Tiré du blogue de l’auteure.
Au Brésil, aux États-Unis (suprématistes blancs, ultra-conservateurs), en Europe (Espagne, Belgique, Autriche, Hongrie, Pologne, Italie, Danemark, Finlande, Estonie), les discours désinhibés des porte-paroles se ressemblent. Dans le contexte des élections européennes, il semble intéressant de croiser ce modèle avec celui dit démocratique. Bien que mettant en avant un parallèle avec les années 1930, les partis progressistes ne sont pas en reste. Leur but est de brandir le drapeau de la tyrannie pour éloigner les « vieux démons de l’entre-deux guerres » et ainsi développer la peur au sein des populations. En fait, cette focalisation occulte des options, peu exemplaires, dictées par les intérêts du libéralisme : sauver coûte que coûte l’Union européenne.
Certes, les inégalités sociales, renforcées, et la désaffection pour les élites politiques, engluent une grande partie des électeurs dans le repli identitaire et le nationalisme. À cet égard, en Europe, les partis d’extrême-droite mettent tout en œuvre pour rendre compte d’une unité imaginaire. Cette mise en scène passe notamment par le rejet de l’égalité femmes-hommes, arguant qu’elle privilégie la parité « dans les appels d’offres pour des marchés publics » ou encore l’avortement, une « arme de destruction massive contre la démographie européenne », autant de droits des femmes qu’ils rejettent. Plus globalement, les droits des LGBTI, dont le mariage homosexuel, remettraient en cause un « ordre établi » qui menacerait l’Europe. Ces prises de position s’accompagnent d’un franc rejet du féminisme, qualifié de « dictature des femelles » ou de « djihadisme de genre ».
Certes la violence contemporaine est moindre que sous Mussolini, le nazisme ou le franquisme – on pourrait ajouter à la liste le colonialisme – pendant lesquels la brutalité était de rigueur. Cette brutalité incluait d’une part le renvoi des femmes à la sphère privée, leur attribuant un statut de mineur civique, sous tutelle, et les dédiant à des rôles de mères, épouses, dévolues aux soins (nutrition, éducation, santé) et à la re-production de la Nation, et d’autre part le vol des enfants, la torture ou l’enfermement (incarcération, internement) des opposantes au parti au pouvoir.
La violence des années 2010 existe, sourde, disqualifiée. En France, la vente d’armes par l’État pour mieux entretenir les conflits au Yémen ou ailleurs, le déni des violences policières, les mensonges politiques associés (exemple de l’incident à l’hôpital de la Salpêtrière), le démonisation des citoyens en lutte, la sous-qualification des crimes perpétrés par l’extrême-droite (Clément Méric, Brahim Bouarram, Ibrahim Ali), ne représentent qu’une partie de la panoplie utilisée en France pour entretenir la terreur et la haine. De façon plus sournoise, le budget, le renforcement des inégalités de sexe au travail, dans l’accès à la santé, aux postes de décision etc. et les prises de position de certains députés LREM qui soit nient l’augmentation des féminicides en mettant en avant un masculinisme aberrant – Claire O’Petit a déclaré le 30 avril dernier à l’Assemblée nationale « qu’un homme meurt tous les treize jours sous les coups d’une femme » – soit considèrent l’égalité aboutie et lient les stéréotypes de genre à l’appartenance de sexe biologique – Nathalie Loiseau, tête de liste LREM aux Européennes, ancienne militante du GUD (groupuscule d’extrême-droite) et auteure du livre « Choisissez TOUT » – entérinent une vision archaïque des rapports sociaux de sexe. L’ensemble de cette violence nourrit la rhétorique populiste et nationaliste ambiante.
Match nul, balle au centre ? Le gabarit fasciste comme le modèle libéral ont en commun un héritage historique de violences misogynes, sexistes et antiféministes. Le premier le met autant en exergue que ses autres vestiges discriminatoires. Le deuxième donne à voir une image lissée de probité, uniquement dictée par les intérêts économiques et financiers d’une poignée de dominants.
Joelle Palmieri
13 mai 2019
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