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États-Unis

L’anti-science dans la culture et la politique aux États-Unis

La société étatsunienne a toujours eu une tendance anti-scientifique, mais aujourd’hui ce courant est plus fort et plus dangereux qu’il ne l’a jamais été depuis cent ans.

Hebdo L’Anticapitaliste - 653 (16/03/2023)

Par Dan La Botz

Crédit Photo
Wikimedia Commons / Adam Jones

Les politiciens de droite encouragent les attitudes anti-scientifiques pour attirer ceux qui les défendent dans des campagnes visant à remettre en cause la science dans presque toutes les grandes institutions étatsuniennes : les soins de santé, les écoles, les bibliothèques publiques et, bien sûr, la politique. Qu’il s’agisse de covid, d’avortement, d’homosexualité, de transsexuels, de changement climatique ou de questions raciales, les perspectives et les méthodes scientifiques sont remises en question par des points de vue et des approches non scientifiques. Les politiciens républicains et les leaders d’extrême droite galvanisent cet irrationalisme, qui s’accompagne d’une intolérance, d’une misogynie et d’une haine raciale croissantes, créant ainsi un terrain propice au fascisme.

Seule la Bible serait vraie

L’un des jalons historiques de l’anti-science américaine a été le « procès du singe » de John Scopes, rendu célèbre en 1960 par le film Inherit the Wind (sorti en France sous le titre Procès de singe). En 1926, le Tennessee avait adopté la loi Butler interdisant l’enseignement de la théorie de l’évolution. Un professeur de lycée nommé John Scopes, qui enseignait l’évolution, a immédiatement contesté la loi. Un débat s’ensuivit entre l’avocat radical Clarence Darrow, qui défendait Scopes, et le politicien populiste William Jennings Bryan, qui soutenait la loi. Il s’agissait d’un débat entre la science et la Bible. Scopes perdit son procès et la loi fut confirmée par la Cour suprême de l’État. Bien que la loi Butler ait été abrogée en 1967, ces opinions anti-scientifiques fondées sur la Bible ont persisté dans la société.

La source de nombreuses idées anti-scientifiques se trouve dans la « Bible Belt », la région des anciens États esclavagistes du Sud, où le christianisme évangélique est la foi dominante. Ces fondamentalistes chrétiens enseignent, et leurs fidèles croient, que seule la Bible est vraie. Beaucoup croient que Dieu a créé le monde en six jours, il y a environ 6 000 ans. Dieu a créé deux sexes, les hommes et les femmes, a fait des hommes les maîtres des femmes, et seuls les rapports hétéro­sexuels sont autorisés. Certains renoncent à la médecine et croient en la guérison par la foi. D’autres croient encore que Dieu a créé la race blanche pour qu’elle soit maîtresse des noirs, qui devaient être ses serviteurs. De nombreux évangéliques croient également que Dieu a donné à l’Amérique un rôle particulier dans l’histoire de l’humanité.

Un projet ultra-réactionnaire

Aujourd’hui, environ 70 % des AméricainEs sont chrétiens, 14 % d’entre eux s’identifient comme des évangélistes blancs, et parmi eux la quasi-totalité sont républicains. Ils ont des opinions conservatrices sur les questions sociales et économiques, et ils votent. Ils pensent que les chrétiens blancs sont victimes de discrimination de la part du gouvernement et de la société, mais ils prévoient une apocalypse prochaine, une fois que tout l’Israël biblique sera restauré — ce que les sionistes évangéliques soutiennent avec ferveur — et ensuite aura lieu la seconde venue du Christ et l’enlèvement des élus.

Les évangélistes blancs et autres nationalistes chrétiens blancs forment la base des mouvements qui se présentent aux réunions des conseils d’administration des écoles pour tenter d’empêcher les cours d’éducation sexuelle, aux réunions des conseils d’administration des bibliothèques pour interdire des livres et aux assemblées législatives des États pour protester contre les vaccins Covid et les règles de distanciation sociale. Ils luttent contre l’avortement, même lorsqu’il s’agit de sauver la vie de la mère ou d’éviter que des bébés naissent avec de graves malformations. Ils s’opposent aux droits des LGBTI. Ils s’opposent aux thérapies d’affirmation du genre utilisées pour aider les adolescentEs qui envisagent une transition de genre. Ils nient le changement climatique et ne s’inquiètent donc pas des nouveaux forages pétroliers ou de la combustion du charbon.

Trump, qui s’est affronté avec le Dr Anthony Fauci (alors conseiller en chef pour la santé publique) et d’autres scientifiques au sujet du Covid, qui s’est opposé à l’avortement et qui a nié le changement climatique, était un héros pour les évangélistes et les nationalistes blancs. Le gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis, qui fait actuellement campagne pour l’investiture républicaine à l’élection présidentielle, est anti-gay et trans, opposé aux masques de protection, à la vaccination pendant la pandémie de Covid, et proclame fièrement que la Floride n’a jamais été confinée (la Floride a le treizième taux le plus élevé de contamination par le Covid, et huit autres États de la Bible Belt sont dans le top 13). Les candidats républicains à tous les postes avancent souvent des positions anti-scientifiques pour gagner le soutien des évangélistes. Leur poids pourraient se renforcer lors des prochaines élections.

Traduction HW

Dan La Botz

L’auteur est un professeur d’université américain et un militant de l’organisation socialiste Solidarity.

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