Le combat qui oppose le climat au capital implique une tension structurelle inégale entre deux parties engagées. D’un côté, l’effondrement climatique, dont les effets ne sont plus à venir mais se sentent déjà — canicules, inondations, déplacements massifs à l’échelle mondiale, pertes irréversibles — impose l’urgence d’agir. De l’autre, un système économique fondé sur l’accumulation, l’extractivisme, la marchandisation du vivant et l’illusion d’une croissance finie sur une planète finie, continue d’être nourri par les plus grands détenteurs de ressources. Les rapports scientifiques le confirment : limiter la crise climatique suppose de rompre avec les logiques du capital, soit les mêmes logiques qui structurent les politiques dominantes.
Introduction et présentation des intervenantes
Bonsoir, merci beaucoup Violette, merci tout le monde d’être avec nous ce soir, et merci à nos panélistes. Bienvenue !
Je suis vraiment ravie d’avoir l’occasion d’animer cette grande conférence sous le thème « Climat contre capital : quelles issues possibles ? », en compagnie de nos trois merveilleuses panélistes, que je vais vous présenter dans un instant.
Avant de commencer, peut-être dire deux mots sur la thématique de la conférence. Le combat qui oppose le capital au climat, c’est le fruit d’une tension qui est vraiment structurelle. Et c’est aussi un combat qui ne se déroule pas à armes égales, hein — c’est une évidence.
D’un côté, on voit déjà tous les signes de l’effondrement climatique : que ce soit des épisodes de chaleur extrême, des inondations, des déplacements massifs de population, l’effondrement de la biodiversité... des pertes qui sont incommensurables et irréversibles. Au moment où on se parle, déjà, la saison des feux de forêt a débuté en force partout au Canada. Il y a déjà des milliers de personnes qui ont été appelées à évacuer leur lieu de résidence et leur collectivité dans les Prairies canadiennes. Et évidemment, ce n’est qu’un exemple.
De l’autre côté, on voit un système économique qui est toujours fondé sur l’accumulation, les logiques extractives, la marchandisation du vivant, et bien sûr, le fantasme d’une croissance infinie — sur une planète qui est, bien évidemment, finie.
Toutes les données scientifiques l’indiquent : pour limiter la crise climatique, il va falloir absolument prendre de front la contradiction entre les logiques capitalistes et les changements climatiques. Cela crée donc le lieu d’un affrontement politique, évidemment. Et on doit poser des questions cruciales, que nous avons lancées ce soir à nos panélistes :
Qui décide ? Qu’est-ce qu’on doit changer ? Qui va porter le coût de l’adaptation ? Qui porte, de manière disproportionnée, le coût de la perte actuellement ? Quels sont les récits qui parviennent — ou ne parviennent pas — à s’imposer sur la crise climatique ?
Évidemment, les alternatives se pensent déjà, se construisent déjà : autant dans les luttes paysannes, les résistances autochtones, que les appels à la décroissance. Il y a plusieurs formes de réappropriation collective des ressources qui existent.
Et avec moi, j’ai des panélistes pour réfléchir à tout cela.
Tout d’abord, à ma droite, il y a Élisabeth Germain. Bienvenue Élisabeth, merci beaucoup d’être avec nous. Élisabeth est sociologue, chercheuse et travailleuse communautaire avec divers groupes de femmes et de lutte à la pauvreté. Son regard sur le monde a été particulièrement forgé par son expérience de coopération en Afrique de l’Ouest, où elle s’est intéressée notamment aux enjeux en lien avec les inégalités de genre et le développement.
Aujourd’hui, elle milite au sein d’un parti politique de gauche, auprès d’un comité de femmes immigrantes, du comité Femmes et écologie d’un regroupement régional de femmes, ainsi qu’avec la Fédération des femmes du Québec. Merci beaucoup Élisabeth d’être avec nous.
Ensuite, Joëlle Zask, qui est donc au milieu, à la droite d’Élisabeth. Elle est héritière de la philosophie pragmatiste et enseigne au département de philosophie de l’université d’Aix-Marseille. À partir de champs disciplinaires et d’expériences variées — surtout les arts visuels et l’urbanisme — ses recherches portent sur les caractéristiques et les conditions d’une culture démocratique.
Dans ses derniers travaux, elle a réfléchi aux relations entre écologie et autogouvernement démocratique. Elle est aussi l’autrice de plusieurs ouvrages : Quand la forêt brûle (2019), Zoocities. Des animaux sauvages dans la ville (2020), Écologie et démocratie (2022), et son dernier ouvrage s’intitule Admirer. Éloge d’un sentiment qui nous fait grandir. Bienvenue Joëlle, merci beaucoup d’être avec nous.
Et enfin, Alyssa Battistoni, politologue et professeure adjointe de sciences politiques au Barnard College, à New York. Ses travaux et son enseignement portent notamment sur les politiques climatiques et environnementales, le capitalisme, le marxisme et le féminisme.
Elle est coautrice de l’ouvrage A Planet to Win : Why We Need a Green New Deal (2019), et de Free Gifts : Capitalism and the Politics of Nature, qui paraîtra au mois d’août chez Princeton University Press. Merci beaucoup Alyssa d’être avec nous.
Alors, je vais passer la parole à nos panélistes, qui vont tour à tour vous faire une présentation d’une vingtaine de minutes. Ensuite, vous aurez sans doute l’occasion de réagir aux présentations les unes des autres. On avait convenu d’un déroulement en commençant peut-être par Alyssa…