Édition du 5 novembre 2024

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Arts culture et société

Shabjdeed et Al-Nather, les sultans du rap palestinien

Figures influentes de la scène palestinienne, le rappeur Shabjdeed et le producteur Al-Nather ont sorti leur second album, “Sultan”, le 29 février. Leur œuvre au son unique reflète la réalité d’une jeunesse cisjordanienne étouffée, mais résiliente, sous l’occupation israélienne. Le site panarabe “The New Arab” retrace aussi l’histoire de BLTNM, le collectif auquel ils appartiennent.

Tiré de Courrier international. Légende de la photo : Le rappeur palestinien Shabjdeed (au centre) et son producteur Al-Nather (à droite) dans un extrait du clip de leur chanson "NKD GLG", sortie en 2019. Capture d’écran YouTube / @BLTNM

Shabjdeed et Al-Nather, figures majeures de la scène alternative palestinienne, sont de retour avec Sultan. Ce second disque du tandem, sorti le 29 février, reflète les réalités de la jeunesse de Cisjordanie, alors que l’occupation israélienne se durcit. Dithyrambique, la critique palestinienne Salma Moussa salue, dans le site panarabe The New Arab, “le courage de Shabjdeed pour cette exploration sensible, honnête, lucide, responsable et élégante en territoire dangereux”. Elle retrace aussi retrace la genèse du duo et leur implication dans le collectif BLTNM.

Ce nouvel album était très attendu depuis la sortie du premier morceau, Nasheed (“Hymne”, en arabe), en décembre 2023. “Sortie en toute discrétion et sans référence directe à cette période si tendue et particulière”, avec les massacres commis à Gaza, la chanson mêle mélancolie, résilience et espoir.

“Rien d’extraordinaire, là encore, le quotidien des Palestiniens est ainsi, les mots comme ‘guerre’ en font simplement partie, de la même manière qu’on les retrouve dans le répertoire du musicien depuis le début de sa carrière”, car la “guerre est une constante de la vie des Palestiniens”.

“Un jeune homme ordinaire”

Shabjdeed a émergé sur le devant de la scène musicale à Ramallah, en 2018, tandis qu’Al-Nather se faisait connaître comme le producteur le plus en vue de la scène alternative en Cisjordanie. Ils se sont retrouvés alliés au sein du collectif BLTNM, alors à l’affiche du premier Boiler Room palestinien − nouvelle déclinaison de ces soirées clubbing organisées à travers le monde et devenues une véritable institution.

L’une des raisons du succès du rappeur, c’est qu’il “parle d’une expérience plus largement partagée, du quotidien des habitants de Cisjordanie, de leur vie, de leurs clivages, et plus précisément du point de vue d’un jeune homme ordinaire”, analyse Salma Moussa.

Comme beaucoup de jeunes Palestiniens, la musique de Shabjdeed a accompagné les virées nocturnes, en voiture, de la journaliste à travers Ramallah, terrifiée par la peur d’être interpellée. “C’est ce qu’on appelle la paranoïa naturelle de Ramallah, c’est quelque chose qui vous vient naturellement quand vous vivez – ou essayez de vivre – dans ce qui est de facto votre pays. Aussi traumatique soit-elle, pour une Cisjordanienne comme moi, cette paranoïa est un sentiment tangible et familier, presque réconfortant, c’est quelque chose que tout le monde comprend” avec cette musique.

Des marginaux

En 2021, une chanson en particulier a trouvé un large écho auprès de la jeunesse palestinienne et arabe, rappelle la journaliste : Inn Ann, un duo entre Shabjdeed et le rappeur Daboor, accompagnés d’Al-Nather. Ils louaient le courage des jeunes de Jérusalem et faisaient référence à Cheikh Jarrah, quartier de Jérusalem-Est occupé et annexé par Israël, où des colons israéliens attaquaient les maisons de Palestiniens et où des expulsions et démolitions des demeures palestiniennes étaient ordonnées.

Des collaborations de Shabjdeed et Al-Nather se dégagent beaucoup de solidarité, de courage et de mélancolie. “Tissée par les liens forts qui unissent ses artistes, la scène hip-hop a résisté à l’épreuve du temps et reste bien vivante dans les Territoires occupés”, selon Salma Moussa. À l’image du parcours de BLTNM, miroir d’une certaine résilience d’une jeunesse marginalisée.

“On qualifie [cette musique] d’‘underground’, pour désigner ce sentiment d’invisibilité qui vous vient quand vous êtes un étranger parmi les étrangers, le marginal des marginaux, et pour parler de ce rejet absolu du monde et de ce qui vient avec.” D’où cette envie de protéger jalousement cette “vraie bonne musique”.

Courrier international

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