Édition du 16 avril 2024

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États-Unis

La représentante Ilhan Omar reçoit des menaces de mort et subit une dangereuse campagne de haine

Juan González : La toute nouvelle membre du Congrès, Ilhan Omar rapporte qu’elle reçoit plus de menaces de mort depuis que le Président Trump a diffusé sur « tweeter » un message la montrant avec des images de l’attaque du 11 septembre (arrière fond). Il a diffusé ce message vendredi, (12-4-19) avec le sous-titre « NOUS N’OUBLIRONS JAMAIS ». Le Président met donc en lien des images des tours jumelles du World Trade Center en feu avec une vidéo de Mme Omar parlant de l’augmentation des attaques contre les mulsulmans.es des États=Unis après le 11 septembre. Elle s’adressait au Conseil des relations américaines et islamiques le mois dernier.

Democratie Now, 16 avril 2019
Traduction et organisation du texte, Alexandra Cyr

Mme Omar : « Pendant trop longtemps, nous avons vécu dans l’inconfort d’être traités.es de citoyens.nes de deuxième classe. Franchement, j’en ai assez de cela et chacun et chacune des mulsulmans.es devrait en avoir également assez. Le Council on American-Islamic Relations (CAIR) a été fondé après les attaques du 11 septembre parce qu’il reconnaissait que certaines personnes avait fait quelque chose et que nous tous et toutes commencions à perdre l’accès à nos libertés civiles ».

J.G. : En fait, CAIR a été fondé en 1994. Le porte-parole de Mme Omar a rectifié plus tard, disant qu’elle avait fait une erreur : « (elle) voulait dire que l’organisation avait doublé le nombre de ses membres après les attaques du 11 septembre ». Dès le point de départ, les commentaires de Mme Omar ont été cités hors contexte et diffusés sur les médias de droite depuis The Daily Caller jusqu’à Fox News. Mme Omar a diffusé une déclaration disant : « Depuis que le Président a diffusé son message vendredi soir, je reçois plus de menaces de mort directes, plusieurs faisant le lien avec la vidéo du Président. Cela met des vies en danger. Il faut que ça s’arrête ».

Amy Goodman : Le site STANDWITHILHAN prenait de l’ampleur alors que les conservateurs.trices continuaient à attaquer l’élue du Congrès tout au long de la fin de semaine. Le Président a annoncé sur « tweeter » lundi qu’il se rendait au Minnesota. Mme Omar a répondu par le même outil : « Le grand État du Minnesota où non seulement les immigrants.es sont les bienvenus.es mais où on les envoient à Washigton. Pas de loi de bannissement ».

À New York, des propriétaires d’épicerie yéménites ont répondu à ces attaques en annonçant qu’ils boycottaient la vente et l’achat du New York Post qui avait attaqué Mme Omar en première page. Ce quotidien, propriété de l’empire Murdock, a fait sa une avec une image des tours en feu et une citation tronquée de la déclaration de la représentante démocrate : « le 9 septembre était quelque chose que des gens avaient fait ». En grands caractères superposés on pouvait lire : « Voici votre quelque chose ». L’association des marchands yéménites a déclaré que cette une provoquait la haine et visait les mulsulmans.es.

Pour discuter plus à fond la situation de la représentante Omar, Moustafa Bayoumi nous rejoint. Il est l’auteur de This Muslim American Life : Dispatches from the War on Terror. Il vient de publier dans The Gardian un article intitule : Ilhan Omar has become the target of a dangerous hate campaign. Il est professeur d’Anglais au Brooklyn College et à l’Université de la ville de New York. Il est aussi l’auteur de How Does it Feel to Be a Problem ? Being Young and Arab in America.
(…) Parlez-nous de ce que d’autres personnes ont dit au fil du temps. Vous invoquez cela dans votre article (dans le Gardian). Donnez-nous quelques citations.

Moustafa Bayoumi : Bien sûr ! Si vous avez un peu de mémoire vous vous rappellerez que G.W.Bush, ancien Président des États-Unis, a dit, en se référant aux attaques du 11 septembre, quelque chose comme : « HE ! Bien, ce sont ces gens qui ont commis cet acte ».

Président G.W.Bush : ….toutes les ressources du gouvernement fédéral vont à l’aide aux victimes et à leurs familles et pour procéder à une enquête approfondie pour abattre et trouver ces gens qui ont commis cet acte.

A.G. : « Trouver ces gens qui ont commis cet acte ».

M.B. : Oui. Pour moi, cela ressemble terriblement à ce que I. Omar a dit. Et en plus, G.W.Bush dit cela devant tout le pays et personne ne considère qu’il est contre les Américains.es de quelque manière que ce soit. Alors, dans les faits, je pense que ce qu’a dit Mme Omar est tout-à-fait dans les normes du discours politique dans notre pays. (…) Ce n’était qu’un exemple.

En voilà un autre. Ses accusateurs.trices disent maintenant que son discours prétendait que les Juifs.ves américains.es subissaient une campagne à propos de leur (supposée) double loyauté. En fait, elle n’a rien dit de tel. Donc, je pense qu’il est important de préciser ce qu’elle a dit et n’a pas dit. Elle a parlé des questions d’allégeances. Et si nous entendons la diffusion que vous venez de faire et que nous parlons des lois contre la campagne BDS (boycott, désinvestissement, sanctions contre les politiques israéliennes et de soutien aux Palestiniens.nes) on peut dire que ce sont de fait des lois d’allégeance qui sont maintenant inscrites dans le cœur du système américain. Mais, il y a effectivement quelqu’un qui a en appelé de la double loyauté des Juifs.ves des États-Unis ; c’est notre actuel Président, D. Trump.

A.G. : Expliquez-nous ce qu’il a dit.
M.B. : (…) En parlant devant la Jewish Republican Coalition, à Las Vegas la semaine dernière, il a dit : « Laissez-moi vous parler de votre Premier ministre ». Il référait donc à B. Netanyahu comme leur Premier ministre.

J.G. : Comment voyez-vous cette énorme campagne lancée contre cette nouvelle élue du Congrès par tant de conservateurs.trices, de groupes de droite du pays et par le Président lui-même. Selon vous qu’est-ce qui se cache derrière ça ?

M.B. : HE ! Bien, d’une certaine façon c’est très clair. Ilhan Omar est l’une des deux musulmanes qui ont été élues au Congrès ; les deux premières musulmanes à être élues au Congrès. Cela leur donne, je crois, une certaine visibilité en même temps qu’une certaine vulnérabilité. Et non seulement est-elle ouvertement musulmane, mais elle porte le hidjab, elle se couvre les cheveux, elle est une immigrante et noire. Elle est donc, à tous ces égards, dans une situation des plus vulnérables dans notre actuelle société.

Mais, il n’y a pas que ça. Je pense, (…) que si elle était une somalienne noire réfugiée silencieuse, une musulmane qui se couvre les cheveux et tout le reste, je pense que les gens seraient trop heureux.ses de se contenter de la regarder. Mais elle n’est pas une élue silencieuse. Et c’est une très bonne affaire. En fait elle tente de s’attacher profondément à ses principes, d’être une élue consciencieuse même au cours de la courte période depuis qu’elle siège à la Chambre. Je pense qu’elle est une figure qui fait peur à beaucoup de gens de droite et même, parfois, à certains.es du courant dominant au Parti démocrate.

J.G. : J’allais prendre ce virage. Qu’en est-il de la réaction de l’élite démocrate quant aux menaces qu’elle reçoit et au rôle de bouc émissaire qu’on veut lui faire jouer ?

M.B. : (…) Vous savez, je pense que ce que nous avons vu a été d’une certaine manière un test limite pour savoir où se situe la direction du Parti démocrate et aussi comment ceux et celles qui sont en lutte pour les Présidentielles mentent à propos d’un des sujets les plus importants à l’heure actuelle, l’islamophobie. Par exemple, la déclaration de N. Pelosi au sujet de Mme Omar, était très décevante selon moi. J’ai cru qu’elle évitait de prononcer son nom, elle n’est pas venue à sa défense et ma foi, elle l’accusait en sous-main de sacraliser ou désacraliser ce que j’appellerais le territoire du 9 septembre, ce qui n’était pas du tout l’objet de la controverse. Je pense donc que la réponse de Mme Pelosi était honteuse.

A.G. : Et maintenant, on l’attaque (I. Omar) à cause de ses critiques contre Stephen Miller et ses idées anti immigrants.es. On lui reproche qu’en parlant de S. Miller dans l’administration, elle attaque en fait un Juif de cette administration, ce qui prouverait qu’elle est antisémite. Nous avons déjà reçu le Dr. David Glosser, un neveu de S. Miller, un fils de sa sœur, qui critique ses visions extrémistes contre les immigrants.es.
M.B. : Exactement. Est-ce que ça veut dire qu’Ilhan Omar ne pourrait que se critiquer elle-même ? Ça revient à cela. Elle ne critique pas S. Miller parce qu’il est juif. Elle le critique pour les positions qu’il défend. C’est totalement à l’intérieur des normes du discours politique américain.

A.G : Qu’est-ce que cela signifie pour les musulmans.es à travers le pays ? I. Omar dit qu’elle a atteint le sommet des menaces de mort contre elle. Le Président Trump l’épingle dans sa vidéo où il la juxtapose aux attaques du 11 septembre. Et maintenant, au sujet des attaques contre la synagogue Tree of Life où le meurtrier emprunte les mots de D. Trump : « envahisseur » « invasion ». Les mots du Président dans ses « tweets » ont un sens.

M.B. : Absolument. Une étude a été publiée l’an dernier qui montre qu’il y a une corrélation directe entre les « tweets » anti musulmans de D. Trump et l’augmentation des crimes haineux contre cette population. Et ce n’est pas qu’aux États-Unis, c’est aussi international. C’est ce que cette recherche a mis au jour. Et il n’y a pas que ce que D. Trump a publié de complètement dérangeant. Mais cela arrive dans les semaines qui suivent la mort de 50 personnes en Nouvelle Zélande dans 2 différentes mosquées. Des meurtres commis par un homme qui se sentait lié au Président Trump et à son idéologie.

A.G. : Et n’oublions pas ce que la Première ministre néozélandaise, Jacinda Ardern a répondu au Président quand il lui a demandé au téléphone ce qu’il pouvait faire pour l’aider. Elle a répondu : « Respectez la communauté musulmane » et elle a revêtu un hidjab pour réconforter les familles des décédés.es.
Merci Moustafa Bayoumi. (…)

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