Édition du 16 avril 2024

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Planète

Au feu !

Les campagnes et les villes brûlent, ici et ailleurs, les températures montent, le changement climatique fait son œuvre. Au même moment, en France, une affaire entre toutes occupe toutes les ondes. Ou presque. Avec elle, ses commentaires, ses polémiques, ses non-dits… Le mois de juillet 2018 est fébrile et cache une pathologie sournoise et délétère.

Tiré du blogue de l’auteure.

Les incendies sont criminels. Ils seraient dus au changement climatique dont il faudrait désormais prendre toute la mesure. Le milicien de l’Elysée serait une victime… de son enfance, de ses impulsions, de ses intentions citoyennes. L’État français le serait aussi du coup. Les pieds pris dans les beaux tapis de son administration, ses représentants seraient tour à tour, surpris, de bonne foi, légalistes, conséquents. Aussi l’affaire ne serait pas d’État… Car comment pourrait-on être à la fois bourreau et victime ?

Reculons d’un pas. Pendant la période où on nous assène des informations sur la météo, ses dégâts, sur les malversations d’un mercenaire payé aux frais de la princesse et sur les déboires politico-judiciaires d’un cercle présidentiel peu respectable, des députés, très peu nombreux, votent le 25 juillet dernier la loi dite « asile immigration » qui renforce la fermeture des frontières, la criminalisation des migrants et de leurs soutiens et établit leur stigmatisation spécifique.

Dans la foulée, le 1er août, une autre poignée de parlementaires adoptent un projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes, dite « grande cause du quinquennat », qui, en entérinant l’absence de fixation d’une présomption de non consentement, tend à laisser les violeurs d’enfants impunis et méprise de fait les victimes et les associations de femmes et féministes. Un peu plus d’un mois plus tôt, à l’Eurosatory, salon international dédié à la défense et à la sécurité, un homme d’affaire proche du Président français, présente un projet qui s’inscrit en concurrence au monopole américain et prend la forme d’une entreprise privée de R&D militaire (essentiellement basée sur l’intelligence artificielle) du nom de Flaminem, un emblème bien chrétien et centré sur les « Lumières » européennes (1).

Et puis, pendant ce temps, des cheminots se font réprimer, des étudiants refouler des facs de leur choix, des médecins exclure des services d’urgences, des malades tuer faute de soins adaptés, des enseignants non remplacer ou transformer en sélectionneurs de main d’œuvre (projet Cap 2022), des femmes assassiner par leurs conjoints…

Que nous disent ces entrefilets dans le flot d’information univoque qu’on nous donne en pâture ?

L’histoire ne se renouvelle pas. Elle devient critique, s’accélère, surenchérit. En France, comme ailleurs, on continue à assister à la montée en charge du libéralisme et de ses fondations, le racisme et le sexisme. On persiste à dissimuler les paroles des véritables « victimes », davantage expertes de la domination que personnes à soutenir, à plaindre, à aider. On observe la banalisation concomitante de la militarisation et en son sein la privatisation de la violence, un système plutôt anglo-saxon visant les rentabilités politique et financière et aujourd’hui adopté à l’échelle internationale, à l’image de l’Afrique du Sud, de la Turquie, des États-Unis (2), de la Chine (3), de la Centrafrique (4), désormais du Mali (5), etc.

On mesure l’héritage d’un culte des Croisades, sur fond religieux et expansionniste. Idée moins entendue, on constate la pratique d’un masculinisme politique, pour ne pas dire d’État, qui transforme les dominants (oppresseurs, discriminateurs, aliénateurs, répresseurs, violeurs, etc.) en victimes principales. La meilleure attaque est la défense, dit-on. Les dirigeants des pays en tête de peloton du libéralisme et de la culture de guerre (xénophobe, sexiste, classiste), avides de profit financier personnel rapide, l’ont bien compris. Au feu !

Joelle Palmieri, 2 août 2018

Notes

1- Ce nom vient de« flamines », des prêtres de la Rome antique attachés au culte d’un même dieu et à l’origine d’une idéologie impérialiste, européocentrée.

2- Les États-Unis comptent trois fois plus d’agents privés que de policiers ayant des pouvoirs répressifs identiques. En 2012, ce marché de la sécurité privée était l’un des plus importants au monde, avec 64 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel.

3- En début d’année, la Chine a investi dans la sécurité privée dans le but de réprimer les populations des provinces du Sud-Est et ainsi obtenir un accès sans frontière vers la mer. L’État chinois a pris à cet effet des parts dans une des nombreuses entreprises du créateur du modèle américain, Blackwater,une armée privée très puissante, ayant notamment organisé des massacres en Irak.

4- Moins d’un an après le retrait officiel de l’opération militaire française « Sangaris », plus de 80% du territoire de la République centrafricaine est sous le contrôle de quatorze factions armées, milices locales, mercenaires venus des pays limitrophes, qui ensemble forment une armée informelle.

5- On compte aujourd’hui au Mali dix-sept groupes politico-militaires, en plus des milices djihadistes, quatre armées dont trois étrangères

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