Édition du 5 novembre 2024

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Santé

Et si le ridicule pouvait tuer !

Vous connaissez le dicton qui dit que « le ridicule ne tue pas ! ». Et si ce n’était pas toujours le cas ! Explications. La dernière fois que j’ai vu mon médecin de famille remonte à novembre 2021. Celui-ci m’apprend alors qu’il prend une retraite anticipée pour cause de maladie. Néanmoins, il prend mes signes vitaux, écoute mes poumons, renouvelle mes prescriptions pour deux années. Il fait consciencieusement son travail. Toutefois, il m’explique qu’il ne me prescrit pas de prise de sang car il ne sera pas en mesure d’en assurer le suivi. Je n’ai donc pu avoir un bilan de santé complet vérifiant la glycémie, le PSA, le taux de cholestérol, etc. Mon dernier bilan de santé complet remonte à l’automne 2019. Dès mon retour à la maison, je m’inscris en ligne au Guichet d’accès à un médecin de famille (GAMF).

Dix-neuf mois plus tard, soit dans la semaine du 26 juin 2023, je reçois une lettre de la Régie de l’assurance maladie du Québec m’indiquant qu’un groupe de médecins de famille prendra en charge mon dossier médical signifiant par là que si j’ai besoin d’une consultation médicale, j’aurai un accès privilégié à la clinique qui m’a été attribuée. Sans plus tarder, je téléphone au Guichet d’accès à la première ligne (GAP). Je suis méticuleusement les instructions contenues dans la lettre et compose le 811, option 3. Une personne me répond, me pose les questions usuelles pour connaître la nature de ma demande de consultation : rencontrer un médecin afin d’obtenir un bilan de santé complet en expliquant que le dernier remonte à 2019, que j’ai passé la soixantaine et que par prévention un suivi médical me semble approprié. Celui-ci me dirige donc vers qui de droit. Après une courte attente, une autre personne me répond. Elle me pose sensiblement les mêmes questions, note mon numéro d’assurance maladie et me dit qu’une infirmière me rappellera dans les 24 à 48 heures afin de me questionner sur mes besoins et m’octroyer un rendez-vous. Jusqu’ici, « tout va bien », me dis-je.

Une trentaine d’heures plus tard, je reçois effectivement l’appel d’une infirmière. Elle note mon numéro d’assurance maladie, me questionne. Surprise ! Elle affirme qu’elle ne peut m’attribuer un rendez-vous car ma situation médicale ne le réclame pas, elle n’est ni urgente ni semi-urgente et je n’ai pas de douleurs à déclarer pour justifier un tel rendez-vous auprès du groupe de médecins de famille qui m’a été attribué ! Je reste calme, mais j’essaie de comprendre. «  Vous me dites que pour rencontrer un médecin, je dois avoir un problème de santé. » « Oui, vous avez bien compris. » « Non, je ne comprends pas, il me semble que l’un des rôles importants de la médecine, tel que je l’ai toujours comprise, concerne la prévention. S’il faut attendre d’avoir un problème de santé que fait-on de la prévention ? Un système médical qui ne fait plus de prévention m’apparaît être sur une voie de dérapage. Cela m’apparaît absurde, ridicule. Qu’en pensez-vous ?  », ai-je alors demandé. Après un moment d’hésitation et d’évident inconfort, celle-ci me répond que j’ai tout à fait raison. Avec gentillesse, elle me suggère alors de prendre rendez-vous en ligne à Rendez-Vous Santé Québec (RVSQ), mais malgré tout elle tente de me trouver un rendez-vous, mais elle dit ne pas y parvenir parce qu’il n’y a pas de disponibilité. Je la remercie, lui souhaite une bonne fin de journée et raccroche. Je tente immédiatement de prendre un rendez-vous en ligne à RVSQ. Dans un rayon de 10 km de mon domicile, il n’y a aucune disponibilité. J’élargis la demande de rendez-vous à 20 km. Même réponse. Même chose à 30 km ! Je suis bredouille. Toutes mes tentatives ont abouti au même résultat ! Le bilan de santé devra attendre.

Je raconte mon expérience à des ami.e.s et des membres de ma famille. Je réalise que je suis loin d’être un cas unique. Ce genre de situation se décline en de nombreuses versions. On me suggère même de mentir pour obtenir un rendez-vous ! Je dois avouer que cela me répugne de me résigner à falsifier la vérité pour obtenir un rendez-vous médical. Concrètement, cela signifie que le système médical tel qu’il a été reconfiguré pousse au mensonge, à la falsification de la réalité, mais aussi qu’il faut dorénavant avoir un problème de santé et des douleurs pour rencontrer un médecin. Exit la prévention ! Il est ici important de comprendre que lorsqu’un ou des symptômes surviennent, par exemple, dans le cas d’un cancer, celui-ci pourrait être diagnostiqué une fois déjà bien installé et à un stade avancé. Même constatation pour des problèmes cardiaques, comme un taux de cholestérol élevé, pouvant conduire à l’infarctus. Nous pouvons ainsi décliner plusieurs problèmes de santé potentiels qui seront diagnostiqués en aval plutôt qu’en amont une fois la problématique de santé bien installée.

Selon-vous, une telle situation est-elle acceptable ? Réfléchissez bien à cette question avant d’y répondre car dans un tel cas c’est ce qui arrive lorsque nous n’avons plus de médecin de famille. Force est de constater que l’absurde et le ridicule d’un tel système de santé qui fait fi de l’une de ses dimensions essentielles, j’ai nommé la prévention, pourraient tuer. Il ne s’agit pas ici de faire peur ou de sombrer dans la panique, mais d’ouvrir les yeux et de demander aux autorités compétentes de remédier aussi rapidement que possible à cette situation pour le moins absurde.

Nelson Tardif
Montréal, juillet 2023

Mots-clés : Québec Santé

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