Édition du 26 mars 2024

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Guantanamo

Guantanamo a dix ans

En janvier 2002, les premiers prisonniers faits par l’administration Bush et sa « guerre contre la terreur » arrivaient à la base navale de Guantanamo Bay. Cette base de quarante cinq mille milles carrés, enclave américaine sur l’île de Cuba, a été installée en 1905 et s’est maintenue depuis.

Harper’s.org, 11 janvier 2012, Traduction Alexandra Cyr

Aujourd’hui est le dixième anniversaire de l’ouverture de la prison que le gouvernement américain y a aménagée, au fil des années, la population internée n’a cessée d’augmenter pour atteindre 779 prisonniers à certains moments. Environ 600 ont été libérés, principalement sous l’administration Bush. 171 y sont encore dont la majorité ont été exonérés de tout crime et sont prêts pour leur libération. Les 98 autres sont l’objet d’une partie de ping-pong entre les Républicains qui font tout en leur pouvoir pour que cette prison reste ouverte et pour bloquer leur libération et le Président Obama qui semble vouloir tenir le morceau et garder dans l’actualité toutes les questions en rapport avec cette prison. Il s’était engagé, lors de sa campagne électorale à la fermer au cours de la première année de son mandat. Il n’a pu tenir cette promesse en partie parce qu’il a tardé à agir mais surtout à cause de l’obstruction du Congrès.

La plupart des discussions autour de cette prison portent encore sur les abus faits aux prisonniers. Il est maintenant clair que les conditions de détentions se sont améliorées ; déjà au cours des deux dernières années de l’administration Bush et ensuite sous l’administration Obama. Les installations physiques, et les conditions de vie actuelles ont permis de faire diminuer les critiques des défenseurs des droits humains.

Quelles leçons tirer de ce type de pratique ? Il y en a deux qui ont toujours été négligées par les médias et qui pourtant méritent plus d’attention. 1- 10 ans plus tard, le gouvernement américain n’a encore jugé aucun des détenus de Guantanamo pour avoir dirigé le complot qui a mené aux attaques du 11 septembre 2011. Cinq d’entre eux ont été formellement accusés et les preuves réunies contre eux semblent impressionnantes. Les deux administrations, celle de G.W. Bush et du président Obama, sont à blâmer pour leur lenteur à porter des accusations criminelles formelles, à présenter des preuves claires et persuasives de l’implication de chacun et à les juger. C’est une erreur inexcusable. Bien des raisons ont été invoquées pour tenter de justifier cette situation : la nécessité d’obtenir plus de renseignements de la part de ces prisonniers, celle de poursuivre des enquêtes plus approfondies, les complications (juridiques) crée par l’usage de la torture ou les « techniques musclées d’interrogatoire » auprès des témoins principaux et toutes les questions légales entourant les commissions militaires. La plupart de ces problèmes sont le fait du gouvernement lui-même et ne suffisent pas à expliquer la perte de temps proprement honteuse à rendre justice comme l’attendent les victimes et la nation toute entière. Guantanamo sera toujours un exemple de la maxime : retard de justice égale dénie de justice.
2- Guantanamo a aussi mis en lumière l’effet empoisonné de la politique partisane. C’est l’autre aspect négligé dans les débats à son sujet. Personne ne s’attendait à ce qu’un événement aussi bouleversant que les attaques du 11 septembre puissent échapper à la politique partisane. Aussi l’idée de cette prison a-t-elle été vite avancée après l’événement en plein milieu de la campagne électorale de mi-mandat de 2002. Les Républicains en ont fait un enjeu politique la présentant comme une solution « solide, énergique et proactive » pour défendre la nation contre les terroristes. Le message à porté à merveille et leurs candidats ont fait d’énormes gains.

Mais ce que les Américains ne savaient pas, c’est que, juste avant les élections des représentants de la CIA et du FBI sont allés dévoiler une bien mauvaise nouvelle à la Maison Blanche : Guantanamo était pleine de personnages insignifiants pas de dangereux leaders d’Al Quaïda ou des Talibans. La réponse a été toute politique. Le gouvernement n’allait pas réviser les dossiers des prisonniers ni les libérer. « Le président a déterminé qu’ils sont tous des ennemis combattants » a-t-on annoncé. Non seulement cette décision a-t-elle été démentie par des révisions de dossiers ultérieures et par des poursuites pour bris d’Habeas Corpus mais, elle a agressivement fait de ces prisonniers des êtres sataniques.

Cette honteuse réponse de l’administration Bush continue d’empoisonner le débat sur cette prison. Elle permet les redoublements des efforts pour ne pas prendre la responsabilité de toute une série d’erreurs politiques stupides. Ce furent sans doute des politiques intérieures efficaces mais le prix à payer a été considérable sur le plan extérieur. Notre influence s’est dégradée de même que notre image morale et à un degré encore jamais vu. M. Obama s’est engagé à fermer Guantanamo pour cette raison plus que pour toute autre. Il devrait s’attacher à cet engagement et travailler pour y aboutir.

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