Édition du 23 avril 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Amérique centrale et du sud et Caraïbes

Les luttes paysannes et la crise haïtienne

Notre pays vit une profonde crise avec des dimensions systémiques et conjoncturelles. Cette situation qui semble s’aggraver tous les jours a de dramatiques conséquences sur les conditions de vie de la population. Depuis juillet 2018, l’Exécutif ne gouverne pas et tous les indicateurs sont au rouge. En fait l’effondrement des institutions étatiques a commencé depuis de longues années connaissant cependant une brusque accélération depuis 2010.

tiré de : Objet : [CADTM-INFO] Afrique du Sud, mouvements sociaux, Banque mondiale...

26 avril par PAPDA , FONDAMA

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I. Mise en Contexte

Depuis 2 mois l’’Etat a des difficultés pour rémunérer ses employés. L’approvisionnement du marché national en produits stratégiques ne se fait plus avec régularité. Depuis décembre 2018 la rareté des produits pétroliers génère une situation chaotique avec ces derniers jours un blocage presque complet de la vie économique. Dans la capitale des quartiers entiers sont privés d’électricité durant de longues périodes. Le déficit fiscal continue à se creuser avec l’explosion du crédit fournit par la Banque centrale au fonctionnement de l’appareil de l’État surendetté. Entre octobre 2017 et décembre 2018 la quantité de citoyens et citoyennes en phase critique de malnutrition est passée de 1.7 millions à 2.3 millions et on prévoit que ce chiffre peut atteindre 2.8 millions entre mars et mai 2019. Les réserves internationales nettes sont au plus bas niveau depuis plusieurs décennies.

L’orientation néolibérale des politiques publiques se maintient et se renforce à travers un nouvel accord de prêt avec le FMI [1] assorti des conditions classiques de privatisation conduisant à une aggravation des conditions de vie des couches les plus pauvres, une augmentation des subventions aux grands importateurs de riz. La privatisation complète de l’importation des produits pétroliers fait probablement partie du paquet de conditionnalités signées avec le FMI. Des incidents tragiques au niveau de la frontière qui ont causé la mort de plusieurs agents douaniers dans l’exercice de leurs fonctions ne semblent pas avoir été suivis de mesures adéquates de redressement et d’affirmation de mécanismes de contrôle des frontières alors que cette mission est attribuée à un noyau d’une soi-disant nouvelle armée totalement transparente. L’absence d’investissements publics et privés dirigés vers les secteurs productifs persiste.

La grande majorité des citoyens et citoyennes connait une brutale et rapide paupérisation suite à la détérioration accélérée de la gourde face au dollar étatsunien au cours des 3 dernières années, une inflation importante et continue durant les 38 derniers mois, une maladroite tentative de dé dollarisation très mal gérée en mars 2018, des instruments budgétaires recherchant une brutale augmentation de la pression fiscale de 12 à 18% dans un contexte de précarité généralisée [2]. Un budget qui fait reposer l’assiette fiscale de façon prédominante sur les couches les plus appauvries. Un système gangrené par la corruption et l’impunité avec une volonté affichée des pouvoirs publics de maintenir les privilèges exorbitants des membres de l’exécutif, du pouvoir législatif et le gaspillage des fonds du Trésor Public.

Dans ce contexte de grande fragilité dominé par une tendance croissante à l’accaparement des terres occupées par la paysannerie pour les transférer vers les entreprises transnationales et haïtiennes les contestations populaires réclamant notamment la démission du Président de la République, la mise en place du procès petroCaribe et des mesures rapides et énergiques pour une récupération du pouvoir d’achat de la population se multiplient. Ces protestations ont culminé avec d’impressionnantes manifestations populaires massives les 17 octobre, 18 novembre 2018 et 7 février 2019 aboutissant à une rupture totale entre les 3 Pouvoirs et le pays avec une hallucinante période de 10 jours de cessation quasi complète de toute activité économique sur le territoire national. Une indignation généralisée secoue de larges couches de la population face aux décisions prises au sommet de l’Exécutif et face à des événements inacceptables comme le vote contre le gouvernement de Nicolas Maduro, les scandales financiers à répétition et l’issue donnée à la présence des 7 mercenaires venus des États-Unis.

Face à cette situation plus qu’alarmante FONDAMA et PAPDA ont décidé d’organiser une séance de travail autour de cette crise. Cet atelier intitulé « Luttes paysannes et crise haïtienne » doit favoriser une prise de conscience autour des principaux enjeux de cette conjoncture agitée et la nécessité pour les acteurs paysans de structurer des réponses pertinentes qui permettent de faire avancer un agenda de rupture face aux politiques publiques afin de dynamiser la mise en place de nouvelles options favorables aux intérêts de la nation et au renforcement d’une économie paysanne agro écologique.

Cet atelier est organisé dans un triple souci :

1. Commémorer la journée internationale des luttes paysannes le 17 avril dans le cadre des activités lancées notamment par CLOC-Via Campesina tout au cours du mois d’avril 2019

2. Célébrer la grande victoire remportée le 28 septembre 2018, après de 17 ans de lutte de Via Campesina, avec l’adoption par les Nations Unies de la « Déclaration des droits des paysans et paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales ». Cette déclaration, dont un extrait est disponible en créole, dans une des publications de la PAPDA, constitue un instrument magnifique dans le combat pour la défense de la souveraineté alimentaire, de l’économie paysanne et de nouveaux modèles de société construits autour du bien commun.

3. Favoriser l’appropriation du Cahier national de revendications paysannes, élaboré par la PAPDA et le GRAMIR et validé par des centaines d’organisations paysannes et les principales confédérations réunies autour de la coalition 4Je, le 17 avril 2018

II. Objectifs et résultats espérés

Dans le cadre de cet atelier nous voulons :

1. Commémorer la journée mondiale des luttes paysannes lancée par CLOC-Via Campesina

2. Faire connaitre et diffuser la déclaration sur les droits des paysans et paysannes et les autres personnes travaillant dans les zones rurales et définir un processus favorisant son appropriation par les mouvements paysans haïtiens en lutte

3. Analyser la conjoncture actuelle en fournissant aux acteurs paysans les éléments clés pour une affirmation de leur agenda et de leurs perspectives de lutte

4. Réfléchir sur les divers modèles en débat en ce qui concerne l’avenir de la paysannerie haïtienne et de notre économie

5. Contribuer à redynamiser les processus de lutte et de réflexion autour de la question de la réforme agraire populaire intégrale

6. Lancer des pistes visant à favoriser la mise en place de ponts et de nouveaux mécanismes de travail entre les fédérations paysannes et les mouvements sociaux qui luttent dans d’autres secteurs

7. Influencer les débats sur les politiques publiques notamment en ce qui concerne le monde paysan et la production nationale

Notes

[1] « Facilité Élargie de crédit » signée avec le Gouvernement haïtien en février 2019 pour un prêt de 229 millions $USD avec un taux de 0% sur une période de 3 ans. Cet accord est intervenu tout de suite après la décision de Jovenel Moïse de voter contre la légalité de Nicolas Maduro.

[2] Les données utilisées sont tirées en majorité de la note sur la politique monétaire publiée par la BRH en Mars 2019 : https://www.brh.ht/documents/note_polmon2t19.pdf

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