Édition du 21 janvier 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Semaine autochtone chargée non reflétée dans les médias

La relation avec le gouvernement caquiste empire dangereusement

Les gens de gauche qui veulent être bien renseignés à propos de la question autochtone et inuit ont tout avantage à consulter la section « Espaces autochtones » de Radio-Canada quitte à s’abonner à son infolettre hebdomadaire. La dernière lettre est riche d’informations donnant mal au cœur à tout démocrate.

8 décembre 2024

À la dernière assemblée générale de l’Assemblée des Premières nations (APN), le Premier ministre Trudeau, bien que vivement interpelé, a refusé de s’engager « à ouvrir une enquête nationale sur le racisme systémique dans les corps policiers du pays. […] Le premier ministre a prolongé sa présence devant l’assemblée, malgré les "honte au Canada" et les "Trudeau, rentre chez toi" qui ont suivi sa réponse aux interventions des mères d’autant plus que de nombreux chefs voulaient qu’il réponde à leurs doléances et à leurs difficultés quotidiennes » dont le manque d’eau potable dans une communauté nord-ontarienne depuis 30 ans « malgré le projet de loi C-61 sur l’eau potable » et qu’« [e]n 2015, Justin Trudeau s’était engagé à lever tous les avis à long terme sur la qualité de l’eau potable. Or, 31 sont encore en vigueur dans 29 communautés. »

Comme on pouvait s’y attendre les rapports avec les peuples autochtones ne sont pas au beau fixe du côté de Québec non plus. « En vertu de [la nouvelle loi 32 adoptée au début décembre], tous les établissements de santé devront se doter d’une approche de sécurisation culturelle envers les Premières Nations et les Inuit, en tenant compte de leurs réalités. Ils rendront des comptes annuellement sur les actions entreprises. » Sauf que « [l]es représentants du Conseil atikamekw de Manawan, de la nation Innu Takuaikan Uashat mak Mani-utenam, de la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador, de Femmes autochtones du Québec et du Bureau du Principe de Joyce ont tour à tour demandé le retrait ou la suspension du texte, le temps d’entreprendre une véritable collaboration. […] L’Assemblée des Premières Nations QuébecLabrador (APNQL) a carrément refusé de se présenter devant les parlementaires. »

Les groupes autochtones réclament l’adoption du Principe de Joyce, qui est une forme de sécurisation culturelle. Rédigé par la communauté atikamekw, il a été appuyé par le gouvernement fédéral ainsi que par le Collège des médecins et l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, entre autres. Le gouvernement Legault s’y oppose, car la reconnaissance de l’existence du « racisme systémique auquel font face les Autochtones » – qu’il refuse d’admettre – se trouve au cœur du Principe de Joyce.

De son côté, « Hydro-Québec a dévoilé jeudi sa Stratégie de réconciliation économique et de renforcement des relations avec les Premières Nations et les Inuit […qui] contient quatre grands axes. Le premier, l’axe économique, vise à faire en sorte que les communautés autochtones bénéficient de retombées économiques à long terme grâce aux grands projets énergétiques. La deuxième priorité, qui est environnementale et territoriale, a pour but de favoriser la participation des communautés en amont, quand les projets ont lieu sur leurs territoires traditionnels. […] Le troisième grand axe est lié à l’emploi. Il vise à créer des occasions de travail pour les individus… » On note qu’il n’est pas question de considérer un éventuel refus de ce développement économique tout électrique en parcs éoliens ou en barrages sur la base de l’article 32.2 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qui stipule « d’obtenir leur consentement, donné librement et en connaissance de cause, avant l’approbation de tout projet ayant des incidences sur leurs terres ou territoires et autres ressources, notamment en ce qui concerne la mise en valeur, l’utilisation ou l’exploitation des ressources minérales, hydriques ou autres. » Quant à l’amas de factures d’électricité impayées comme politique spontanée de résistance autochtone, il n’est point question de les effacer comme geste de bonne volonté mais d’un « quatrième grand axe de la stratégie de réconciliation [… mettant] en place des mesures visant à rapprocher Hydro-Québec des clients au sein des communautés… ».

C’est une histoire semblable avec le nouveau régime forestierqui « veut remettre la planification forestière entre les mains du Forestier en chef et de l’industrie, en plus de ramener le concept de zonage forestier. »

« Retour en arrière de 30 ans », « vision biaisée » au profit de l’industrie forestière, « transgression » des obligations envers les Premières Nations ; la réforme du régime forestier proposée par le gouvernement Legault ne passe pas auprès des communautés autochtones de la province. […] Faisant front commun, les Premières Nations ont en effet refusé de signer un engagement de confidentialité qui leur aurait interdit de partager les renseignements sur la place publique, y compris aux membres de leurs communautés respectives. […] Les Premières Nations redoutent l’absence « d’imputabilité politique » si Québec délègue la gestion des forêts à une tierce partie indépendante. « Comment comptez-vous honorer vos engagements et vos obligations constitutionnelles envers nos droits ancestraux ? », demandent les signataires. […] « Il n’y a rien concernant la sauvegarde de nos
modes de vie. Rien pour stopper la dégradation de nos territoires ancestraux. On n’y retrouve aucune mention de l’aménagement écosystémique et du maintien des vieilles forêts, si précieuses pour notre biodiversité et le caribou forestier », déplorent-elles.

Comme si la semaine ne pesait pas d’un poids écrasant sur les épaules autochtones, « le gouvernement du Québec […] a décidé de faire appel de la décision d’un tribunal qui avait statué que la province avait l’obligation de consulter les communautés autochtones avant d’accorder des claims miniers sur les territoires ancestraux. » Suite à cette décision,

La Première Nation Mitchikanibikok Inik, également connue sous le nom des Anishnabeg de Lac-Barrière, a manifesté son désaccord mercredi, concernant la décision du gouvernement de porter appel d’un jugement rendu le 18 octobre dernier. « L’exploitation minière met en péril nos terres, nos droits et la nature sauvage que nous préservons depuis des générations », a déclaré le chef de la nation Casey Ratt, dans un communiqué qui souligne que « Québec a choisi de porter la décision en appel, prolongeant ainsi les querelles juridiques au lieu de voir là une occasion d’avancer dans le processus de réconciliation ». […] « Le Québec devrait donner l’exemple en modernisant sa Loi sur les mines pour non seulement respecter, mais même aller au-delà de ses obligations constitutionnelles, plutôt que de perpétuer des pratiques dépassées », a déclaré mercredi Marc Bishai, avocat au Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE), qui représente la communauté autochtone.

Faut-il alors de surprendre de l’accueil glacial du chef bloquiste à l’APN contrairement à l’accueil chaleureux faite au chef du NPD :

Le premier passage du chef du Bloc Québécois, Yves-François Blanchet, à un rassemblement de l’APN ne s’est pas passé aussi calmement. D’abord arrivé dans un silence de moine au lutrin, il a parlé de l’autodétermination, à laquelle son parti est attaché, des langues, de la relation de nation à nation. Les choses se sont gâtées quand il a tenté de répondre aux questions du chef de Kahanawà:ke.
« On était là quand vos ancêtres sont arrivés en bateau. […] Je vous invite à Kahnawà:ke pour discuter sur ce que devrait être notre relation, sur comment votre peuple peut… commencer à faire ses bagages », lui a lancé Cody Diabo avec un sourire. Yves-François Blanchet a alors répondu que ce n’était » ni le lieu ni la tribune pour cette discussion ». Bien que sensible à la question, il a précisé « Vous n’y étiez pas, moi non plus. Outre la reconnaissance de l’histoire qui est absolument fondamentale, il faut aussi prendre acte de la réalité d’aujourd’hui. » Cette réponse lui a valu des huées bien senties.

Une remarque cinglante remettant en cause l’existence même de la nation québécoise a valu une réponse dans le même registre suggérant que le territoire des Kanien’kehà:ka au sein du Québec ne l’a pas toujours été. C’est là le résultat d’une relation des Autochtones avec le gouvernement du Québec se détériorant rapidement, alors que celle avec le gouvernement canadien, Libéral-NPD jusqu’à tout récemment, a su maintenir une apparence de « réconciliation » malgré une tout autre réalité. Pour la nation Kanien’kehà:ka, fortement anglicisée et dont seulement une partie réside à l’intérieur des frontières de la province fédérale du Québec, leur nationalisme anti-oppression particulièrement combatif est susceptible de mal jauger le nationalisme québécois par rapport au chauvinisme canadien qu’elle a partiellement assimilé.

Marc Bonhomme, 8 décembre 2024
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca

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