Édition du 30 septembre 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le Canada et le piège de la « reconnaissance conditionnelle » de la Palestine.

L’annonce récente du gouvernement canadien, dirigé par Mark Carney, concernant sa disposition à reconnaître un État palestinien, s’est accompagnée d’une liste de six conditions.

À première vue, elles pourraient sembler des garanties de stabilité démocratique et de respect du droit international. Mais, sous un examen critique, elles révèlent plutôt un cadre profondément colonial, conçu non pas pour reconnaître véritablement la Palestine, mais pour préserver l’hégémonie d’Israël et, avec elle, l’alignement du Canada sur le pouvoir impérial au Moyen-Orient.

1. Réformes de gouvernance : le doigt accusateur du colonisateur

La première exigence stipule que l’Autorité palestinienne doit entreprendre des « réformes fondamentales » de son système politique. Paradoxalement, le Canada proclame sans cesse « le droit d’Israël d’exister en tant qu’État juif et démocratique ». Un État qui pratique la ségrégation ethnique et religieuse et qui viole depuis des décennies les résolutions de l’ONU. Qu’un gouvernement allié d’une puissance colonisatrice impose des conditions au colonisé est une insulte et une démonstration de paternalisme colonial.

2. Des élections en 2026 sans le Hamas : une démocratie sous tutelle

La deuxième condition exige que les élections générales prévues en 2026 excluent le Hamas. Ici, le Canada s’arroge un droit qu’il n’accepterait jamais pour lui-même : l’ingérence directe dans le système électoral d’un autre peuple. La représentation palestinienne doit être décidée uniquement par les Palestiniens. Les Canadiens accepteraient-ils que la Russie ou la Chine interdisent certains partis dans leurs élections ? Ce deux poids, deux mesures montre que ce que cherche Ottawa n’est pas une démocratie, mais un gouvernement palestinien docile et aligné sur Israël.

3. Démilitarisation : la soumission garantie.

Troisièmement, le Canada exige que la Palestine devienne un État démilitarisé. Autrement dit, privé d’une armée capable d’assurer sa souveraineté. Cette exigence révèle une stratégie claire : créer un « État tampon » incapable de se défendre face à une puissance nucléaire comme Israël. Si la justice était le critère, le Canada exigerait le désarmement total d’Israël, dont l’appareil militaire a coûté la vie à des centaines de milliers de Palestiniens depuis 1947.

4. Le piège de la « solution à deux États »

La quatrième condition reprend l’antienne de la « solution à deux États » : un État palestinien démocratique et souverain coexistant pacifiquement avec Israël. La réalité est tout autre. Netanyahu a répété qu’il n’autorisera jamais un État palestinien. Pendant ce temps, le génocide se poursuit à Gaza et en Cisjordanie. Que fera le Canada ? Fermera-t-il les yeux et continuera-t-il à collaborer avec l’occupation ? Une discussion honnête devrait aller plus loin : pourquoi pas un seul État démocratique, avec égalité des droits et droit au retour pour tous les réfugiés et déplacés ?

5. Droits humains et autodétermination : la contradiction flagrante

Cinquièmement, le Canada affirme reconnaître le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, aux droits humains et au respect du droit international. Mais en réalité, il conditionne cette autodétermination, en niant aux Palestiniens le choix de leurs représentants et de leurs moyens de défense. Parallèlement, Ottawa continue de commercer avec Israël, violant ses obligations légales de ne pas contribuer à des crimes internationaux. S’il voulait réellement défendre les droits humains, le gouvernement canadien suspendrait immédiatement ses accords avec Israël et appuierait un processus de décolonisation et de réparation.

6. Le veto sous l’étiquette de « terrorisme »

Enfin, Ottawa exige que tout futur gouvernement palestinien rejette le « terrorisme » et exclue le Hamas. Le problème réside dans l’usage opportuniste de ce terme. La Charte des Nations unies reconnaît le droit des peuples colonisés à lutter pour leur libération « par tous les moyens disponibles ». Comment les Palestiniens devraient-ils résister à des décennies d’occupation, d’expulsions et de massacres ? Avec des communiqués de presse ? L’exemple de Nelson Mandela est éclairant : pendant des décennies, il fut qualifié de « terroriste » par les États-Unis et leurs alliés, dont le Canada, avant de devenir l’icône mondiale de la liberté. Aujourd’hui, le même stigmate sert à délégitimer la résistance palestinienne.

Conclusion : une reconnaissance comme masque

Les six conditions imposées par le Canada ne sont pas un geste de solidarité envers le peuple palestinien. Elles constituent plutôt une feuille de route visant à perpétuer sa subordination et à préserver la complicité canadienne avec l’occupation israélienne. Sous les mots de « démocratie », de « droits humains » et de « paix », se cache une politique coloniale qui nie la souveraineté palestinienne.

Si le Canada veut vraiment la justice et la paix, il doit reconnaître immédiatement le génocide en cours, rompre toute complicité avec Israël et soutenir un processus de décolonisation intégrale, garantissant le retour des réfugiés et l’égalité des droits pour tous les habitants de la Palestine historique.

Manuel Tapial, membre de Palestine Vivra.

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