Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Couvre-feu

Ce que couvre le couvre-feu

En imposant un couvre-feu cette semaine, François Legault a voulu administrer un électrochoc à la société et faire appel à la responsabilité des Québécois et des Québécoises. C’est un objectif que nous partageons. Par contre, ceux et celles qui observent de près la lutte contre la pandémie voient cette annonce pour ce qu’elle est : un geste d’éclat qui marquera les esprits, mais qui cache bien mal les angles morts de la gestion de crise du gouvernement.

Manon Massé, porte-parole de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de Québec solidaire et responsable en matière de santé

LA CAQ mise avant tout sur la modification des comportements individuels : le lavage des mains, la distanciation physique, le port du masque, les rassemblements et, maintenant, les déplacements. Ces mesures sont essentielles, mais elles n’arriveront pas, seules, à venir à bout de la pandémie.

Les gestes individuels que nous posons au quotidien sont aussi cruciaux que les gestes collectifs posés par nos gouvernements. Face à la covid 19, aucun pays n’a trouvé le remède miracle, mais une chose est certaine : Ceux qui s’en tirent le mieux ont trouvé un équilibre entre les deux.

LA MÉTHODE DU FROMAGE SUISSE

Dans le milieu scientifique, on parle de la méthode du fromage suisse. Imaginez que chaque mesure sanitaire soit représentée par une tranche de fromage suisse. L’interdiction des grands rassemblements, par exemple, nous protège jusqu’à un certain point, mais chaque intervention a des trous. Plus il y a de couches – plus les interventions s’additionnent –, plus la stratégie est efficace. Depuis dix mois, le gouvernement Legault cumule les interventions concernant les comportements des individus. Pourtant, là où il peut lui-même intervenir directement, il laisse parfois le virus passer à travers les mailles du filet.

Après dix mois de pandémie, le personnel de la santé est encore privé de protection adéquate. Le masque N95, barrière efficace contre la transmission par aérosol, n’est toujours pas fourni aux infirmières qui entrent en contact avec la COVID-19.

Fin décembre, on a appris que le Québec commencera 2021 avec une réserve de masques N95 à moitié vide. Si les syndicats de la santé n’avaient pas eux-mêmes transmis l’information aux médias, on ne l’aurait jamais su : le gouvernement évoque le « secret industriel » pour maquiller son manque de préparation.

LA QUALITÉ DE L’AIR

Après dix mois de pandémie, nos écoles ne sont toujours pas adéquatement ventilées, Alors que la preuve scientifique sur la transmission par aérosol de la COVID-19 s’accumule.

Dès cet automne, le Royaume-uni, le Japon, l’Allemagne, l’Italie, le Chili et la Nouvelle-Zélande, pour ne nommer que ces exemples, ont intégré la ventilation des espaces clos à leurs consignes régulières de santé publique. Au Japon, dans les salles de Concert, le taux de CO dans l’air est même affiché sur des écrans géants !

Chez nous, c’est seulement hier que le ministre de l’éducation a enfin accepté de tester la qualité de l’air dans toutes les classes, alors que Québec solidaire le propose depuis deux mois. Ce ne sera pas fait avant plusieurs semaines. Comment s’étonner ensuite que les écoles soient l’un des foyers importants d’éclosion ?

Après dix mois de pandémie, nous sommes encore privés d’informations à jour et détaillées sur la progression du virus. Taux de succès du traçage, chiffres à jour sur la contamination des soignantes, données sur le manque de personnel, précisions sur la dynamique de transmission du virus à l’intérieur des écoles, caractéristiques des populations les plus touchées, activités et contextes les plus à risque de contagion…

Des données pourtant librement accessibles ailleurs dans le monde. Il manque toujours d’employés pour effectuer le traçage des cas. Les avis de la Santé publique sont tenus confidentiels et, lorsque Québec solidaire ose demander au gouvernement de les rendre publics, la garde rapprochée du premier ministre nous accuse de complotisme.

EFFICACITÉ DES MESURES

La revue Nature a récemment publié une étude comparant l’efficacité des différentes interventions gouvernementales pour lutter contre la pandémie. Les mesures de contrôle des mouvements des individus, dont le couvre-feu, y font bonne figure, mais devinez quoi ? La disponibilité du matériel de protection individuel est jugée encore plus efficace par les chercheurs. Or, le gouvernement a décidé d’imposer un couvre-feu sans agir sur ce plan, et en gardant les secteurs manufacturiers et de la construction ouverts. Pourquoi ? En vertu de quels critères, de quelles données ? Poser ces questions, c’est notre travail.

Le couvre-feu va-t-il réussir à aplanir enfin la courbe ? Nous l’espérons de toutes nos forces. Avec un peu de chance, l’électrochoc du premier ministre réveillera les récalcitrants. Malgré cela, on peut craindre que l’effort exigé de la population ne compense pas les lacunes de la gestion caquiste.

Dans le fromage suisse de la gestion de crise, les trous sont de plus en plus gros. Si le gouvernement échoue à remplir sa part du contrat, nous serons de plus en plus nombreux à tomber dedans.

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