moi-même comme féministe ça m’atteint dans ces valeurs féministes là aussi. C’est quelque chose d’inconcevable. Je ne peux pas dire je suis féministe mais juste un petit peu. Beaucoup de changements dans le monde sont arrivés avec les luttes des femmes et ces luttes étaient radicales. C’est un retour à cette radicalité qu’il nous faut aujourd’hui. Et quand je dis radicalité, je veux parler de revenir à nos racines. À lutter sans compromis contre les injustices, pour protéger les plus vulnérables. Par ailleurs, je tiens à exprimer ma solidarité avec les femmes qui vivent de l’oppression à cause de l’utilisation faite par les hommes du religieux. Parce que oui ça existe, mais il faut recentrer le débat ici et tenir compte de l’agentivité de nos concitoyennes. Je comprends tout à fait que d’autres personnes puissent avoir vécu des choses plus lourdes dans leurs pays, subi des traumatismes, pas juste personnels mais aussi politiques. Tout ça c’est quelque-chose que beaucoup comprennent et dont on peut tenir compte. Mais ceci dit nous sommes au Québec, les luttes féministes ne se sont pas faites à moitié, elles se sont faites de manière forte et il reste encore du travail à faire pour l égalité des droits, des chances... Donc cela relève d’une incohérence majeure avec l’adn de notre programme et de nos perspectives intersectionnelles.

D’autre part, nous somme aussi le parti de l’inclusion et nous inscrivons dans notre programme cette volonté de mettre sur pied une commission contre le racisme systémique parce que nous avons cette conscience-là qu’il y a des discriminations dans notre système et que c’est plus difficile pour disons Mohamed d’avoir un accès égal à un emploi que pour un François. Et on l’a vu et Rabah l’a mentionné, à chaque fois qu’on a ramené ces enjeux de société, on a vu les répercussions sur les populations visées, l’augmentation des actes haineux, le clivage social…

Bref, un autre élément l’apparence de neutralité. Cela ne tient pas non plus la route, on le voit notamment avec le profilage racial dans les quartiers comme MTL Nord sur les personnes noires. Les policiers blancs s’en prennent aux personnes noires, ils n’ont aucun signe distinctif et sont tous majoritairement blancs. Tout ceci est documenté et le gouvernement n’en parle jamais. Des mesures urgentes ne sont-elles pas à prendre ici ? La commission des droits de la personne a ces chiffres-là. L’autre idée est d’avoir droit d’être jugé par ses pairs. Il y a très peu de juges noirs ou provenant de communautés religieuses dans nos tribunaux. Est-ce qu’on dit qu’un juge noir qui jugerait la cause d’un suprémaciste blanc ne sera pas capable d’exercer sa fonction objectivement ? Est-ce qu’une femme juge qui juge un cas de viol est neutre en apparence ? Le jeune noir qui est jugé par un juge et jury blanc est-il jugé objectivement ? Autant d’éléments sur l’apparence de neutralité qui font que ça ne peut être un argument recevable.

Et puis on arrive enfin à ce qu’on pourrait appeler un faux débat autour de la laïcité. Au Québec ça fait longtemps qu’elle est en route, l’Église et l’État sont séparés et on doit même aller plus loin mais les tenants du A n’agissent jamais cette angle Et ça ne semble aussi aucunement être là volonté du Gouvernement Legault. Il nous faut cesser le financement des écoles confessionnelles par exemple (bien qu’on se rappellera que les juifs ont du créer leurs propres écoles parce que les écoles catholiques n’en voulait pas – juste des petits rappels pour recontextualiser ou encore ne plus exempter de taxes les groupes religieux… Pourquoi parle t-on alors que de signes religieux sur les individus si la volonté est une laïcité pour revivifier le vivre ensemble ?

Parlons du crucifix, savez-vous qu’il y a beaucoup de gens des communautés musulmanes et juives qui disent « n’enlevez pas le crucifix, on va dire que c’est à cause de nous ». Et ils ont raison d’avoir peur ! Il suffit d’écouter toutes les lignes ouvertes sur les radios , et les gens disent bien : « ils ne veulent pas voir nos signes alors nous on ne veut pas voir les leurs ». Il n’y a pas d’accompagnement pédagogique, on laisse aller ces incompréhensions-là, alors que ces petits projets de loi électoralistes auront Et ont déjà un impact majeur sur la vie des gens. Et c’est ça qu’on ne veut pas comprendre. J’ai entendu aussi dans nos AG « on s’en fout A ou B ça me touche pas vraiment », mais nous on s’en fout pas, parce que ça concerne des gens. Et parce que je suis à QS ça me concerne et peu importe, tout ce qui nous arrive en tant que société ça me concerne, ça nous concerne ! C’est comme ça que je vis notre parti, c’est comme ça que je pense ma société. On n’est « solidaire » non ?!

En tant que 2e opposition officielle et bien justement nous avons maintenant la possibilité d’avoir une position forte qui pourrait faire la différence. On a joué depuis plus de 10 ans sur la peur des gens. On doit réaffirmer ce que nous entendons par laïcité et ne pas tomber dans le piège et l’instrumentalisation de la femme musulmane qui porte le foulard. Et ce n’est pas juste ici au Québec. Nous devons rapprocher et rassurer, moi je fais ça depuis plus de 17 ans ! On est des tas de québécoisEs de toutes origines ou confessions à travailler sur ce fameux vivre ensemble parce que nous aimons le Québec et parce que nous voulons la justice et l’équité pour touTEs.

Une chose est sûre, ce n’est pas en sacrifiant une partie de la population, et en restreignant des droits et libertés qu’on va être capables de rassurer la population. Ce qu’il nous faut aujourd’hui c’est un parti qui, sans compromis, sera le garant de la justice sociale pour touTEs les québécoisEs et peut être qu’alors nous serons un jour capable de parler de l’avenir de notre pays…

Eve Torres

Diplômée en droit et sciences sociales, Eve Torres est une citoyenne engagée depuis plus de 15 au sein de la société Québécoise.
Militante féministe et antiraciste, elle œuvre de son mieux pour la justice sociale. Par sa participation active sur le terrain auprès des centres de femmes, des personnes âgées, des itinérants et des jeunes, elle puise sa motivation quotidienne.
Aussi, c’est comme coordonnatrice de l’organisme LaVOIEdesFemmes depuis 4 ans, qu’elle ancre sa volonté de porter la voix des femmes issues des minorités et de travailler toujours plus fort à bâtir des ponts pour construire le Québec de demain et s’inscrire dans son Histoire.

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