À Québec, personne, dans le grand public, ne connaissait Régis Labeaume et, il y a à peine 15 jours, tout le monde ou presque aurait parié sur sa plus proche rivale, Anne Bourget, que les premiers sondages de la campagne situaient largement en tête (30% contre 5%).
Une campagne réaliste et atone
Cette dernière s’était fait connaître, à la tête du RMQ, pour son opposition ferme et tranquille aux menées droitières et populistes de la mairesse Boucher. Et elle s’était présentée jusqu’à tout récemment comme l’héritière du respecté ex-maire L’allier. Sans parler du fait que beaucoup la pensaient sensible aux aspirations et revendications des divers comités de citoyenNEs ou groupes populaires du centre-ville. Mais voilà qu’en à peine une dizaine de jours, les sondages de fin de campagne indiquaient un net renversement de tendance en sa défaveur. Comme si ses propositions de campagne, sages et réalistes, presque atones ne suffisaient plus à maintenir l’avantage que son expérience passée lui avait donné. Et comme si ses tentatives de se rapprocher de milieux comme l’ADQ avaient anesthésié son message même.
Candidature marquée à droite
De quoi permettre à Régis Labeaume, un homme d’affaires audacieux, de rallier autour de lui les mécontents de tous bords et —fort de l’appui du mari de l’ex-mairesse— de l’emporter largement (60% contre 31%). En s’imposant —au-delà de quelques idées de projets de développement originaux— comme une candidature marquée à droite !
La leçon à retenir est ici bien simple : quand soufflent les vents de droite et si l’on veut profiter de cette aura de gauche que vous ont léguée certaines de vos prises de position passées, on ne gagne pas grand-chose à diluer son message et à jouer soudainement à être respectable. Il faut au contraire oser montrer ses cartes, aller de l’avant et se présenter comme ce véritable agent de changement.
Défaite référendaire pour la première fois !
On pourra m’objecter que c’est précisément ce que Hugo Chavez a essayé de faire au Venezuela, et que cela ne lui a pas réussi, puisqu’il vient de perdre —et cela pour la première fois depuis son élection en 1998— un vote référendaire portant sur la réforme de la constitution de 1999. Eh bien sûr à la grande joie de la droite qui n’a pas manqué dans la nuit qui a suivi l’annonce des résultats, de fêter tapageusement et de voir en cette défaite le début de la fin d’un président apparemment bien gênant, prémisses d’une victoire future pour ses propositions anti-populaires !
Sauf que les choses ne sont pas si simples, ne serait-ce que parce que Chavez —et contrairement à ce que prétendait l’opposition de droite— a tout de suite reconnu sa défaite électorale. Sans oublier le fait qu’il n’en restera pas moins au pouvoir, comme le veut son mandat de président, jusqu’en 2013. Ce qui lui laisse encore de larges marges de manoeuvre.
Une nouvelle chance à saisir !
Et si indéniablement ce premier référendum perdu risque de freiner le processus qu’il avait enclenché vers ce qu’il appelait "le socialisme du 21ième" siècle, peut-être l’aidera-t-il par contre —au-delà des coups bas que ne manqueront pas de lui prodiguer ses ennemis de droite— à rectifier le tir et à élaborer des stratégies plus inclusives, plus pédagogiques, plus démocratiques encore, lui permettant de rallier au projet de transformation sociale de la révolution bolivarienne une bonne partie de ces 44% de la population vénézuélienne (dont bien évidemment d’importants secteurs populaires) qui n’ont pas jugé bon d’aller voter hier...
N’y-a-t-il pas là une belle occasion de montrer que la gauche peut, elle aussi, apprendre de ses erreurs.. et transformer ainsi une défaite conjoncturelle en une victoire plus significative encore ?