Ce que nous apprend cette catastrophe de Lac-Mégantic
La déréglementation du transport du pétrole et des matières dangereuses par le gouvernement d’Ottawa a permis que l’on joue à la roulette russe avec la vie du monde. Ces événements sont la conséquence d’une série de décisions qui les ont finalement rendues possibles. Par leur ampleur, ces événements sont exceptionnels et tragiques, mais rappelons que 25% des accidents déclarés en 2012 étaient des fuites et déversements d’hydrocarbures.
C’est la privatisation et la déréglementation du gouvernement fédéral qui ont permis que des entreprises utilisent des voies ferrées mal entretenues, des locomotives qui prennent feu et des wagons-citernes de piètre qualité pour transporter du pétrole et d’autres matières dangereuses. La déréglementation a permis que des entreprises puissent laisser se dégrader des infrastructures ferroviaires au nom de la recherche de profits immédiats. Non seulement elles ont mis en danger les populations sur le chemin des trains, mais elles ont profité de la déréglementation en maltraitant leur personnel. Ces entreprises ont diminué le personnel nécessaire au minimum. Elles ont détérioré les conditions de travail de leurs employés.es en augmentant les heures de travail et en faisant reposer une charge de travail de plus en plus lourde sur le dos de leurs employéEs.
Ce type de gestion surexploiteuse a produit ce qu’elle devait produire. Ces entreprises ont connu plusieurs accidents (déversements) mais elles ont pu, étant donné le laxisme réglementaire existant, continuer d’opérer après de tels accidents.
Aujourd’hui, c’est la population et l’environnement qui payent le prix de ce laxisme alors que l’entreprise impliquée refuse de prendre le blâme.
Le gouvernement du Québec, les MRC et les villes ont accepté jusqu’ici de laisser au fédéral le contrôle total du transport ferroviaire, maritime et par oléoducs. L’acceptation de cette expropriation de nos droits et devoirs citoyens a eu, déjà un coût énorme, mais ce dernier pourrait être encore plus lourd à l’avenir.
Aujourd’hui, les élites économiques et politiques du Québec, du Canada et des États-Unis ne tiennent pas compte des avertissements de la communauté scientifique du caractère désastreux de la poursuite de l’exploitation des énergies fossiles. Elles ont, de fait, abandonné toute lutte véritable aux gaz à effet de serre. Elles se sont lancées dans l’exploitation d’énergies fossiles plus difficiles à exploiter, plus coûteuses et plus polluantes comme le gaz de schiste et le pétrole tiré des sables bitumineux. Aucun milieu, même fragile, ne trouve grâce à leurs yeux. Les pétrolières lorgnent vers l’Arctique. Au Québec, l’exploitation du pétrole de l’ïle d’Anticosti et dans le Golfe St-Laurent est désormais dans les plans du gouvernement péquiste. Ce dernier, au mépris, de toute volonté indépendantiste véritable, s’apprête à faire du Québec un lieu de transit de plus en plus utilisé pour amener de pétrole sale de l’Ouest canadien vers la côte est des États-Unis. C’est ce contexte qui explique que le transport du pétrole par train ait fait un saut qualitatif dans les dernières années.
Les entreprises pétrolières et gazières peuvent compter sur les gouvernements et les médias à leur service. Cherchant à profiter cyniquement des tragiques événements de Lac-Mégantic, les partis politiques néolibéraux et les médias de masse à leur service défendent le caractère sécuritaire des oléoducs et refusent de tirer des leçons de ces tragiques événements. Pourtant, "Enbridge, la compagnie canadienne qui veut acheminer l’huile de l’Alberta jusqu’à l’Atlantique en passant par le Québec, a une très mauvaise feuille de route : 804 déversements en l’espace de dix ans (1999-2010)" – Le devoir du 10 juillet 2013, p. A7, Francine Pelletier, L’été meurtrier).
Les élites économiques et leurs défenseurs politiques et médiatiques refusent de reconnaître que le véritable problème : les énergies fossiles elles-mêmes et l’extension de leur exploitation.
2. Une mobilisation citoyenne et populaire d’ensemble sera nécessaire pour bloquer les projets de l’oligarchie pétrolière et gazière
Dans ce contexte, mobiliser pour cette bataille est une tâche politique urgente. Les projets de l’oligarchie de ce secteur ne peuvent être bloqués que par la mobilisation la plus large et la plus décidée. Il faut le plus rapidement possible dénoncer les projets de mal-développement porteurs de risques environnementaux et de régression sociale dans les mois qui viennent. Les efforts des écologistes, des syndicalistes, de la jeunesse, des aînéEs, hommes et femmes, doivent s’agglutiner autour d’un programme d’urgence pour bloquer les plans actuels du patronat et des gouvernements à leur service.
Pour s’orienter vers un autre développement, le mouvement social et citoyen doit s’opposer au pouvoir des monopoles privés sur la production, le transport et la distribution des richesses naturelles : énergétiques, minières, forestières et agricoles... et au pouvoir du gouvernement fédéral sur un ensemble de champs de compétences, pouvoir qui constitue une négation de la souveraineté populaire du Québec. La contestation active de ce pouvoir fédéral est possible et fait partie des tâches urgentes de ce combat social, écologiste et politique.
Le mouvement social répondant aux enjeux de la conjoncture actuelle doit pouvoir s’articuler autour des axes de mobilisation suivants et définir un programme d’urgence auquel fait face le Québec... :
A. Assurer la sécurité des citoyens et des citoyennes sur leur environnement
La tragédie de Lac-Méganic a fait ressortir cette aspiration citoyenne d’avoir prise sur son environnement. Cela peut se traduire par des revendications et des actions concrètes :
– exigence d’un débat sur les règles de sécurité et remise en question la déréglementation actuelle
– dénonciation et poursuite les entreprises qui se comportent comme des bandits corporatifs
– interdiction du passage des trains transportant des matières dangereuses dans les zones habitées
– exigence du gouvernement du Québec (et des institutions régionales et municipales) de décentraliser vers le Québec et les institutions électives du Québec le contrôle actuellement aux mains des agences fédérales dans l’exploitation et les transports (ferroviaires, terrestres, aériens ou maritimes) dans une démarche de démocratie citoyenne véritable
B. Bloquer l’exploitation des énergies fossiles
Le Québec doit assurer le contrôle de ses ressources naturelles. Cela signifie d’abord, le droit pour le Québec, de ne pas exploiter le pétrole ou le gaz de schiste et à penser un développement intégré des ressources. Les revendications du Manifeste du 22 avril 2013 peuvent être reprises par la majorité de la population du Québec.
– engagement citoyen visant à forcer le gouvernement du Québec à s’opposer au passage en sol québécois de pipelines qui menaceraient notre eau et nos milieux naturels
– engagement citoyen visant à rejeter tout projet d’exploitation du pétrole dans le golfe St-Laurent, sur l’île d’Anticosti ou en Gaspésie
– prolongation pour une durée indéterminée du moratoire sur l’exploitation du gaz de schiste
C. Reprise en main par le secteur public du développement des énergies renouvelables
Le Québec doit entreprendre maintenant sa transition énergétique vers les énergies renouvelables sous le contrôle public et citoyen. Ce passage doit s’accompagner de politiques favorisant le passage aux transports publics électrifiés.
– Développement public des économies d’énergies et de différents types d’énergies renouvelables : (éolien, solaire, biomasse, marée motrice...)
D. Le Québec peut et doit assurer sa souveraineté alimentaire.
Cela implique
– le refus du contrôle des semenciers qui imposent des semences OGM ,
– le refus d’une agriculture industrielle agro-exportatrice menacée par la redéfinition de nouvelles règles de libre-échange imposées par les multinationales au commerce international.
– le rejet des accords de l’AÉCG qui menace l’agriculture du Québec et ses services publics
E. Rejet des politiques d’austérité
Le soutien au modèle extractiviste d’exploitation et d’exportation des richesses naturelles et des énergies fossiles se combine au culte du déficit zéro. Le culte du déficit zéro, en plus d’avoir des effets récessifs certains s’accompagne d’une offensive contre les dépenses sociales, mais il exclut toute réforme de la fiscalité dans le sens d’une redistribution de la richesse et de la possibilité de planification d’un autre développement. Contre l’austérité porteuse de récession, le mouvement social et citoyen défend :
– l’ annulation de la taxe santé
– l’abrogation immédiate des mesures Maltais contre les personnes assisté/es sociales
– le rejet des hausses des tarifs d’Hydro Québec
– le gel immédiat vers la gratuité scolaire
– l’ abandon de l’objectif du déficit zéro et audit sur la dette du Québec pour identifier ce qui relève des détournements et de la corruption
– le soutien aux propositions concernant la réforme de la fiscalité de la Coalition contre la tarification et la privatisation des services publics.
Voilà quelques propositions pour le développement d’un programme d’urgence nécessaire pour unifier l’action des différents mouvements sociaux et citoyens, action d’ensemble nécessaire pour bloquer le projet de régression écologique et sociale dans lequel l’oligarchie régnante veut nous entraîner...