Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Catalogne

Aux urne, Catalans ! (1)

Ce 14 février 2021, les Catalans retournent aux urnes convoqués une fois de plus par la « justice » espagnole, et non pas par leur propre gouvernement élu, comme le voudraient l’usage… et la démocratie.

La dernière fois que les Catalans se sont rendus aux urnes, appelés par leurs représentants légitimes, ce fut pour le referendum du 1 octobre 2017. Et nous savons tous comment cela a fini. Par des coups de matraques des « forces de l’ordre » espagnoles, dont on garde les images d’une brutalité inouïe. Coups de matraques suivis par la destitution en bloc de tout un gouvernement démocratiquement élu.

Destitution qui a été suivie, à son tour, par la « judiciarisation » d’un conflit politique, abandonné aux mains d’un système judiciaire espagnol que l’Europe et certains états commencent à regarder d’un œil douteux (2).

La suite logique (logique pour l’état espagnol) a été l’emprisonnement de la moitié des membres de ce gouvernement (pour des peines cumulées dépassant les 100 ans). Et l’exil en Belgique, ou ailleurs, de l’autre moitié du gouvernement. Président et quatre ministres inclus.

À ces exilés il faut aussi ajouter des chanteurs, rappeurs et autres joueurs de fluteau faussement accusés de terrorisme (3). Et jusqu’à 2.800 civils poursuivis par la « justice ». Entre autres, tous les maires des villes ayant rendu public leur volonté de mener à bien le dit referendum.

Oui, vous avez bien lu : des gens accusés de « terrorisme » ont été libérés plus d’un an après car le tribunal a trouvé un dossier policier complètement vide… jugez vous-mêmes !

Petite chronologie d’une honte qui dépasse les frontières internes d’un état membre de l’Union Européenne :

Le 1 octobre 2017 a eu lieu le referendum pour l’autodétermination de la Catalogne. Résultat : plus de 89 % favorables à l’indépendance de la Catalogne. Autre résultat : prés d’un millier de plaintes déposées par coups et blessures, abus et usage disproportionné de la force de la part de la police espagnole et de la Guardia Civil (images à revoir et à vomir dans toutes nos mémoires) (4).

Pour ces faits, au lieu de punir les policiers, l’état espagnol les décore de médailles et honneurs.

Et le 21 octobre 2017 le gouvernement espagnol opère la destitution illégale de tout le gouvernement catalan, en appliquant de façon clairement abusive l’article 155 de la Constitution.

Le 21 décembre 2017, le président espagnol convoque de nouvelles élections au parlement catalan (or les élections régionales, par loi, par le statut d’autonomie de la Catalogne et par les compétences octroyés à toutes les régions autonomes de l’Espagne, sont en principe convoquées par les gouvernements régionaux autonomes).

Une fois de plus, c’est une interprétation abusive de la « loi » par l’état espagnol. Résultat : énième victoire des forces indépendantistes.
Pour la deuxième fois consécutive, le parlement catalan présente une majorité absolue indépendantiste.

Pendant les mois qui suivent les élections, on va observer plusieurs tentatives d’investiture d’un président au Gouvernement Catalan. Investitures qui seront toutes empêchées par diverses manœuvres judiciaires espagnoles.

Le 27 janvier 2018, une résolution du Tribunal Constitucional espagnol exige que le candidat à l’investiture « doit être physiquement présent à la séance du Parlement ». Négligeant le fait que dans d’autres parlements espagnols, des séances d’investiture avaient déjà eu lieu en absence des candidats pour des raisons de voyages ou de santé. Une résolution prise à la hâte pour empêcher la réinvestiture du Président illégalement destitué Carles Puigdemont.

Pour rappel, le Président se trouvait à ce moment en Allemagne, en attente d’extradition lancé par un juge espagnol. Extradition qui n’aura jamais lieu, les tribunaux allemands estimant que les faits n’étaient pas fondés.

Une autre investiture, celle de Jordi Sanchez, ancien leader de l’ANC (mouvement civil catalan pour l’indépendance), sera également empêchée pour cette même résolution, car le Tribunal Supremo refuse sa sortie de prison qui lui permettrait d’assister à la cérémonie. Permission refusée malgré la résolution du Comité des Droits Humains des Nations Unies, qui demande explicitement à l’Espagne de garantir ses droits politiques. Rappelons que Sanchez se trouve encore aujourd’hui en prison, pour avoir participé à des manifestations pacifiques en faveur de l’indépendance de la Catalogne.

Finalement, le 14 mai 2018, le parlement catalan peut investir Joaquim Torra 131ème Président du Gouvernement Catalan. Mais il ne pourra terminer son mandat, car le 3 janvier 2020, la Junta Electoral espagnole décide de lui retirer l’accréditation comme Député. Ce qui équivaut à une destitution, car le président doit être membre du parlement.

Et en même temps, il est condamné à 18 mois de suspension de toute fonction politique, pour avoir refusé de retirer un calicot du balcon du palais de la Generalitat. Calicot qui disait : « Liberté pour les Prisonniers Politiques ». Aussi, le 28 septembre 2020, après épuisement de toutes les voies de recours légales, le Président élu Quim Torra est également destitué par les tribunaux espagnols.

Le gouvernement catalan convoque immédiatement des élections pour le 14 février 2021. Mais le15 janvier, ce même gouvernement décide de les suspendre jusqu’au 30 mai, pour faire face à la situation sanitaire provoquée par le Covid.

Et, à nouveau, les tribunaux décident de prendre les choses en main. Cette fois, c’est le Tribunal Superior de Justicia de Catalunya, qui annule le décret de suspension des élections. La Junta Electoral ne se prononce pas et laisse l’affaire aux mains du tribunal.

Après quelques jours d’incertitude, le 29 janvier, le tribunal tranche définitivement : les élections du Parlement Catalan auront lieu le 14 février, et non le 30 mai. Par ordre judiciaire ! Et contre tous les avis des autorités sanitaires compétentes et du gouvernement catalan à l’unanimité.

Il parait que les sondages annoncent la victoire du candidat proposé par le président espagnol. Mais ceci n’a peut-être rien à voir avec cela, car depuis quand un gouvernement espagnol se mêle-t-il des résultats des élections catalanes (ironie) ?!
La suite se jouera dans les deux semaines à venir. Et juste après, lorsque les tribunaux devront à nouveau décider qui peut accéder à l’investiture.

En attendant, le peuple catalan a, pour la troisième fois en trois ans, la possibilité de prendre en main son destin et d’affirmer sa volonté d’indépendance.
Combien de fois devra-t-il encore le faire pour que le monde, l’Europe et les états qui la composent comprennent la volonté exprimée par le referendum du 1 octobre 2017 ?

Combien d’autres manœuvres l’état espagnol pourra-t-il encore déployer avant qu’on ne lui dise « basta ! » ?

Combien de temps les institutions européennes pourront-elles ignorer les résolutions des Commissions des Droits Humains des Nations Unies ou d’ONG comme Amnesty International ?

Combien de temps pourrons-nous regretter les dérives autoritaires en Hongrie et en Pologne sans jamais nommer celles perpétrées en Espagne ?
D’ici là, aux urnes, Catalans !!

Ivan Fox, membre du bureau de coordination de la CUP Exterior en Belgique
CUP, Candidatura d’Unitat Popular

(1) C’est le cri de Jordi Cuixart, président d’Omnium Cultural, à sa sortie de prison vendredi passé
(2) https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/27/l-union-europeenne-voudra-t-elle-se-regarder-dans-le-miroir-de-l-etat-de-droit-que-lui-tend-la-catalogne_6067738_3232.html (
3) La Catalogne, entre prison et retour d’exil
(4) https://es.kiosko.net/fr/2017-10-02/np/liberation.html

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