Édition du 23 avril 2024

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États-Unis

Confrontation budgétaire aux États-Unis :

Un avant goût pour 2012.

Depuis dix jours nous avons été témoins d’une confrontation entre la majorité républicaine à la Chambre des Représentants et l’administration démocrate du Président Barack Obama, sur le budget de 2011. Les Républicains, par l’entremise du Président de la Chambre John Boehner, voulaient imposer des coupures budgétaires de 68 milliards, tandis Obama en proposait une de 33 milliards. Sans une entente entre la Maison Blanche et la Chambre sur cette question, il en aurait résulté une paralysie du gouvernement américain, ce qui aurait voulu dire concrètement un renvoi de 800,000 fonctionnaires travaillant dans les différentes ministères, pas de salaires pour les gardiens de prison, et les membres des forces armées, ainsi que les secrétaires de la Maison Blanche. De plus, tous les programmes sociaux auraient dû être annulés faute de fonds.

La question politique qui s’est alors posée était de savoir qui, du Président Obama ou des représentants républicains de la Chambre, porterait éventuellement l’odieux de la situation ? C’est surtout la crainte de voir la situation se retourner contre eux qui a motivé le recul des Républicains et permis le règlement survenu Vendredi à la dernière heure sous forme d’un compromis pour une coupure de 38 milliards.

Mais, au-delà des tractations politiques de part et d’autre et de la hantise d’une paralysie du gouvernement américain, cette confrontation est avant tout annonciatrice des enjeux de la campagne présidentielle de 2012, qui risque de prendre une tournure plutôt idéologique opposant une posture centriste teintée de libéralisme social (interventionnisme étatique) défendue par le parti Démocrate et un extrémisme de droite fondé sur un libéralisme du laisser-faire évidemment soutenu par le parti Républicain.

Le dépôt, par Paul Ryan (R) du Wisconsin, Président de la commission du budget de la Chambre des Représentants, d’un plan budgétaire pour l’année 2012 intitulé ‘A Roadmap for America’s Future’, Illustre bien cette position républicaine du laissez faire en matière d’économie. Ce plan remet en question directement toutes les mesures sociales légiférées depuis le New Deal de Franklin Delano Roosevelt et le ‘Great Society’ de Lyndon Baines Johnson, en prônent la réduction et éventuellement la disparition de Medicare et Medicad (des programmes d’assurance maladie étatique pour les aînées), la réduction à hauteur de 80% des subventions pour le NPR (National Public Radio) et PBS (Public Broadcasting System) considérés trop à gauche par les Républicains, l’annulation de toute subvention aux cliniques d’avortement (une façon pour les républicains de commencer leur campagne contre la jurisprudence de Roe v Wade qui avait accordé aux femmes le libre choix en matière d’avortement), la réduction des subventions aux écoles publique (les républicains sont pour les écoles privées) et le maintien de la sempiternelle base d’impôts pour les riches. E.J. Dionne, analyste au Washington Post, a vu dans ce plan une volonté des Républicains de littéralement effacer le 20ième siècle.

Le ‘Tea Party’ un libertarisme d’extrême droite.

Depuis l’attaque frontale dirigée contre les syndicats du secteur public et leur droit de négociation par le gouverneur (soutenu par le Tea Party) du Wisconsin, plusieurs autres états, comme l’Ohio, le Tennessee, la Floride, le New Jersey, tous sous la gouvernance républicaine et soutenus par le Tea Party, emboîtent le pas et tentent de remettre en cause l’existence même des syndicats du secteur public. Pourquoi les syndicats du secteur public ? Parce que ces syndicats sont présentement les plus militants, les plus organisés et les plus critiques du parti Républicain.

Si nous additionnons ces différents éléments, soit le débat autour du budget, le plan proposé par Paul Ryan républicain du Wisconsin, le tollé facilement prévisible des républicains contre la proposition d’Obama sur la réduction du déficit (mercredi le 13 avril), nous pouvons déjà entrevoir ce que prépare le Tea Party pour les deux prochaines années. Sur les 85 nouveaux représentants républicains élu le 2 novembre 2010, 57 sont directement soutenus par le Tea Party. Le nouveau leader au sein du caucus républicain est Michele Bachmann (R), représentante du Minnesota, élue et soutenue par le Tea Party. Elle s’est déclarée candidate aux élections présidentielles de 2012. Son slogan, repris par les autres candidats républicains (12 à ce jour) est ‘reprenons notre pays’.

Or, le ‘Tea Party’ n’est plus cette organisation nationale qui nous avait habitués à des slogans plus ridicules les uns que les autres. C’est maintenant une organisation très bien structurée au niveau des états et des régions, qui véhicule un discours populiste de droite de tendance libertarienne (opposition à toute intervention étatique) et qui s’inscrit dans la foulée de Frederik Hayek, ennemi juré de John Maynard Kyennes et de sa théorie d’interventionnisme étatique.

Bien implanté dans la société civile mais aussi au sein du parti Républicain, il s’est accaparé l’image publique de ce parti et, plus important encore, il en contrôle maintenant le discours public. Ce discours évoque un conservatisme fiscal, mais davantage un conservatisme social qui flirte parfois avec un néo-fascisme culturel.

Le dilemme de la gauche et les progressistes américains.

Déjà déçu de Barack Obama pour son recul sur la législation de la santé et son aide à Wall Street contrastant avec l’absence de soutien à la population (faiblesse des programmes de création d’emploi, absence d’aide aux petits propriétaires pour faire face à la crise immobilière), la gauche a maintenant perdu tout espoir en Obama alors qu’ont repris les bonus et les salaires faramineux aux PDG de Wall Street et que les banques ont engrangé un profit record de 29.2% durant le dernier quart de 2010, soit le plus haut taux de profit observé depuis 60 ans (New York Times 11\04\11). Ce qu’espérait la gauche, c’était minimalement une renaissance du New Deal de FDR, déjà affaibli par Reagan, Bush Père, Bill Clinton et George W. Bush.

Fortement désillusionnées, les forces progressistes soutenues par les syndicats du secteur public ne sont plus portées par le climat d’euphorie qu’avait provoqué l’élection d’Obama. Les manifestations au Wisconsin en ont fait la démonstration. Malgré tout, la montée de l’extrême droite et surtout les signes de son enracinement dans la société et au sein du Congrès, forceront la gauche à se replier sur un appui tactique aux propositions d’Obama en vue de sa réélection en 2012.

Ainsi les deux prochaines années, comme le laisse entrevoir le récent débat autour du budget, seront ponctuées, aux États-Unis, par des luttes idéologiques où les forces progressistes appuieront le libéralisme économique (saupoudré de quelques mesures sociales) d’Obama et ce, dans le but de contrer un extrémisme de droite qui, s’il en venait à triompher, deviendrait un exemple pour les réactionnaires de ce monde. De l’espoir qu’avait suscité l’élection d’Obama en 2008 nous en sommes réduits, en 2011, à un combat contre l’implantation de l’extrême droite et son accession au pouvoir.

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