Édition du 26 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

Visa le pouvoir, tua le pays

Après la défaite du référendum de 1995, Jacques Parizeau allait dans son discours faire porter la responsabilité de la défaite indépendantiste sur « L’argent, puis des votes ethniques ». En six mots, il avait réussi à aliéner à la cause de l’indépendance une bonne partie des québécois issus de l’immigration.

Par Sébastien Robert, Syndicaliste, conseiller municipal et ex-candidat de Québec solidaire

Dans les années qui ont suivi, l’austérité péquiste menée par Lucien Bouchard a mené à l’aliénation au PQ des Québécois progressistes, issus des classes populaires et des jeunes. Avec beaucoup d’autres de ma génération, c’est me faire gazer pendant une fin de semaine complète au Sommet des Amériques, sous le gouvernement de Bernard Landry, qui m’a convaincu que le PQ travaillait contre mes idées et moi.

J’ai néanmoins toujours été pour que le Québec devienne un pays. Avec d’autres, j’ai participé à fonder l’UFP, puis Québec solidaire. Dans les 25 dernières années, j’ai rencontré beaucoup de personnes qui étaient devenues énormément réticentes à l’indépendance parce que l’idée était associée au PQ, un parti qui les avait trahis ou maltraité énormément dans le passé.

Avec énormément d’effort, on a réussi à construire des ponts et rebâtir la confiance avec ces Québécois et on a réussi à leur montrer qu’ils avaient une place dans le mouvement indépendantiste. Certaines de ces personnes, comme Ruba Ghazal, Andres Fontecilla, Haroun Bouazzi et Alejandra Zaga-Mendez, sont maintenant députés indépendantistes à l’Assemblée nationale.

Cette semaine, après avoir vu le PQ mener la charge contre Haroun Bouazzi et Québec solidaire, beaucoup de ces personnes vont conclure qu’ils n’auraient pas leur place dans un pays du Québec. On peut difficilement leur reprocher quand c’est un message qui leur est régulièrement transmis par le PQ depuis bientôt 30 ans.

La stratégie de Paul St-Pierre-Plamondon est de devenir premier ministre du Québec en 2026 et d’appeler le Québec à un référendum sur l’indépendance en 2027 ou 2028. Cette semaine, je me suis surpris à me demander ce que j’allais faire si la stratégie du PQ se concrétisait. Est-ce que j’allais donner le mandat d’écrire la Constitution de mon pays à ceux qui disent que je suis un « woke antidémocratique » ?

J’ai encore le temps de réfléchir à la question et, dans ma situation, je crains peu pour ma sécurité et celle de ma famille dans un pays du PQ. Je ne peux pas en dire autant pour tous les québécois issus de l’immigration, qui vive de la précarité ou qui font partie de groupes régulièrement discriminés. Pour eux, c’est réellement inquiétant de donner les clés du pays à un parti qui les prend régulièrement comme boucs-émissaires et qui les présente comme des menaces à la nation québécoise. Vous pensez que le Oui obtiendra la majorité des votes si le pays du Québec qui en résulte fait peur à la majorité des Québécois ?

Blâmer les immigrants et les wokes pour tous les maux de la société, c’est le discours que Trump a utilisé pour prendre le pouvoir. En adoptant le même discours dans le but de prendre le pouvoir à la CAQ, le PQ est en train de tuer les chances que le Québec devienne un jour un pays. Paul St-Pierre-Plamondon et les péquistes n’auront qu’eux-mêmes à blâmer si les résultats d’un éventuel référendum en 2027-2028 sont similaires à ceux des référendums de 1980 ou 1995. Les personnes que le discours actuel du PQ aura poussé vers le fédéralisme n’auront alors que protégé leur sécurité et celle de leur famille. Peut-on vraiment les en blâmer ?

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