Mme Ghazal : Merci. Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, pourquoi est-ce qu’on est ici aujourd’hui ? Pourquoi est-ce qu’on a passé toute la nuit ici à l’Assemblée nationale ? Pourquoi est-ce qu’on n’est pas dans nos familles, avec nos enfants, nos conjoints, nos conjointes ? Pourquoi est-ce qu’on n’est pas dans notre comté, avec nos citoyens et citoyennes ? On n’est pas ici malheureusement... on n’a pas passé toute la nuit ici pour trouver des solutions à la crise du logement, alors que les locataires font face à des augmentations de loyer historiques. On n’a pas passé la nuit, ici, à l’Assemblée nationale, pour régler la crise de l’itinérance, qui est devenue une véritable crise humanitaire. On n’a pas passé la nuit ici à travailler fort pour trouver des solutions pour mettre fin à la faim dans les écoles, alors qu’un enfant sur cinq, un enfant sur cinq arrive à l’école le ventre vide. Dans une société riche comme la nôtre, c’est inacceptable. Si on a passé la nuit ici, c’est encore moins pour aider les gens qui ont de la misère à avoir des soins dans notre système de santé public qui est amoché puis qui doivent se serrer la ceinture pour aller au privé. Mme la Présidente, malheureusement, on n’a pas passé toute la nuit ici à travailler à l’Assemblée nationale pour améliorer la vie des gens, pour prendre soin du monde, pour faire notre travail d’élu, celui pourquoi les gens nous ont élus. Non, Mme la Présidente, on est ici parce que la CAQ a décidé de se mettre à plat ventre devant une entreprise étrangère américaine. On a passé la nuit ici à l’Assemblée nationale parce que la CAQ a décidé de faire une loi sur mesure pour faciliter la vie à Stablex. C’est quoi Stablex ? C’est une entreprise américaine qui enfouit des déchets dangereux à Blainville. Puis, Stablex, ce qu’ils ont demandé... ils ont pris le téléphone puis ils ont demandé à la CAQ d’engrandir leur terrain pour pouvoir enfouir plus de déchets dangereux, dont une bonne partie vient des États-Unis de Trump. Pourtant, Mme la Présidente, tout le monde, tout le monde a dit non. Le BAPE a dit non. La ville de Blainville a dit non au projet de Stablex. Les municipalités, l’UPA, les scientifiques, les groupes écologistes, les citoyens et citoyennes, la société civile en entier a dit non au projet de Stablex. Mais la CAQ, elle, elle a décidé que c’était une bonne idée de saccager notre environnement pour qu’une entreprise américaine puisse faire des économies. La CAQ a décidé de plier au chantage de cette entreprise. Tout le long on a vu comment ce gouvernement-là se comportait, comment la CAQ s’est comportée face à Stablex. C’est à croire s’ils sont devenus le lobby de cette entreprise de l’Arizona.
Voilà pourquoi on n’est pas dans nos familles, on n’est pas avec nos citoyens et nos citoyennes, dans nos comtés. Pourquoi est-ce qu’on est ici, on a passé toute une partie de la soirée hier, de la nuit, et qu’on est ici ensemble aujourd’hui à faire adopter un projet de loi sous le bâillon parce que la CAQ a décidé d’avoir ce projet de loi qui va à l’encontre du bien commun et de l’intérêt collectif, contrairement à ce que le premier ministre avait dit.
Moi, je trouve ça scandaleux, Mme la Présidente. Je trouve ça honteux. C’est indigne. Ça me gêne d’être ici puis de travailler pour... pas pour les citoyens et citoyennes, mais pour répondre au désir de la CAQ de plier au chantage de cette entreprise. Puis je comprends les Québécois et Québécoises, puis il y a des citoyens et citoyennes aussi qui ont passé la nuit avec nous, qui sont en colère, qui sont indignés. Je comprends leur indignation puis je la partage. Ce n’est pas pour ça que moi, je fais de la politique. Ce n’est pas pour ça que mes collègues, ici, de Québec solidaire font de la politique. Ce n’est pas pour ça qu’on met notre temps, qu’on fait des sacrifices personnels sur nos heures de sommeil, dans nos vies personnelles, pour rester ici pour travailler sur un projet de loi fait sur mesure pour cette compagnie étrangère. Ce n’est pas pour céder au chantage de cette entreprise-là. Je trouve ça honteux. Je trouve ça gênant. Puis je sais que les Québécois et Québécoises sont indignés.
Le leader du gouvernement l’a dit : On ne sera pas populaires, on ne sera pas populaires face à la population. Moi, c’est très rare que j’ai vu aussi peu de fierté dans les yeux des membres du gouvernement, dans les yeux des élus de la CAQ lors de l’adoption d’un projet de loi. D’habitude, ils sont beaucoup plus fiers puis ils applaudissent. Pas cette fois. Puis je comprends. Je comprends qu’ils soient gênés. Je comprends qu’ils aient un petit peu honte, avec raison. Il n’y a pas de quoi d’être fier.
Je veux parler d’un élément dont on a peut-être un peu moins parlé. L’entreprise de Stablex, et le gouvernement nous l’a dit, j’ai entendu le ministre de l’Environnement aussi le dire, elle a un procédé qui est écologique, qui est mieux qu’une façon de traiter les déchets dangereux de façon plus écologique. C’est une solution écologique. C’est comme ça que Stablex aussi se présente. Parce que les entreprises, des organismes qui génèrent, qui produisent des déchets dangereux, bien, on veut s’assurer qu’elles puissent en disposer d’une façon qui protège l’environnement et non pas de les mettre n’importe comment. Puis Stablex est supposée être une solution écologique. C’est le marketing que fait l’entreprise. C’est une solution qui date des années 80. Moi, j’ai envie de questionner cette façon-là de faire. Est-ce que c’est le cas ? Est-ce que c’est vraiment une solution écologique à nos déchets dangereux ?
Il y a un groupe de citoyens de Blainville, soutenu par Mères au front et le biologiste bien connu Daniel Green, qui ont détecté des niveaux élevés de nombreux polluants qui peuvent affecter l’environnement. Ils sont allés... des citoyens et citoyennes qui sont allés chercher des échantillons dans les cours d’eau proches du terrain de Stablex, où est-ce qu’elle opère depuis des nombreuses années. Et ils ont vu des dépassements très nombreux pour les contaminants dans les cours d’eau qui sont autour.
Normalement, ce genre de travail là devrait être fait par le ministère de l’Environnement. Est-ce qu’il est fait ? Quand on regarde les rapports que Stablex envoie au ministère de l’Environnement, parce qu’elle doit prendre des échantillons... Moi, c’est un travail que j’ai fait dans les entreprises privées quand... où j’ai travaillé pendant une quinzaine d’années, normalement, on a un permis, on doit faire prendre des échantillons, envoyer ça au ministère de l’Environnement, qui, après ça, va dire si c’est bon ou pas. Puis, des fois, il y a des inspecteurs qui viennent, qui viennent dans l’usine pour prendre des échantillons. Mais, en ce moment, on a l’impression que tout est vert. Tous les rapports que l’entreprise donne au ministère de l’Environnement, tout est beau, tous les contaminants sont beaux. Mais où sont pris les échantillons ? Est-ce que c’est pris à des endroits vraiment stratégiques où est-ce qu’on est sûrs qu’il n’y a pas de contaminants qui se retrouvent dans l’environnement ? Comment ça se fait que les échantillons qui sont pris par les citoyens et citoyennes, il y a des dépassements ?
Moi, j’aimerais ça que le ministère de l’Environnement investigue beaucoup plus. J’ai été porteuse du dossier de l’environnement avant mes collègues, avant que... le collègue député d’Hochelaga-Maisonneuve, pendant longtemps. Et, une des premières questions que je posais au ministre de l’Environnement, c’était : Il y a combien d’inspecteurs ? Est-ce que les inspecteurs et inspectrices du ministère de l’Environnement vont vraiment faire des visites-surprises dans les entreprises pour prendre des échantillons ou est-ce qu’ils viennent accompagnés des représentants de l’entreprise qui leur dit : Voilà où est-ce que vous pouvez prendre des échantillons ? Est-ce qu’ils viennent par surprise, par hasard, prendre des échantillons au bon endroit. C’est des questions très, très importantes et c’est une question dont on n’a pas répondu. Le projet de loi, il va passer sous le bâillon puisqu’ils sont majoritaires, même s’ils ont honte, là. Je ne pense pas qu’ils vont avoir des belles photos qui vont être prises après l’adoption de ce projet de loi, mais ça va être fait. Ça va être un fait passé, malheureusement, ils nous l’ont passé sur la gorge. Mais, après, l’histoire n’est pas finie, les contaminants, ils vont se retrouver encore dans l’environnement. Je ne suis pas sûre, là, que tout est vert, tout est beau, parce que la compagnie dit que tout est beau, tout est vert. On va se retrouver avec l’enfouissement jusqu’en... 2067. Puis pourquoi je pose la question ? Parce qu’avec l’austérité je ne suis pas sûre que le gouvernement, il est en train d’embaucher plus d’inspecteurs, inspectrices.
Des fois, il y a des inspections qui sont faites au téléphone par des stagiaires au ministère de l’Environnement. Puis je vais faire référence à un livre que j’ai lu il y a quelques années de Louis-Gilles Francoeur, qui a été longtemps au Devoir, qui a été aussi au BAPE. Ça s’appelle La caution verte. J’invite d’ailleurs, je ne sais pas si le ministre de l’Environnement l’a lu, je l’invite à le lire. La caution verte, le désengagement de l’État québécois en environnement. Il parle précisément de cette question-là, où est-ce qu’on s’est beaucoup fiés sur les entreprises, tout ce qu’elles nous disent, c’est elles-mêmes qui font des rapports. Il n’y a plus de police verte alors qu’on en a besoin. On a besoin d’une police verte, on a besoin d’équipes d’experts au ministère de l’Environnement qui vont vérifier : Est-ce que, dans les opérations de l’entreprise, est-ce qu’on est sûr qu’il n’y a pas des contaminants qui vont se retrouver dans l’environnement ? Ce n’est pas normal que ce soient les citoyennes et les citoyens qui portent sur leurs épaules ces mesures-là. Et on ne peut pas se fier uniquement sur l’entreprise, sur ses représentants.
Je vous le dis, moi, j’ai travaillé en entreprise, je faisais ce genre de rapport là. On faisait des rapports, des inspections nous-mêmes, des échantillons nous-mêmes. J’avais des fichiers Excel sur les contaminants, que ce soit pour l’air, que ce soit pour l’eau, et on envoyait ça aux inspecteurs, au ministère de l’Environnement. En 15 ans de carrière, en 15 ans de carrière, j’ai eu, savez-vous combien de visites-surprises j’ai eues du ministère de l’Environnement, et j’ai travaillé dans de nombreuses entreprises, savez-vous combien, Mme la Présidente ? Une seule fois, une seule visite-surprise d’un inspecteur du ministère de l’Environnement, qui est venu prendre un échantillon, qui nous a dit : Où sont les endroits, où est-ce qu’on prend des échantillons pour l’eau avant de jeter ça dans les égouts ? Une seule fois. Tout le reste du temps, le ministère de l’Environnement se fiait à ce que l’entreprise disait. Bien, c’est la même chose aussi avec Stablex. Si on fait une demande d’accès à l’information, on va voir que tous les rapports sont au vert, tout est beau, mais qu’est-ce qui nous assure que c’est le cas ?
Il y a aussi une autre question. C’est une solution environnementale pour la gestion de nos déchets dangereux, mais est-ce qu’il y a d’autres solutions ? Parce que cette entreprise-là, avec ses investisseurs qui vient de l’Arizona, même s’ils ont eu une loi sur mesure, ils pourraient, un jour, décider qu’eux ça ne les intéresse plus, ils ne font plus d’argent, puis de fermer quand même, là, malgré le projet de loi fait sur mesure, passé sous le bâillon par le gouvernement de la CAQ. Qu’est-ce qu’on va faire après ça avec les déchets dangereux ? La CAQ a fait adopter... va faire adopter, malheureusement, dans quelques heures, ce projet de loi, parce qu’elle a peur que la compagnie ferme. Et, si la compagnie ferme, qu’est-ce qu’on va faire avec ces déchets dangereux ? Même si le projet de loi est adopté, il y a une autre chose aussi qui devrait être faite, et le gouvernement a refusé, alors que la députée de Sherbrooke n’a pas arrêté de le proposer, il faut qu’il y ait une caractérisation de : C’est quoi, les déchets dangereux qu’on produit ? Combien ? Le rapport du BAPE l’a dit : On ne le sait pas.
Mme la Présidente, on a fait un travail incroyable. Je veux au premier... premièrement, remercier chaleureusement et féliciter le courage de ma collègue, la députée de Sherbrooke, qui a travaillé sans relâche, sans relâche sur ce dossier-là depuis le début. Je veux remercier aussi les députés qui ont participé, de Québec solidaire, tous les députés aussi des oppositions, qui ont travaillé pour contrer ce projet de loi. Et je veux donner aussi... remercier, de façon chaleureuse et très...Un gros, gros, gros merci pour tous les employés, les directions dans nos équipes qui ont travaillé toute la nuit. Ils n’ont pas fait ça pour Stablex. Si on a eu ce courage-là, si nos travailleurs, dans notre formation politique, ont eu ce courage-là de travailler toute la nuit, sans relâche, c’est pour protéger le bien commun, c’est pour protéger l’intérêt collectif, pour protéger l’environnement. C’est ça qui donne un sens à notre travail. Le premier ministre m’a parlé de courage, ce que la CAQ fait n’est pas courageux. Et c’est la raison pour laquelle il n’y a pas de fierté dans les yeux des députés .de la CAQ en ce moment. Il n’y a pas de fierté à adopter ce projet de loi là, puis je les comprends, mais nous, on est fiers du travail qu’on a fait. On a fait tout ce qu’on a pu pour barrer le chemin de la CAQ qui s’est plié devant une compagnie, une entreprise étrangère américaine, pour enfouir des déchets dangereux, dont une bonne partie vient des déchets de Trump. Nous, on a été mus par ce courage-là. Nos travailleurs, travailleuses ont été mus par ce courage-là. Et on va continuer, Mme la Présidente. Merci.
Transciption : Secrétariat de l’Assemblée nationale
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