Édition du 16 avril 2024

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Lutte contre la pauvreté

Les enjeux de pauvreté spécifiques aux femmes sont-ils pris en compte dans le 3e plan de lutte à la pauvreté et l’exclusion sociale ?

La Fédération des femmes du Québec (FFQ) regrette que le gouvernement ne prenne pas en compte les enjeux spécifiques des femmes en situation de pauvreté dans son plan d’action pour l’inclusion économique et la participation sociale.

Ce plan devait être un troisième plan d’action contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Le gouvernement fait ici comme avec la commission sur le racisme et la discrimination systémique, dont il a changé le nom en forum sur la valorisation de la diversité, qu’il a centré sur l’emploi. Mais ce n’est pas en enlevant des mots qu’on règle les problèmes : au contraire, on peut encore moins leur trouver des solutions.

Pauvreté et exclusion sociale

Le gouvernement prétend sortir 100 000 personnes de la pauvreté. Il serait plus juste de dire qu’il veut les amener à la mesure du panier de consommation (MPC), où on est encore pauvre bien qu’on puisse à peu près remplir ses besoins essentiels. Cela laisse encore 700 000 personnes dans une situation de pénurie grave, dont une majorité de femmes.

Le gouvernement mise sur l’emploi pour que ces personnes améliorent leur situation. Or le marché de l’emploi est compétitif et manifeste peu d’ouverture à l’égard des personnes qui ne répondent pas aux normes de présentation et aux standards de rapidité, disponibilité, expérience et autres. Dans ces conditions, la course à obstacles est pipée d’avance pour nombre de femmes, car tout est prétexte à exclusion : leur origine ethnique, leur apparence physique, leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, leurs contraintes familiales, la non reconnaissance de leurs contributions sociales ou de leurs diplômes. Beaucoup ont connu plusieurs expériences de travail qui se sont soldées par des échecs : en effet, leur condition physique ou psychologique, bien que non reconnue comme contrainte sévère à l’emploi par l’aide sociale, est tout de même la raison pour laquelle les employeurs ne les gardent pas à leur service.

De plus, alors que le gouvernement fixe le montant de l’aide sociale à seulement 55 % de la MPC et donc à la moitié des besoins essentiels, il est reconnu que maintenir les personnes dans une précarité extrême nuit à leur santé physique et mentale. Il est par la suite, plus difficile d’intégrer le marché de l’emploi.

« Pour des femmes, cela veut souvent dire être contraintes de rester dans des situations de violence, d’abus, de travail non désiré : conjoint violent, logeur qui exige son tribut en faveurs sexuelles, activités sexuelles lucratives non souhaitées, employeurs harcelants », dénonce Gabrielle Bouchard, présidente de la FFQ. « Beaucoup de femmes sont dans une situation où elles ne peuvent pas faire valoir leurs droits : la barrière de langue, une situation irrégulière à l’immigration ou à l’état civil, de mauvaises expériences antérieures avec l’administration deviennent autant d’obstacles insurmontables. »

Des solutions collectives

Au lieu de remettre le fardeau de la pauvreté sur les individu·es, il faudrait s’engager dans des solutions collectives. Les mouvements citoyens en réclament plusieurs depuis longtemps.

La première mesure est sans doute la hausse du salaire minimum, puisque celui-ci ne permet pas de sortir de la pauvreté, même en travaillant à temps plein. Or les femmes occupent la majorité des emplois à temps partiel, à bas salaire et précaires. Et il faudrait cesser de permettre les salaires de misère des aides domestiques, notamment des aides domestiques venues avec le programme des aides familiales du Canada (PAF), un programme qui, malgré les récents changements, met ces femmes sous la dépendance quasi-totale de leur employeur.

Une politique de conciliation famille-travail-études est nécessaire pour assurer un meilleur accès des femmes à des revenus d’emploi suffisants en assurant des conditions de travail facilitantes, dont certaines doivent être inscrites dans les normes minimales du travail. Le système public de services de garde doit être renforcé plutôt qu’affaibli ; on se réjouit que les personnes à l’aides sociale y aient désormais un meilleur accès, une des rares bonnes nouvelles du plan gouvernemental.

D’autres aspects de l’aide sociale doivent être modifiés pour répondre aux besoins et situations des femmes, ce qui est réclamé depuis longtemps : la non-comptabilisation complète des pensions alimentaires pour enfants dans le calcul du revenu aux fins de l’aide sociale et de l’aide financière aux étudiant·es, la modification de la notion de vie maritale qui maintient de nombreuses femmes dans une situation de dépendance économique, l’individualisation des prestations, le relèvement des avoirs pour l’admission à l’aide de dernier recours.

Finalement, on souhaiterait que le gouvernement pratique une véritable analyse différenciée selon les sexes (ADS), comme il en a l’obligation. « Il ne suffit pas d’enligner des tableaux statistiques pour dire qu’on fait de l’ADS », précise encore Mme Bouchard. « Il faut analyser les mesures proposées pour prévoir leur effet sur les femmes, ce qui n’est pas fait ici. Il faut aussi tenir compte que la population “ femmes ” n’est pas homogène et analyser les répercussions sur différentes situations vécues par les femmes, notamment au point de vue des handicaps, de l’origine ethnique ou des caractéristiques racialisées. »

La FFQ s’inquiète des orientations gouvernementales de ce plan. Elle ne peut cautionner le fait que la lutte à la pauvreté et l’exclusion sociale ne passe que par l’emploi. C’est un enjeu complexe qui appelle des solutions diversifiées. Les femmes continueront à réclamer qu’une garantie de revenu suffisante soit donnée à la population, en plus de services publics améliorés, d’un salaire minimum et de conditions de travail qui honorent les personnes au lieu de les déconsidérer et de les maintenir en situation de pauvreté.

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