Édition du 26 mars 2024

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International

L’hypocrisie américaine

La réforme des lois du travail en Chine se heurte aux multinationales

Alors que l’armée américaine continue à fusiller la démocratie sur les Irakiens, des multinationales – pour la plupart battant pavillon de l’oncle Sam - s’unissent en un honteux bloc réactionnaire contre une percée démocratique pacifique à l’autre bout du monde, en Chine. À l’ère de la mondialisation, alors que les travailleuses et les travailleurs québécoisES sont forcéEs de concurrencer contre leurs alter ego asiatiques, c’est peut-être un moment charnière de notre lutte sociale qui se joue là-bas, moment auquel la coalition étrangère s’est cavalièrement impatronisée.

En mars 2006, le gouvernement chinois présentait une première ébauche de réforme des lois du travail, donnant à ses travailleurs l’espoir d’un début de respect. En décembre de la même année, cette première ébauche était mise au rancart et une seconde voyait le jour, beaucoup moins généreuse pour la classe ouvrière. Entre les deux ? Des jeux de coulisse révoltants.

Un bloc de béton au pied du nageur

Il semble bien que la concurrence mondiale du prolétariat soit artificiellement maintenue à l’extrême. En effet, voilà que, lorsqu’une bonification inespérée des conditions des travailleurs chinois commence à poindre, les grandes compagnies – qui profitent de l’exploitation du « cheap labour » en ce pays – se regroupent en un puissant lobby et pèsent de tout leur pesant d’or pour refuser aux travailleurs cet avancement modeste, mais réel, de leurs droits. La réforme des lois du travail a instantanément mobilisé ce lobby capitaliste qui a menacé de quitter le pays avec son gigantesque portefeuille d’investissements et ses nombreux emplois. Coincé, le gouvernement chinois a passablement tiédit le projet de réforme, limitant – ou éliminant carrément – plusieurs points prévus dans l’ébauche originale, accouchant ainsi de la proposition de décembre. Les travailleuses et travailleurs chinois, dans ce bras de fer économique, seront les premiers à écoper, et indirectement, l’ensemble des travailleuses et des travailleurs souffrira de ce recul contraint par Microsoft, Ford, General Electric et autres pantins d’actionnaires.

L’effet chinois au Québec

L’arriération des conditions de travail chinoises est un prétexte régulièrement soulevé par le patronat pour justifier l’exigence de compromis de la part des travailleurs en terre québécoise. Les employéEs d’Olymel de Vallée-Jonction, pour prendre un exemple parmi tant d’autres, sont douloureusement conscients de cette compétition imposée, la Chine étant le plus gros producteur de porc au monde. Les « lucides » n’ont pas manqué de jouer sur cette nouvelle réalité de rivalité mondiale pour semer dans la population l’idée que nous devons céder des avantages sociaux, niveler par le bas pour « être compétitifs ». Ils déclarent : « il nous faut aussi être innovateur en matière d’organisation de travail, même si cela exige la remise en question de certains acquis. La concurrence mondiale étant ce qu’elle est, il serait suicidaire de refuser de se défaire des rigidités qui minent notre compétitivité. » Nos acquis sociaux étant selon eux des « rigidités », faut-il comprendre que la quasi absence de droit des travailleurs chinois est une bienvenue « flexibilité » ? En tout cas, force est de constater que les multinationales ont sorti l’artillerie lourde pour conserver cette flexibilité. On ne peut qu’imaginer l’éventail des possibilités si elles mettaient ce même acharnement au service de la défense des conditions de travail de ses employéEs et sous-traitantEs.

Solidarité internationale

Un peu partout, dans un geste de solidarité, mais aussi par conscience d’être au coeur même de cette lutte, les syndicats se sont organisés et ont fait contrepoids aux entreprises qui s’opposaient à la réforme, avec un certain succès, particulièrement en Europe. Alors que certaines compagnies, sous la pression populaire, se sont dissociées du bloc corporatiste, à l’autre extrême, d’autres sont encore insatisfaites des concessions minimes encore à l’agenda de la réforme. Cette lutte à finir transcende les frontières - c’est peut-être vrai pour tout combat social, mais c’est particulièrement criant dans ce cas-ci : le progrès des travailleurs chinois sera le progrès de tous les travailleurs.

La conclusion de Jean-François Lisée, dans son article « Le capitalisme à visage mesquin » (L’actualité, 15 mai 2007), résume à merveille cette histoire : « La mondialisation nous a entraînés vers le fond du baril. Mais voilà que le fond du baril monte. Honte à ceux qui freinent cette ascension. »

Voir en ligne :

 In Fear Of Chinese Democracy
 China’s proposed labour law reform
 Le capitalisme à visage mesquin
 Undue Influence : Corporations Gain Ground in Battle over China’s New Labor Law

Mots-clés : International

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