Édition du 23 avril 2024

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États-Unis

L’obsession du Président Trump pour les emplois manufacturiers n’est que politique

La plupart d’entre nous travaillons dans le secteur des services. Pourtant, nous n’entendons jamais le Président en parler.

Bryce Covert, The Nation, 10 février 2017
Traduction, Alexandra Cyr,

La stratégie du Président Trump pour les emplois manufacturiers laisse de côté 80% d’entre nous : 80% des emplois sont dans le secteur des services, 8% dans le secteur manufacturier.

Dans le secteur des services, 57% des emplois sont détenus par des femmes ; 17% par des noirs-es ; 24% par des Latinos.

Dans le secteur manufacturier, 71% des emplois sont détenus par des hommes. 62% d’entre eux sont blancs et ont voté pour le Président Trump.

S’il se souciait vraiment des travailleurs-euses il devrait aider le secteur des services. La moyenne des salaires dans le secteur alimentaire est de 9$ de l’heure ; dans les services de santé et des soins à domicile, de 11$ de l’heure comme dans celui du secteur de la vente. Finalement, le salaire moyen dans le secteur manufacturier est de 26$ de l’heure.

Lors de son assermentation Donald Trump se lamentait à propos « des usines rouillées qui trônent dans le paysage comme autant de tombes mortuaires partout dans le pays ». Depuis son élection, il s’est venté d’une entente avec Carrier pour conserver certains des emplois qui devaient être délocalisés vers le Mexique. Il ventait et cajolait aussi GM, Ford, Fiat Chrysler et Lockheed pour qu’ils créent des « emplois américains ». Le premier lundi de sa présidence il a invité les PDG et les dirigeants-es des syndicats des secteurs manufacturier et de la construction à venir le rencontrer. Lors de sa première conférence de presse, il a promis d’être « le plus grand créateur d’emplois que Dieu ait jamais créé ».

Mais il ne se préoccupe que d’un petit secteur de l’économie qui ne représente qu’environ 8% des emplois aux États-Unis. Même quand on prend en compte le secteur minier et la construction, les industries qui produisent des biens ne représentent que 13% des emplois américains.

Pourquoi donc D. Trump est-il si obsédé par les emplois dont le nombre décline et sur lesquels une petite partie des Américains-es comptent ? Il faut s’arrêter sur leurs détenteurs-rices. 70% de ces emplois sont détenus par des hommes dans le manufacturier et 90% dans la construction. Ceux qui vivent près des grandes usines ont plus tendance à voter pour D. Tump. En bout de course, le pourcentage du vote des hommes en sa faveur a été de 12% dont 21% de celui des hommes blancs.
Mais pendant que le Président fait tout un plat des emplois manufacturiers, il ne dit rien de ceux du secteur des services. Macy’s et Lowe ont annoncé des coupes dans leurs emplois. Ce sont des centaines de magasins qui ferment. Donald Trump ne voit rien de cela. Aucune mention dans son discours inaugural. Pourtant le secteur des services représente 80% des emplois aux États-Unis. En 1994, on y trouvait 3,5 millions d’employés-es. En ce moment, c’est beaucoup plus.

Puisque la plupart d’entre nous travaillons dans le secteur des services, pourquoi donc, le Président Trump ne s’occupe-t-il que de ceux du secteur manufacturier ?
Encore une fois il faut examiner la démographie. Les emplois du secteur des services, particulièrement ceux qui augmentent le plus vite, sont détenus principalement par des femmes et des personnes de couleur. Les femmes occupent 57% de ces emplois, presque 17% sont des Noires et presque un quart sont des Latinos. Dans le secteur des soins de santé, 87% des emplois sont détenus par des femmes dont 27% sont Noires. Dans l’alimentation, ce sont environ 55% des emplois qui sont détenus par des femmes dont plus de 25% sont des Latinos.
La plupart des Américains-es sont à la merci du secteur des services. Leurs craintes portent sur les conditions de travail intenables qui y règnent et sur celle de perdre leur emploi. Les salaires pour les débutants-es permettent tout juste d’éviter la pauvreté et encore, pas toujours. Le salaire médian dans les soins de santé est 10.54$ de l’heure. Celui de la vente au détail, 10.60$ de l’heure. Pour les serveurs de boissons, c’est 9.16$ de l’heure. Même à temps plein, en travaillant toute l’année, une famille ne peut sortir de la pauvreté avec de tels salaires.

Et de plus en plus, ces emplois ne garantissent pas suffisamment d’heures de travail pour pouvoir en vivre. Rien ne garantit non plus que les travailleurs-euses connaîtront ou non le nombre d’heures qu’on leur attribue. Au moins 17% de la force de travail a des horaires irréguliers qui empêchent d’organiser la garde des enfants et même le transport vers le travail. Ce problème est plus important encore pour les travailleurs-euses à très bas salaires dans les services. À New-York, seulement 40% des employés-es dans la vente au détail disent avoir un minimum d’heures de travail par semaine. Un quart disent être souvent sur appel.

Fréquemment, ce régime ne donne pas suffisamment d’heures de travail pour se procurer le nécessaire. Également, on sait que 5,800 millions d’Américains-es veulent travailler à temps plein mais ne trouvent que des emplois à temps partiel.
Finalement, avoir un emploi n’est que le début d’une dure lutte vers la sécurité financière pour une grande partie des Américains-es selon le genre et la couleur de peau. Mais vous n’entendrez pas le Président Trump en parler. Au contraire. Il ignore les réalités du monde ouvrier pour plaire à la partie des États-Unis qui l’a porté à la Maison blanche.

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