Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Amérique latine

Deni de génocide au Guatemala (Extraits)

La Cour constitutionnelle du Guatemala a annulé le jugement de culpabilité prononcé contre l’ex-président Rios Montt du 10 mai dernier. Elle ordonne une reprise du procès dans l’état où il était le 19 avril précédent. (…) Il s’agit d’une décision partagée, 3 contre 2, sur la base d’un aspect purement technique. Le 19 avril, les avocats de M. Rios Montt ont quitté le tribunal le laissant sans représentation. Le reporter du New York Times laisse entendre que la Cacif, une fédération d’affaire, a fait des pressions extrêmes pour que le verdict soit référé devant la Cour constitutionnelle.

Traduction, Alexandra Cyr.

(Note de la traductrice : le général Rios Montt avait été transféré de la prison vers un hôpital militaire avant ce nouveau jugement. Aux dernières nouvelles il y était toujours. Des observateurs signalaient qu’il y avait des possibilités qu’il soit déféré en résidence surveillée chez-lui.)

Le jugement de la plus haute cour sur le verdict de culpabilité ne diminue en rien sa vérité et son effet, mais il affaiblit les capacités de la justice nationale à traiter des atrocités de masses commises par ses gouvernants et son armée. Le crime de génocide en est un de politiques, approuvé par le Président Reagan entre autre ; c’est un embarras majeur pour Washington et pour le monde des affaires. Il se peut que les opinions publiques dans le monde rejettent les manœuvres légales utilisées en toute impunité pour couvrir ces crimes, tant l’arrogance des privilégiés parait inatteignable. Pour les Mayas du Guatemala, la menace de génocide continue.

Le peuple guatémaltèque est pris dans une lutte pour les droits humains les plus élémentaires. D’un côté il y a l’oligarchie, ses ex-Kaibiles (unités de commandos d’élite connus pour leurs atrocités extrêmes et l’avilissement de leurs victimes), le Président Molina, ses propres Kaibiles, l’armée qui les sert tous, l’appui américain via l’entraînement, l’armement et les conseils, les compagnies américaines qui les emploient, les intérêts miniers qui les enrichissent, les traditions européennes qui les confortent et le vieil ordre de la terreur qu’ils ont un jour installé et qui subsiste sous le vernis des privilégiés.

De l’autre côté, c’est le peuple qui lutte pour installer une norme qui empêcherait qu’un être humain ne fasse pas subir à l’autre ce qu’il ne voudrait pas qu’on lui fasse subir. Cette norme a été dévoyée, mise en pièces, depuis la prise illégale du pouvoir soutenue par les États-Unis en 1954. La folie de dirigeants psychotiques a été mise en jeu contre les droits de la population de vivre sans être tuée. (…) Après le prononcé du verdict, le Président Molina, qui y avait été associé, a publiquement nié que le programme de l’armée visant à massacrer des centaines de milliers d’Amérindiens de la région d’Ixil ait été un génocide.

L’élite a trouvé ce verdict outrageant. Elle a exhibé de nombreuses autres causes, s’est objectée sur de nombreux points de procédure, a menacé et publiquement diffamé la juge Jasmin Barrios. Elle n’a fait preuve d’aucune humilité devant les crimes jugés qui pourtant parlaient d’eux-mêmes. (…). Coincée dans un système judiciaire qu’elle elle-même créé, elle a complètement perdu son sens commun en rabaissant ces atrocités au rang d’un simple crachat dans la rue. (…). L’histoire devrait montrer qu’il y a une fin à cette séparation entre les dirigeants, leurs supporters et le groupe de victimes à qui ils nient sa valeur humaine.

(…) La décision de la Cour constitutionnelle place les défenseurs de droits humains du Guatemala, les juges, les témoins et tout le système légal du pays en position précaire. Jusqu’ici, les organisations non-gouvernementales liées à la North American prevention-of-genocide, qui est grassement subventionnée, n’ont pas donné grand appui aux juges guatémaltèques qui défendent sérieusement la Convention sur le génocide. Les moyens de la communauté nord-américaine contre les génocides devraient être mis en branle pour assurer la sécurité des juges, des procureurs, des défenseurs des droits humains, des témoins et de leurs familles. La vie de toutes ces personnes est actuellement menacée. Le Guatemala devrait être mis sous surveillance par la Cour de justice criminelle internationale en cas d’encouragements au génocide contre les Mayas.

Le 17 mars courant, durant le procès, 4 dirigeants amérindiens qui s’opposent à la minière canadienne Tahoe Resources ont été capturés et tués. Le Président Molina a engagé une force armée significative pour protéger cette mine des protestataires. Un soldat a été tué. Les troupes ont été retirées après la diffusion de l’enregistrement d’une conversation du responsable de la sécurité de la compagnie qui donnait l’ordre de tuer les manifestants amérindiens. Il a été arrêté et a quitté le pays. Tahoe Resources of Canada est en partie la propriété de Goldcorp Canada qui a ses bureaux à Vancouver et à Rio au Nevada.

(…).

J.B. Gerald

Journaliste pour Global Research

Sur le même thème : Amérique latine

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...