On a beaucoup commenté le déroulement chaotique de l’assemblée, aussi je n’y reviendrai pas en détails. Si au début de celle-ci, d’après ce qu’on m’a dit, environ 600 membres étaient inscrits et attendaient de participer aux débats, ils ont ont fondu comme neige au soleil à mesure que le temps passait, au gré du très long exposé de monsieur Laurent Dubois le directeur général sur les finances de l’organisation. De nombreux couacs techniques ont nui au déroulement de cette assemblée que l’on qualifiait de très importante pour l’avenir de l’UNEEQ et donc, de la protection qu’elle offre aux écrivains face aux éditeurs.
Rappelons que celle-ci a pour mandat de défendre tous les écrivains et écrivaines, qu’ils soient membres ou non de l’organisation. Si l’assemblée avait accepté d’adopter le principe de cotisations, celles-ci seraient devenues obligatoires mais sans pour autant que l’UNEEQ cesse de défendre les non-membres.
Le vote sur ce sujet crucial s’est tenu en en milieu de soirée ; 456 membres se sont prononcés (248 plus178), ce qui signifie qu’on avait perdu plus de cent membres en cours de route sur les 600 du commencement. Une nette majorité a repoussé la proposition de cotisations obligatoires à raison de 56% (248) contre 40% (178). Était-elle représentative de l’ensemble des membres ? Ça reste à voir. Par la suite, à la toute fin, après une demande de vote sur la question préalable (il était 23h30), on s’est prononcé à la hâte sur la vente de la Maison des écrivains. Une mince majorité y a consenti (189 contre 179). Tout ceci sans évoquer les membres qui n’ont pas pu voter en raison de problèmes techniques et de ceux et celles qui ont abandonné en cours de route, découragés par la longueur de la réunion, laquelle a pris par moments l’allure d’un forcing.
Dans ces circonstances, la question centrale des cotisations est-elle réglée ? On peut s’interroger... Si l’assemblée s’était correctement déroulée, le résultat du vote sur les cotisations aurait peut-être été différent, en tout cas plus serré.
Faut-il conclure de tous ces déboires de l’UNEEQ que la majorité des écrivains et et des écrivaines est formée d’individualistes forcenés, sans aucune solidarité les uns envers les autres ?
Pas nécessairement. À entendre les paroles échangées lors du débat sur les fameuses cotisations, il était difficile de se faire une opinion sur ce que pensaient les gens : micros coupés, phrases interrompues, expressions de colère devant la tournure que prenait l’assemblée, méfiance à l’endroit du conseil d’administration, suggestions de report de l’assemblée ont occupé plus de place que les exposés rationnels et clairs.
On aurait dit un roman composé à la hâte, avec plein de fautes et de phrases hachées, une histoire sans queue ni tête...
La majorité des membres a cru, semble-t-il, que le conseil d’administration essayait de lui imposer une mesure devant laquelle elle hésitait.
Mais au-delà de ces contingences, est-on en droit de regarder les écrivains comme des "travailleurs" de la culture ?
Au sens strict du terme, non. Ils ressembleraient plutôt à des travailleurs autonomes ou encore à de petits entrepreneurs qui négocient avec d’autres plus gros, lesquels tiennent par conséquent le gros bout du bâton. Ils se font souvent avoir avec des clauses léonines contenues dans les contrats de publication.
Mais par ailleurs, ils ne sont pas propriétaires d’entreprises et n’exploitent personne. Bon nombre d’entre eux se situent à gauche sur les plans social et culturel. Ce n’est sans doute pas un hasard si le conseil d’administration a recruté l’ancien président de la CSN Jacques Létourneau comme président d’assemblée. Il a rempli sa tâche difficile avec doigté, patience et humour.
Si la majorité des membres présents de l’UNEEQ avait acquiescé à la proposition du conseil d’administration sur les cotisations, l’organisation se serait-elle par la suite affiliée à la CSN ? Le conseil d’administration avait-il cette idée derrière la tête ? Impossible de répondre à cette question puisqu’il vient d’annoncer sa démission.
Chose sûre, il faudra aux écrivains et écrivaines trouver un moyen de s’unir avec plus d’efficacité pour que l’UNEEQ puisse enfin mettre au point un contrat-type d’édition en face d’une puissante association d’éditeurs (L’ANEL). Elle doit pour y parvenir disposer enfin d’un bon rapport de forces.
Le débat n’est pas terminé. Il reprendra certainement tôt ou tard après l’élection d’un nouveau conseil d’administration prévue pour le 31 mai prochain.
Affaire à suivre...
Jean-François Delisle
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