Édition du 26 mars 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Coronavirus, capitalisme et patriarcat

Et maintenant, qui va s’occuper des enfants ?

Après l’annonce de la fermeture des écoles et des crèches dans toute la France pour prévenir la propagation du coronavirus, la crise sociale et du système de santé s’aggrave et va toucher particulièrement les familles des travailleurs.

photo et article tirés de NPA 29

La propagation du coronavirus en Italie, Espagne et en France a déclenché une urgence sanitaire qui touche particulièrement la classe ouvrière et les personnes ayant des emplois plus précaires. L’imbrication du genre et de la classe sociale fait que les conséquences de cette crise se répercutent d’autant plus sur les familles de travailleurs, et en particulier sur les femmes.

Si les enfants ne vont pas à l’école, qui s’occupera d’eux ?

Dans les quartiers les plus riches des grandes villes, cela ne crée pas trop de problèmes. La baby-sitter travaillera plus longtemps (avec le peu qu’elle gagne, elle acceptera sûrement de rester) ou ce sera l’employé de ménage qui, en plus de nettoyer la maison et de faire la cuisine, s’occupera des enfants.

Mais qui s’occupera d’eux dans les maisons des quartiers populaires ? Lorsque les deux parents travaillent, la solution la plus courante pour les familles est généralement les grands-parents, mais le virus COVID-19 affecte les personnes âgées de façon plus mortelle, de sorte que les conséquences peuvent être graves si l’un des enfants est déjà infecté.

Les autorités ont annoncé la fermeture des écoles et des collèges dans les endroits les plus touchés, mais aucun congé de travail n’a été établi, tout en maintenant les salaires de tous ceux qui ont des enfants à charge.

Les [différents] gouvernements ont suggéré de promouvoir le « télétravail », mais cela est laissé à la discrétion de chaque entreprise. D’autre part, la plupart des emplois ne peuvent pas être transférés au domicile.

Qui va s’occuper des enfants des travailleurs de l’industrie hôtelière, des grands magasins, des entreprises de logistique, des transports, des usines ou du nettoyage ? Qui sont les caissiers des supermarchés ou les travailleurs domestiques qui travaillent comme aide-soignants qui vont laisser leurs enfants ? Et les personnes âgées, qui sont les plus touchées, qui va s’en occuper ?

Face à la menace – toujours plus proche – d’un effondrement du système de santé publique (préparé depuis des années par des coupes budgétaires, des privatisations et l’absence de contrats de travail), des mesures sont prises par l’État qui finissent par faire porter la crise du coronavirus sur les familles, comme si la santé de la majorité de la population était une affaire privée qui dépendait de la « responsabilité individuelle ».

Cette crise va affecter particulièrement les femmes qui travaillent.

En France, 67,1% des femmes travaillent. Autrement dit, presque 7 femmes sur 10 en âge de travailler (entre 15 et 64 ans) occupent un emploi, tandis que ce sont 75,4% des hommes de la même fourchette d’âge. Cela signifie que, dans la plupart des ménages bi-parentaux, bien que les femmes représentent un tiers des emplois partiels, les deux parents travaillent.

Ce dernier chiffre est essentiel, car il montre la relation étroite entre l’emploi précaire et la féminisation du « care ». Parmi les salariés qui ne travaillent pas à temps plein en raison de la nécessité de s’occuper d’autres personnes (enfants, malades, personnes âgées ou dépendantes), la majorité sont des femmes. Et lorsqu’il s’agit de décider de qui s’absente du travail pour s’occuper des enfants, le choix revient généralement aux femmes, qui ont un emploi à temps partiel pour prendre en charges ces tâches.

Puisque l’absence au travail pour s’occuper des enfants ou des malades n’est pas permise par des congés payés et obligatoires, et qu’en plus la crise du coronavirus cela frappe durement l’économie, entraînant la chute des bénéfices des entreprises, les licenciements ne vont pas tarder à se produire.

Cela sera particulièrement grave pour les personnes qui ont les emplois les plus précaires, lorsqu’on sait que les femmes occupent 82% de ces emplois, elles seront donc en première ligne de cette crise.

Nous devons considérer également la situation de milliers de travailleurs à domicile et d’aides soignants, qui sont principalement des femmes et des migrants. Qui garantit leur santé, leur sécurité en termes de contagion, alors qu’elles s’occupent de personnes malades ?

Qui va garantir leurs droit au travail, alors qu’elles sont les plus précaires parmi les précaires ? De plus, dans la plupart des concernés, ce sont des femmes, seules et en charge de famille monoparentale avec des réseaux de soutien familial qui font souvent défaut, pour le fait d’être resté dans le pays d’origine.

Dans les prochains jours, la contagion se multipliera et les effets de la récession sur l’économie commenceront à se faire sentir. C’est pourquoi il est nécessaire , en plus de l’octroi de congés payés sans baisse de salaire pour tous ceux qui ont des enfants à charge, d’exiger l’interdiction totale des licenciements pendant la durée de cette crise.

Il faut mettre au service de toute la population, sans distinction, toutes les ressources de soin nécessaires. Nous devons exiger une série de mesures pour que les conséquences du coronavirus et de la crise économique ne soient pas payées par la classe ouvrière, dont les femmes, les migrants et les jeunes sont les maillons les plus vulnérables.

Dans « Patriarchy and Capitalism » (Akal, 2019), ouvrage de Cynthia Burgueño et Josephina L. Martinez, il est souligné :

« La crise de ce qu’on appelle l’État-providence en Europe a entraîné un déplacement des charges sociales de l’État vers les ménages.

Les capitalistes se déchargent des crises économiques successives sur les familles par des coupes budgétaires et des privatisations ; le démantèlement des systèmes de protection publique et des services sociaux de base comme l’éducation des enfants ou les foyers pour personnes dépendantes.

Cette situation, qui varie d’un pays à l’autre, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne étant les plus critiques, entraîne une plus grande pauvreté des ménages et des souffrances pour les femmes qui se consacrent aux soins de longue durée. »

L’épidémie du coronavirus a aggravé cette crise du care, de la santé, en exposant les secteurs les plus vulnérables. Le virus est le déclencheur, mais le capitalisme patriarcal est la maladie originelle.

Josefina L. Martínez samedi 14 mars

https://www.revolutionpermanente.fr/

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